Les pensions alimentaires versées aux enfants majeurs ne sont pas nécessairement des donations

(Cass. civ. 1ère, 15 novembre 2017, n° 16-26395)

C’est un sujet assez récurrent : un héritier soutient que ses parents ont versé des sommes à son frère ou à sa sœur, pendant plusieurs années. L’héritier, qui s’est un peu renseigné sur le droit des successions, considère alors qu’il s’agit d’une donation, et demande à son avocat « que l’égalité soit rétablie », et que ce sommes soient « rapportées » à la succession.

Si l’idée semble intéressante, cela ne fonctionne pas toujours :  tout dépend d’une part du montant de ces pensions au regard du patrimoine et des revenus du parent, et d’autre part, de la situation de l’enfant en ayant bénéficié.

C’est ce que rappelle un récent arrêt de la Cour de cassation.

Pendant près de 20 ans, une mère a payé le loyer de sa fille majeure, et lui a versé une pension d’un montant de 800 euros par mois.

Au décès de la mère, le frère demande que ces sommes (environ 620 000 euros cumulés sur 20 ans tout de même !) soient rapportées à la succession.

Devant la cour d’appel, la sœur explique qu’après son divorce, alors âgée de 45 ans, et ayant eu du mal à retrouver un emploi, sa mère l’a aidée à subvenir à ses besoins. Qu’il n’y a avait là aucune intention libérale, et que la mère n’avait fait qu’aider sa fille dans le besoin.

La cour d’appel fait droit aux arguments de la sœur considérant qu’aux termes de l’article 205 du Code civil, « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin », l’article 207 précisant que « les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques »  et qu’enfin selon l’article 852 du même code « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant ».

Elle refuse donc de qualifier les sommes de donations rapportables.

Ne désarmant pas, le frère a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt en date du 15 novembre 2017, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi validant ainsi l’arrêt de la cour d’appel pour avoir retenu que « par cette assistance financière représentant environ 10 % de ses revenus, sans atteinte à son capital, la défunte, qui a fait figurer les sommes versées dans ses déclarations fiscales, a entendu respecter son obligation alimentaire envers sa fille, sans que son intention libérale ne soit établie »

Cet arrêt confirme, s’il en était besoin, que lorsque les parents versent des pensions alimentaires à l’un de leurs enfants dans une situation difficile (chômage, maladie,…), ces sommes, pour autant qu’elles restent raisonnables par rapport aux revenus des parents, ne constituent que l’exécution par les parents de leur devoir d’assistance.

Ces sommes ne sont donc pas rapportables à la succession.

http://www.hiridjee-avocat.com/2018/01/04/pensions-alimentaires-versees-aux-enfants-majeurs-ne-necessairement-donations/