X a proposé à Y d’acquérir à plusieurs le tableau Saine finance de Braque, en vue de le revendre avec une plus-value.
 
Prix d’achat : 3,3 M€
 
Objectif de revente : entre 5 et 15 M€
 
Le montage proposé par X était le suivant :

  • souscription par Y de 2 emprunts obligataires émis par une SARL gérée par X, à hauteur de 1 M€
  • montant de 1 M€ dédié à l’acquisition du tableau
  • taux d’intérêt de chaque emprunt : près de 100% / an
  • versement des 1 M€ sur le compte bancaire d'une société luxembourgeoise, gestionnaire de fortune du vendeur du tableau
  • remboursement du capital et des intérêts à date fixe
  • remboursement garanti par 2 actes de cautionnement conclus par X au profit de Y

En parallèle, une convention d’indivision a été conclue entre X, Y et une autre société pour mettre en commun une partie de leur patrimoine en vue de constituer une collection d’œuvres d’art.
 
Cependant, la SARL gérée par X n’a jamais remboursé les emprunts obligataires.
 
Estimant avoir été dupé dans une opération frauduleuse, Y a donc saisi le tribunal de commerce de Nantes pour demander la nullité des emprunts obligataires et de la convention d’indivision et obtenir des dommages-intérêts.
 
Le 17 juin 2021, le TCom de Nantes a en partie donné raison à Y.
 
1/ Les emprunts obligataires
 
Les SARL peuvent émettre des obligations si elles respectent certaines conditions (désignation d’un commissaire aux comptes, approbation des comptes des 3 derniers exercices).
 
Or, la SARL de X ne respectait pas ces conditions.
 
Elle ne pouvait donc pas émettre des obligations, de telle sorte que les emprunts obligataires sont nuls.
 
En revanche, les actes de cautionnement ne sont pas nuls, la théorie de l’accessoire ne s’appliquant pas.
 
X et sa SARL sont donc condamnés à rembourser à Y la somme de 1 M€.
 
2/ La convention d’indivision
 
Cette convention présente de nombreuses anomalies.
 
Mais la société avec laquelle X et Y ont conclu cette convention n’était pas partie à l’instance.
 
Le Tribunal a donc refusé d’annuler la convention d’indivision.
 
3/ Le préjudice de Y
 
Pour le Tribunal, le montage est « aberrant » :
◾ la SARL a émis des obligations pour 1 M€ alors que son capital n’était que de 8.000 €
◾ Y a apporté sa quote-part de 1M€ à une SARL qui n’est pas partie à l’acquisition de l’œuvre
◾ les contrats d’obligations ne faisaient aucune mention de la convention d’indivision
◾ les fonds versés par Y transitaient sur le compte d’une société luxembourgeoise qui n’était pas partie à l’acquisition du tableau
◾ La convention d’indivision était antidatée
 
Le Tribunal en conclut que Y a été entraîné dans un « montage spéculatif totalement ubuesque ».
 
Ayant abusé Y, X et sa SARL sont condamnés à l’indemniser à hauteur de 100.000 €.
 
Et dire que le tableau de Braque s’intitule « Saine finance » !