Les autorisations d'urbanisme (permis de construire, d'aménager, de démolir et non opposition à déclaration préalable) constituent un important volume contentieux devant les juridictions administratives (5000 à 7000 entrées par ans selon M. le rapporteur public Olivier Fuchs). Que faire dès lors qu'une de ces autorisations est attaquée?

La loi ELAN de 2018 a très franchement rebattu les cartes dans ce domaine, en élargissant considérablement les possibilités de "sauvetage" des autorisations d'urbanisme. Plusieurs phases doivent être envisages dans la défense d'une autorisation d'urbanisme.

 

Phase 1 : le diagnostic

 

Dans le cadre d'un recours contentieux, le requérant doit notifier son recours à l'auteur de l'autorisation et à son titulaire (art. R. 600-1 du Code de l'urbanisme). Ce faisant, l'auteur et le titulaire de l'autorisation doivent disposer d'une copie du recours qui leur permet d'en analyser le bien-fondé. Ils peuvent ainsi poser leur diagnostic, et élaborer une stratégie contentieuse en déterminer la menace que ce recours peut représenter pour l'autorisation visée. 

 

Phase 2 : le traitement

 

Le traitement du recours contentieux pourra alors être différent en fonction de la menace qu'il représente. Deux hypothèses sont à envisager : 

- le recours est peu sérieux : les défendeurs pourront être tentés d'user des dispositions du Code de l'urbanisme qui permettent une accélération de la procédure. Notons à ce titre que son article R. 600-6prévoit déjà un délai de traitement maximal de traitement pour certains contentieux (délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d'aménager un lotissement). Les défendeurs pourront également communiquer un mémoire en défense au plus vite, pour lancer le délai de "cristallisation" automatique du contentieux au delà duquel les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux (tel qu'issu des dispositions de l'article R. 600-5 du Code de l'urbanisme).

- le recours est sérieux : les défendeurs devront s'attacher à défendre au mieux l'autorisation contester, et à envisager sa régularisation éventuelle. Deux cas de régularisation se distinguent : la régularisation volontaire (dépot d'une nouvelle demande d'autorisation pour régulariser celle qui est attaquée) et la régularisation suscitée par le juge (annulation partielle ou sursis à statuer, art. L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l'urbanisme).

 

Phase 3 : la régularisation

 

Comme indiqué ci-dessus, lorsqu'il s'avère que l'autorisation d'urbanisme est entachée d'irrégularités, cette dernière n'est pas "perdue" pour autant. Son titulaire ou son auteur peuvent encore la régulariser, notamment par le mécanisme de l'autorisation modificative (on parle souvent de permis modificatif). Cette régularisation peut ainsi se faire par l'obtention d'un permis modificatif, dans la mesure où les modifications envisagées n'auraient pas pour effet de porter atteinte à "la conception générale du projet initial" (CE sect. 26 juillet 1982, Le Roy, n° 23604 : Lebon, voir aussi CE 1er octobre 2015 Commune de Toulouse, n° 374338 : Lebon). Il s'agit alors de déterminer si, selon chaque projet, la modification envisagée pourrait être autorisée (la suppression d'un étage a pu être jugée comme étant exclue de ce champ (CE, 5 juillet 1978, SCI du Château, n° 01492, aux Tables) puis comme relevant du permis modificatif (CAA de Marseille, n° 12MA00957)). Si la régularisation du permis est conditionnée par la modification du PLU applicable, alors cette dernière doit être envisagée (CE 7 mars 2018, Mme Bloch, n° 404079 : Lebon)  

Le juge est également soumis à l'obligation (qui n'était qu'une faculté avant la loi ELAN) de susciter une régularisation en sursoyant à statuer ou en ne prononçant qu'une annulation partielle de l'autorisation contestée, lorsqu'il estime que le ou les seul(s) vice(s) entachant l'autorisation peu(ven)t être régularisé(s). Ce mécanisme se distingue de celui du permis modificatif "volontaire", dans la mesure où son champ d'application semble encore plus large. En effet, d'une part, il ressort que le juge se prononce sur le bien fondé du permis au regard des règles applicables à la date à laquelle il statue (CE 3 juin 2020, n° 420736, Mentionné aux tables du recueil Lebon, pour écarter la nécessité de faire application d'une mesure de régularisation lorsque le PLU a été modifié). D'autre part, la mesure de régularisation envisagée semble être encore plus importante que dans le cadre d'un permis modificatif "volontaire". En effet, dans un récent avis du Conseil d'Etat, ce dernier élargi le champ de la régularisation suscitée par le juge : 

"Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même."

(CE 2 octobre 2020, n° 438318 : Lebon)

Il en ressort que la limite à la régularisation des autorisations dans le cadre des dispositions de l'article L. 600-5-1 et L. 600-5 est que la mesure ne doit pas changer la nature du projet  autorisé. Le champ des possibles s'en trouve donc élargi, et s'appréciera en fonction des caractéristiques de chaque projet.