Les communes peuvent se doter d'un droit de préemption (le droit de préemption urbain). Celui-ci leur permet de "préempter" (évincer l'acquéreur) dans le cadre de certaines ventes immobilière. Le droit de préemption ne concerne normalement pas des lots de copropriété dont le règlement a plus de 10 ans ou les constructions achevées depuis moins de 4 ans. Une commune peut toutefois décider d'étendre son droit de préemption à ces éléments par une délibération spécifique (le droit de préemption est alors "renforcé"). Une commune peut aussi décider d'instituer un droit de préemption commercial (portant notamment sur les fonds de commerce et baux commerciaux). 

Si la très grande majorité des communes se dotent d'un droit de préemption, elles en font assez rarement usage. Par conséquent, son institution (I.) comme son utilisation (II.) sont souvent mal maîtrisés.

I. L'institution du droit de préemption urbain

Le droit de préemption urbain simple est en principe instauré par délibération du conseil municipal d'une commune dotée d'un PLU. Cette délibération est ensuite affichée en mairie pendant un délai d'un mois, et mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. L'exécution de ces deux formalités (affichage et publication) permet ensuite à la commune d'utiliser son droit de préemption. Or, il n'est pas rare qu'en cas de recours contentieux, une commune n'arrive pas à retrouver la trace de la publication de sa délibération dans des journaux ; si elle décide de préempter un bien, elle s'expose alors à une annulation de sa décision de préemption (CAA Douai, 27 juin 2013, n° 12DA00162).

Le droit de préemption urbain renforcé et le droit de préemption commercial doivent être institués "par délibération motivée" du conseil municipal : cela signifie que la commune doit justifier sa démarche. Une délibération qui n'est pas ou mal motivée (qui décide simplement d'instaurer le droit de préemption urbain renforcé ou commercial sans expliquer pourquoi) encourt l'annulation (v. en ce sens CAA de Paris, 11 juillet 1997, n° 94PA00050). Il en ira de même si sa motivation ne correspond pas aux cas qui permettent d'instaurer le droit de préemption urbain : par exemple, par jugement du 15 mai 2008 n° 0500971, le TA de Melun a censuré une délibération qui énonçait "qu'une information de toutes les aliénations volontaires, y compris celles qui concernent les immeubles bâtis depuis moins de dix ans à compter de leur achèvement est nécessaire à une meilleure maîtrise du marché foncier".

Durant longtemps, dans le cadre d'un contentieux portant sur une décision de préemption, le requérant pouvait se prévaloir de l'illégalité de la délibération par laquelle la commune a mis en place ce droit de préemption. Les commune se trouvaient ainsi durablement exposées lorsque leurs délibérations étaient mal rédigées. Le Conseil d'Etat a fortement restreint cette possibilité en 2017 (CE, 10 mai 2017, n° 398736, Lebon T.).

II. L'exercice du droit de préemption

L'exercice du droit de préemption peut être périlleux : il implique de nombreuses étapes et subtilités parfois mal maîtrisées. En cas de recours contentieux, les collectivités sont souvent particulièrement exposées sur les points suivants :

  • les délais : le droit de préemption doit en principe s'exercer dans un délai de deux mois, pas au-delà ;
  • les ervice des domaines doit être consulté préalablement à la décision de préemption ;
  • la compétence de la personne qui a pris la décision : le droit de préemption est souvent exercé par une décision maire, or c'est en principe le conseil municipal qui est compétent pour exercer le droit de préemption. Il s'agit donc de vérifier qui dispose de la compétence pour exercer le droit de préemption ;
  • la motivation : la collectivité doit motiver la décision par laquelle elle exerce son droit de préemption (en principe expliquant son choix) - l'appréciation de la bonne motivation d'une décision peut s'avérer délicat ;
  • l'existence d'un projet réel : la collectivité doit poursuivre un réel projet d'aménagement, et non pas seulement souhaiter faire échec à la vente.

Une décision de préemption illégale encourt (entre autres) l'annulation devant le juge administratif.