En 2006, X a acquis en Belgique, pour 25.000 €, une copie d'un portrait en pied de l'Empereur Napoléon III peint par Winterhalter.

En 2009, X a souhaité vendre la toile aux enchères.

Cependant, le Ministère de la Culture a revendiqué le tableau, qui a été retiré de la vente.

Selon le Ministère, il s’agit d’une copie commandée par l’Etat au peintre Aubert Ternus pour la ville de Thiers en 1867, qui appartient donc au domaine public de l’Etat.

X s’est opposé à cette revendication en soulevant 2 arguments :

  1. le tableau litigieux n’est pas la copie commandée par l’Etat
  2. rien ne prouve que cette copie appartient au domaine public de l’Etat

 

Le 6 octobre 2021, la CA Paris a rejeté ces arguments et ordonné la restitution de la toile à l’Etat, aux motifs que :

1. Sur l'identité du tableau revendiqué

  • le dossier d’achat de l’œuvre conservé aux Archives nationales permet de retracer l’historique de la commande à Ternus
  • la différence de 0,5 cm entre la hauteur mentionnée au dossier et la hauteur mesurée par huissier n’est pas significative
  • certes le tableau de Winterhalter a été copié à la demande de l'Etat en plusieurs centaines d'exemplaires et par de multiples artistes, mais Ternus n’a reçu qu’une commande en 1867
  • 2 inscriptions « ternus » apparaissent sur le châssis, permettant une attribution à ce peintre
  • le cadre correspond à celui qui a été commandé à l’encadreur

Le tableau litigieux est donc bien la copie réalisée pour le compte de l'Etat par Ternus, destinée à l'hôtel de ville de Thiers et livrée à la commune en 1867.
 
2. Sur les conséquences de l’appartenance du tableau au domaine public

  • la copie de Ternus est inscrite à l'inventaire du FNAC, et appartient donc au domaine public mobilier de l’Etat
  • il s’agit ainsi d’un bien inaliénable, qui ne peut se prescrire par une acquisition régulière, la bonne foi de l’acquéreur ne pouvant être opposée à l’Etat

L’Etat est donc en droit de revendiquer l’œuvre.

Problème : la restitution à l’Etat est SANS contrepartie financière.

X a alors cherché un moyen détourné d’obtenir une indemnisation, en prétendant, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, que l’Etat avait commis une faute délictuelle à son encontre.

Selon X, l’Etat a manqué à son devoir de veiller au sort du tableau, ce qui lui a causé un préjudice puisque, sans la négligence de l’Etat, X n’aurait pas acquis la copie !

Mais X est là encore débouté : seule l’autorité administrative est compétente pour connaître de la responsabilité de l’Etat pour les dommages causés aux particuliers.

Conseil : en cas d’acquisition d’une œuvre qui s’avère être un bien public, mieux vaut se retourner contre le vendeur que contre l’Etat !