Par application de l’article 2233 du Code civil, il a été jugé qu’en présence d’une dette payable par termes successifs, la prescription court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance. (Pour une application récente, voir Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 28 juin 2012, pourvoi n° 11-17.744).
L’article L. 137-2 du code de la consommation instaure une prescription spéciale et dispose que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
La Cour de cassation a jugé que cette prescription de deux ans s’applique aux crédits immobiliers, considérant que « les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ». (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 28 novembre 2012, pourvoi n° 11-26.508)
Le principe d’application aux prêts immobiliers du délai de prescription de l’article L.137-2 du Code de la consommation posée, il fallait encore déterminer quel était le point de départ du délai biennal de prescription en la matière ?
Les solutions pouvaient alors être les suivantes :
- la date du premier incident de paiement non régularisé : solution inspirée de l’article L.311-52 du Code de la consommation, lequel soumet les crédits à la consommation à un délai biennal de forclusion dont le point de départ est fixé au premier incident de paiement non régularisé ;
- la date d'échéance de chaque mensualité : solution conforme à l’article 2233 du Code civil.
La solution retenue par arrêt du 10 juillet 2014 :
La première chambre civile de la Cour de cassation a retenu, dans un arrêt du 10 juillet 2014, qu’en matière de crédit immobilier, le point de départ du délai biennal de prescription se situait à la date du premier incident de paiement non régularisé. (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 10 juillet 2014, pourvoi n° 13-15511)
Cette solution apparaissait comme défavorable aux banques dans la mesure où il peut, en pratique, s’écouler de nombreux mois entre un premier incident de paiement, l’envoi des lettres de mises en demeure, et la délivrance de l’assignation.
Cette décision a été confirmée à plusieurs reprises :
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 26 novembre 2014, pourvoi n° 13-27447
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 16 avril 2015, pourvoi n° 13-240240
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 3 juin 2015, pourvoi n° 14-16950
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 17 juin 2015, pourvoi n° 14-13622
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-17870
Le revirement de jurisprudence du 11 février 2016 :
Par 4 arrêts du 11 février 2016, dont 3 pris sous la forme d’attendus de principe, la première chambre civile est revenue sur sa position :
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 11 février 2016, pourvoi n° 14-28883
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 11 février 2016, pourvoi n° 14-27143
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 11 février 2016, pourvoi n° 14-22938
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, arrêt du 11 février 2016, pourvoi n° 14-29539
Elle considère dorénavant « qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ».
La solution applicable à ce jour est ainsi la suivante :
- Lorsque le prêteur de deniers souhaite recouvrer le montant d’une ou plusieurs échéances impayées, le délai de prescription de deux ans de L.137-2 du Code de la consommation court à compter de la date d’exigibilité de chaque échéance ;
- Lorsque le prêteur de deniers a prononcé la déchéance du terme et souhaite recouvrer l’ensemble de capital restant dû, le délai de prescription de deux ans de L.137-2 du Code de la consommation court à compter du jour la déchéance du terme aura été prononcée.
Nasser MERABET
avocat@nmerabet.fr
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