X, peintre, revisite des classiques de la peinture en remplaçant les personnages par des Playmobil.
Parmi ses œuvres emblématiques : une Joconde façon Playmobil.
Y est un artiste qui superpose des photos argentiques dans des panneaux pour créer une image qui, selon l'angle où elle est regardée, présente 3 visions différentes d'une même œuvre.
En 2018, X a découvert un panneau de Y reproduisant 9 Joconde revisitées sous la forme de personnages d'animation ou de comics comme Donald ou Captain America.
Selon X, une des 9 Joconde était sa Joconde façon Playmobil, utilisée par Y sans son autorisation.
Le 30 septembre 2022, la CA Paris a condamné Y pour contrefaçon après avoir répondu à 3 questions :
- l’œuvre de X est-elle originale ?
- l’œuvre de Y contrefait-elle celle de X ?
- comment évaluer le préjudice de X ?
1/ Originalité de la Joconde de X
Pour démontrer l’originalité de son œuvre, X a insisté sur :
- la réinterprétation humoristique de la Joconde
- la rencontre poétique avec le Playmobil, confronté aux codes du début du XVIe
- des caractéristiques stylistiques : proportions du personnage, position des mains, stylisation du corsage, jeux de lumière etc.
La Cour a été convaincue et a retenu que le tableau présentait une physionomie particulière traduisant un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.
Le tableau de X est original et éligible à la protection par le droit d'auteur.
2/ Actes de contrefaçon
Voici les principaux arguments de Y pour contester toute contrefaçon :
- son œuvre s’inscrirait dans le courant artistique de l'appropriationnisme, le droit d'auteur ne pouvant faire obstacle à la liberté de création et d'expression
- sa Joconde serait une parodie de la Joconde de Léonard de Vinci
Mais pour la Cour, la liberté d’expression doit s’exercer dans le respect du droit des tiers. L’incorporation dans une œuvre nouvelle (la Joconde de Y) d'une œuvre préexistante (la Joconde de X) est possible sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante. L’argument de l'appropriationnisme est donc inefficace.
Quant à la parodie (qui est une exception au droit d’auteur), la Cour estime que l’œuvre de Y n’est pas une parodie de La Joconde de Vinci mais une reproduction de la Joconde de X.
Il y a donc bien atteinte aux droits patrimoniaux de X.
En outre, il y a atteinte au droit moral de X puisque le tableau de Y reproduit sa Joconde de façon tronquée (atteinte au droit à l’intégrité de l’œuvre) et ne mentionne pas son nom (atteinte au droit à la paternité).
La contrefaçon est caractérisée.
3/ Préjudice
10 panneaux de Y ont été vendus pour un total de 44.000 €.
3 panneaux sont toujours en stock.
Dommages-intérêts : 60.000 € au titre de l’atteinte au droit patrimonial + 20.000 € au titre de l’atteinte au droit moral.
La Cour a aussi prononcé une mesure d’interdiction, mais pas de destruction des œuvres contrefaisantes de Y.
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