Un antiquaire spécialisé dans les œuvres d'art et meubles du XVIIIe a acquis auprès d’un expert 2 chaises destinées à la reine Marie-Antoinette, censées dater du XVIIIe.

Prix d’acquisition : 200.000 €

L’antiquaire a revendu les chaises.

Prix de revente : 2.000.000 €

L’antiquaire et l’expert ont été mis en examen dans l’affaire des faux meubles du Château de Versailles.

L’acquéreur, informé par la presse, a donc demandé à l’antiquaire le remboursement des chaises, doutant désormais de leur authenticité.

Estimant avoir été floué, l’antiquaire a souhaité faire pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de l’expert à hauteur de 200.000 €.

Apprenant que des meubles appartenant à l’expert allaient être vendus à Drouot, il a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la maison de ventes.

Problème : ces meubles avaient déjà été saisis quelques jours plus tôt par l’administration fiscale.

L’antiquaire l’a appris au moment de sa saisie.

Il n’a donc pas poursuivi la mesure d’exécution (dénonciation à l’expert, introduction d’une procédure tendant à obtenir un titre exécutoire etc.).

L’expert a cependant saisi le JEX à fin de rétractation de l’ordonnance et mainlevée de la saisie conservatoire, et condamnation de l’antiquaire pour procédure abusive.

Le 8 décembre 2022, la CA Paris a rejeté les demandes de l’expert.

1/ Irrecevabilité des demandes de rétractation de l’ordonnance et de mainlevée de la saisie

La saisie est caduque faute d’avoir été dénoncée à l’expert dans les 8 jours.

L’ordonnance est caduque faute pour la saisie d’avoir été pratiquée dans les 3 mois.

L’expert n’a donc pas d’intérêt à agir en rétractation de l’ordonnance et mainlevée de la saisie.

2/ Rejet de la demande de condamnation pour procédure abusive

Selon l’expert, l’antiquaire est animé d’une intention de nuire, et la saisie lui a causé un double préjudice :

  • la saisie a terni ses relations avec le commissaire-priseur
  • la saisie a permis à l’antiquaire d’apprendre qu’il avait une dette fiscale

La Cour écarte ces arguments :

  • le commissaire-priseur a appris l’existence de la dette fiscale lors de la saisie par le fisc, et non lors de la saisie par l’antiquaire, donc si les relations ont été ternies, c’est au moment de la 1ère saisie et non de la 2nde
  • l’expert est impliqué dans des activités délictueuses, largement évoquées dans la presse (il a même été incarcéré), donc le fait qu’il ait des ennuis avec le fisc était envisageable par l'antiquaire avant même sa saisie (antiquaire impliqué dans les mêmes activités d'ailleurs !)

L'expert n'a donc subi aucun préjudice à l'occasion de la saisie infructueuse pratiquée à la demande de l'antiquaire.

Et maintenant, grâce à cette décision, tout le monde sait que l'expert s’est « adonné à la fraude fiscale ». Ne jamais oublier l’effet Streisand !