Est-il possible de rompre son contrat de travail unilatéralement sans démissionner ?

Oui, sous certaines conditions par le biais de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Ce mode de rupture s'ajoute aux autres modes de rupture mieux connus comme le licenciement ou la rupture conventionnelle à la différence qu'elle est à l'initiative du seul salarié et ne nécessite aucun accord de l'employeur.

La prise d’acte se formalise par un courrier écrit, généralement recommandé avec accusé de réception, dans lequel le salarié énonce clairement les manquements qu’il reproche à son employeur et indique que, pour ces raisons, il quitte immédiatement son poste.

La prise d’acte permet donc au salarié de rompre immédiatement et unilatéralement son contrat en raison de manquements graves qu’il reproche à son employeur et cela avec l’objectif d’obtenir réparation.

Attention toutefois, ce mode de rupture, né de la jurisprudence, n’est pas sans risques, ni pour le salarié…ni pour l’employeur.

La première chose à savoir est que la rupture est juridiquement qualifiée a posteriori, par le juge. Ses effets ne sont donc connus qu’après (cela a notamment une incidence sur l’ouverture des droits au chômage) une décision judiciaire rendue par le Conseil de Prud’hommes.

Le Conseil de prud’hommes devra décider si :

  • Les faits reprochés sont suffisamment graves : la rupture produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d’un licenciement nul dans certains cas) ouvrant droit à réparation.
  • s’ils ne le sont pas : la rupture est alors requalifiée en démission, sans indemnités et sans droit au chômage.

C’est au salarié de rapporter la preuve des faits qu’il reproche (Cass. soc., 28 nov. 2006, n°05-43901). Il est donc essentiel de disposer d'éléments de preuve en lien avec les griefs faits à l'employeur : bulletins de salaire, relevés de compte, courriels, témoignages etc. À défaut, la prise d’acte représenterait un risque considérable puisque l’enjeu est de taille.

Et pour cause, une prise d’acte non justifiée peut entraîner :

  • l’absence de toute indemnité de rupture,
  • l’absence d’allocation chômage,
  • la condamnation à verser une indemnité compensatrice de préavis à l’employeur (Cass. soc., 8 juin 2011, n°09-43208)

Dans des situations où la prise d'acte est jugée comme brutale ou motivée par une intention de nuire à l'employeur, ce dernier peut solliciter des dommages et intérêts ainsi qu'une indemnisation pour le préavis non effectué.

A l’inverse, si les manquements de l'employeur sont avérés (non-paiement prolongé de salaire, harcèlement, modification unilatérale du contrat etc.…), l’employeur s’expose :

  • à une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit aux indemnités légales,
  • au versement de dommages-intérêts comme dans le cas d'un licenciement abusif,
  • parfois, à la reconnaissance d’un licenciement nul, notamment en cas de discrimination ou d’atteinte aux droits fondamentaux.

La prise d’acte est ainsi un instrument qui a vocation à permettre au salarié de sortir d'une impasse dans le cas où ses droits ne seraient pas respectés.

Elle suppose cependant une évaluation sérieuse, une stratégie juridique adaptée et surtout de bons éléments de preuve.

Pour cela il est recommandé de se faire conseiller et assister afin de déterminer si les manquements invoqués sont suffisamment graves ou si au contraire ils s'avèrent ponctuels voire discutables.