« Maître, mon mari me trompe. Je n’en peux plus. J’ai décidé de divorcer. Je veux qu’il soit condamné pour faute et qu’il paie !!!!!!! »

« Maître, elle me trompe. Vous vous rendez compte. Je vais divorcer. Je compte sur vous pour qu’elle n’ait pas un euros. Je ne lui laisserai rien, pas un kopec !! »

Quel avocat n’a jamais entendu ces phrases de la part de clients venant le consulter dans le cadre d’un divorce ?

Au risque de décevoir les lecteurs, il faut préciser d’emblée qu’il est très très difficile de répondre favorablement à ces demandes, la loi ayant totalement séparé les conséquences financières des causes du divorce. Les mesures financière sont donc (en principe) objectivement fixées par le juge en prenant en compte les revenus et patrimoines des époux, leur train de vie, sans considération (ou presque) des comportements ayant mené au divorce.

Ceci étant précisé, faisons un tour des différentes conséquences financières d’un divorce.

Le devoir de secours

Parmi les obligations du mariage figure le devoir de se porter assistance.

Pendant la vie commune, celui-ci est relativement discret car il consiste à ne pas laisser son époux financièrement dans le besoin. Or on imagine mal, quand tout va bien, que l’un des époux refuse à l’autre, qui connaîtrait une période difficile, de refuser de prendre en charge sa quote part du loyer, ou d’acheter de la nourriture pour lui.

C’est donc souvent au moment de la séparation qu’il réapparait.

En effet, même si les époux ne résident plus ensemble, le devoir de secours perdure jusqu’au divorce, qui peut n’être définitivement prononcé que plusieurs mois, voire plusieurs années après la séparation. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre d’un divorce contentieux, le juge saisit par l’un des époux d’une requête en divorce (voire la note sur la procédure de divorce contentieux) peut imposer à l’époux le plus fortuné de verser à l’autre une pension alimentaire au titre du devoir de secours. Son montant est fixé selon les besoin et ressources de chacun des époux, et selon le train de vie de la famille, et est destiné à l’époux (contrairement à la pension alimentaire versée pour les enfants)

En clair, et dans la mesure du possible, il doit permettre à l’époux le moins riche de maintenir un niveau de vie équivalent à celui de l’autre, ou proche de l’ancien train de vie.

Ainsi, pas question pour Madame qui gagne très bien sa vie, habite dans un appartement de 100 m² dans le 6ème arrondissement de laisser Monsieur, aux revenus modestes, vivre dans un studio HLM.

L’on pourra objecter que c’est scandaleux, ou considérer qu’il est normal de ne pas abandonner son ex-conjoint, c’est ainsi : Puisqu’il est fixé entre l’ordonnance de non-conciliation et l’assignation en divorce, le montant est fixé indépendamment de la cause du divorce ou d’une éventuelle faute ! Il dépend des revenus et charges de chacun.

Cette pension sera due jusqu’à la fin de la procédure (jugement de première instance, appel, etc. ), mais est susceptible d’être réévaluée en fonction de l’évolution des situations des époux.

La prestation compensatoire

Le sujet a déjà été abordé en détail dans une fiche qui lui est consacrée.  Rappelons simplement que différents critères entrent en jeu pour la fixer, et qu’elle est fixée indépendamment de la cause du divorce.

Ce n’est qu’exceptionnellement, dans les cas les plus graves, que le juge peut, refuser de l’attribuer (« si l’équité le commande lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture »). Ces cas sont très rares, par exemple :

–  Lorsque la charge des quatre enfants communs était entièrement assumée par l’époux puisque la mère ne versait aucune contribution pour leur entretien, et ne leur rendait que de rares visites, qu’elle n’avait que 33 ans lorsqu’elle a cessé d’avoir la charge des enfants et ne justifiait d’aucuns efforts pour suivre en formation ou exercer un emploi (Cass. civ. 1ère , 8 juillet 2010)

–  Ou une épouse qui, s’étant convertie à la religion catholique, a rejeté « son mari, ses enfants, sa famille pour se consacrer désormais à une vie exclusivement spirituelle, sous l’emprise d’un « guide » ». (CA Montpellier, 5 février 2008)

Encore une fois, le montant de cette prestation compensatoire est totalement indépendant de l’éventuelle faute.  Il dépend en principe de critères objectifs.

La liquidation du régime matrimonial

Ce point, souvent méconnu est pourtant une des conséquences essentielles du divorce.

Les sommes partagées dépendront du régime matrimonial choisi et des différents flux financiers ayant eu lieu tout au long du mariage.

C’est un calcul technique, qui dépend assez peu du bon vouloir des époux, mais de la maîtrise technique et juridique de celui qui y procède.

La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants

Il s’agit là de sommes destinées aux enfants, dont les montant sont évidemment sans lien avec les raisons du divorce.

Que reste-t-il ?

Il existe toutefois deux possibilités pour demander au juge de sanctionner les comportements gravement fautifs d’un des époux.

  • Le droit commun de la responsabilité : Si l’un des époux a commis des fautes (hors de celles communes du divorce) et qu’elles ont causé un préjudice spécifique à l’autre, celui-ci pourra demander au juge de verser des dommages intérêts,
  • Si le divorce a eu des conséquences d’un « particulière gravité » pour celui qui le subit, le juge peut accorder des dommages-intérêts spécifiques. Ces cas sont très rares.

En conclusion, vouloir « faire payer » l’autre, parce qu’il s’est mal comporté, ou refuser de lui verser un kopeck n’est pas vraiment possible en droit français.

Pour autant, les différents montants que la loi permet d’attribuer peuvent beaucoup varier selon les situations, les argumentations et les circonstances.

C’est souvent une question de négociation, et dans les divorce contentieux, une question de stratégie judiciaire : quand assigner, quand attendre, quand aller vite.  Chaque étape de la procédure a ses conséquences financières qu’il est nécessaire de bien appréhender, le plus en amont possible de la procédure.

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