X est propriétaire de 5 sculptures en bronze, prétendument de Rodin.

Il explique avoir acheté les bronzes en 1969 à la petite fille d’August Thyssen.

Thyssen aurait fait réaliser les bronzes, avec l’autorisation de Rodin, à partir du moulage de 5 sculptures en marbres achetées à Rodin.

X a demandé au Musée Rodin de lui confirmer la légitimité et l’originalité des bronzes.

Refus catégorique du musée : ces bronzes, réalisés par surmoulage, sont des reproductions et non des éditions originales.

X a alors saisi le Tribunal pour lui demander de juger que les bronzes sont « des éditions légitimes d'épreuves originales en bronze de Rodin » et condamner le Musée Rodin à lui payer une indemnité de plus de 30.000.000 €, pour abus du droit moral, le musée lui ayant fait manquer une vente.

Quant au musée, il a demandé au Tribunal de condamner X à des dommages-intérêts pour avoir porté atteinte à l’intégrité artistique de Rodin en tentant de vendre ses bronzes comme des originaux.

Le 24 mai 2022, le Tribunal a rejeté les demandes tant de X que du musée.

1/ Pas d’abus de droit moral
 
X reproche au musée un abus du droit moral pour avoir refusé de reconnaître à ses bronzes la qualité de tirages originaux.

En théorie, l’exercice du droit moral de l’auteur peut dégénérer en abus.
 
Mais ici, pour le tribunal, il n’y a pas abus de droit car tout simplement il n’y a pas exercice du droit.
 
En effet, le titulaire du droit moral n’a aucune obligation de décerner des certificats « d'originalité ».

Par conséquent, par son refus, le musée n'exerce ni ne refuse d'exercer aucun droit.

2/ Pas d’atteinte à l’intégrité de l’œuvre de Rodin
 
Le respect de l’intégrité de l'œuvre est une prérogative attachée au droit moral, dont le Musée Rodin est titulaire.
 
Mais, pour le Tribunal, la question de savoir si un bronze est un « exemplaire original » ou une « reproduction » ne relève pas du respect dû à l'œuvre.
 
Le simple fait de qualifier un bronze d’« exemplaire original » ou de « reproduction » n’altère en rien l’œuvre.
 
La demande du musée ne repose donc sur aucune prérogative du droit moral.
 
Comme la CA Paris récemment (cf. ici : https://lnkd.in/et7UEqhg), le Tribunal apporte une précision très intéressante :
 
« Ce qui est demandé en réalité ici est de donner ou refuser à des objets une consécration dans le langage du marché de l'art […] ; mais cette consécration, à supposer qu'elle puisse jamais exister, appartient aux amateurs, spécialistes et, dans la mesure où une valeur monétaire y est attachée, aux acheteurs potentiels, donc au seul marché. C'est aux personnes intéressées de déterminer si les sculptures en cause ont à leurs yeux la valeur d'une sculpture « originale » de Rodin, en parfaite connaissance de leur origine. »
 
Espérons que cette affaire soit examinée par la CA Paris !