Le Conseil d'Etat a récemment rendu une décision intéressante concernant l'appréciation que doit porter l'administration sur la qualité d'une personne pour demander une autorisation d'urbanisme.

Rappelons tout d'abord que les demandes d'autorisation d'urbanisme (au premier rang desquelles on retrouve le permis de construire et le peris d'aménager) obéissent à un régime déclaratif. Le demandeur doit attester qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme. Les autorisations d'urbanisme étant délivrées "sous réserve du droit des tiers", l'autorité compétente pour instruire la demande n'est pas tenue de vérifier la validité de l'attestation établie par le pétitionnaire. 

Cependant, il est clairement établi que si l'autorité chargée de l'instruction dispose "d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de cette attestation ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer", elle est tenue de refuser la demande (CE Sect. 23 mars 2015, n° 348261). Elle doit disposer de ces informations au jour où elle statue et sans avoir à procéder à une quelconque démarche particulière de recherche. Ce sera notamment cas si l'autorité administrative est informée de l'existence d'une décision du juge judiciaire qui aurait remis en cause le droit de propriété du pétitionnaire. Le Conseil d'Etat  a tranché le cas d'une promesse de vente dont la caducité avait été constatée par une délibération du conseil municipal d'une commune, dans son arrêt du 12 février 2020 n° 424608. 

Une commune avait en effet consenti une promesse de vente d'un terrain appartenant à la commune à une société (la CLAZ). Cette dernière a déposé une demande de permis d'aménager sur ce terrain,  attestant y être habilitée. Elle a finalement obtenu un permis d'aménager tacite le 18 février 2015. Cependant, quelques semaines avant (le 6 novembre 2014), le conseil municipal de la commune avait délibéré afin de constater la caducité de la promesse de vente dont bénéficiait la société CLAZ. S'apercevant de ce que la société disposait d'un permis d'aménager tacite, le maire de la commune l'a retiré par arrêté du 17 avril 2015. Ce retrait a été censuré par la cour administrative d'appel de Lyon (arrêt du 31 juillet 2018 n° 16LY03159), dont le raisonnement a été validé par le Conseil d'Etat. 

La caducité de la promesse de vente, qui avait été contestée par la société CLAZ devant le juge judiciaire, n'avait pas encore été arrêtée par ce dernier. Faute de décision du juge judiciaire remettant en cause le droit de propriété du pétitionnaire à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce, et en l'absence de toute manoeuvre frauduleuse de la part du pétitionnaire, son attestation par laquelle il déclare remplir les conditions pour déposer la demande de permis ne peut être écartée par l'autorité administrative pour refuser de délivrer le permis sollicité.