Présentation de la problématique :

L’article L.134-12 du Code de commerce dispose que :

- En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;

- L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Il ressort de cet article que la cessation du contrat d’agent commercial donne lieu au versement d’une indemnité de rupture, laquelle doit être réclamée dans le délai d’un an à compter de la cessation du contrat.

Cette indemnité vient réparer le préjudice subi par l’agent qui a contribué au développement de la clientèle et du chiffre d’affaires de son mandat, mais elle est soumise au respect de quelques conditions :

- La rupture doit avoir lieu à l’initiative du mandant (ou par exception de l’agent si et seulement si la rupture se justifie pour des motifs tirés de l’infirmité ou de la maladie de l’agent) ;

- La rupture ne doit pas avoir été causée par une faute grave de l’agent ;

- L’agent doit notifier au mandant son intention de se prévaloir de l’indemnité compensatrice dans le délai d’un an de la rupture du contrat.

Sous quel forme l’agent doit-il manifester sa volonté ?

Dans un arrêt du 15 mars 2017 (Pourvoi n°15-20115) la Cour de cassation a estimé que la manifestation de volonté n’est soumise à aucun formalisme particulier, et qu’il appartient par conséquent aux juges du fond de rechercher si une réclamation valant demande indemnitaire existe, cela sans considération de la forme de l’acte qui pourrait contenir ladite demande :

« Vu l'article L. 134-12 du code de commerce : Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité de cessation de contrat formée par M. X..., l'arrêt, après avoir constaté que celui-ci avait saisi, dans le délai d'un an à compter de cette cessation, la commission de conciliation des litiges individuels et collectifs du travail de Pise d'une demande fondée sur la réparation des préjudices résultant de la résiliation du contrat, retient qu'en France, les demandes présentées devant le conseil de prud'hommes, qui sont fondées sur l'existence d'un prétendu contrat de travail, ne valent pas notification d'une réclamation au titre d'une indemnité de rupture d'un contrat d'agence commerciale et qu'il en est de même de la saisine de la commission de conciliation de la juridiction du travail italienne, de sorte que M. X... est déchu de son droit à indemnité ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la notification prévue à l'article L. 134-12, alinéa 2, du code de commerce, qui doit manifester l'intention non équivoque de l'agent de faire valoir ses droits à réparation, n'est soumise à aucun formalisme particulier, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'acte de saisine de la juridiction italienne du travail invoqué par M. X...au titre de cette notification ne contenait pas une telle manifestation, n'a pas donné de base légale à sa décision ; »

Comment l’agent doit-il manifester son intention dans sa lettre de notification ?

Dans l’arrêt précité du 15 mars 2017, la Cour de cassation précise que la manifestation de volonté doit être non équivoque :

« Qu'en se déterminant ainsi, alors que la notification prévue à l'article L. 134-12, alinéa 2, du code de commerce, qui doit manifester l'intention non équivoque de l'agent de faire valoir ses droits à réparation, n'est soumise à aucun formalisme particulier, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'acte de saisine de la juridiction italienne du travail invoqué par M. X...au titre de cette notification ne contenait pas une telle manifestation, n'a pas donné de base légale à sa décision ; ».

La Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur ce qu’elle estime ne pas être une manifestation équivoque de volonté dans un arrêt du 1er mars 2017 (Pourvoi n°15-12482 et 15-13061) aux termes duquel elle considère que :

« Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour condamner la société Cafpi à payer à M. X... la somme de 4 682, 12 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat, l'arrêt retient que l'intéressé a adressé le 4 janvier 2010 à la mandante une lettre lui faisant clairement connaître qu'il entendait faire valoir ses droits tant au titre de sa situation de salarié que de celle d'agent commercial, ce qui comprenait donc son droit à indemnité compensatrice, de sorte qu'il n'est pas déchu de ce droit ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette lettre, dans laquelle M. X... se bornait à prendre acte de la rupture des relations de travail, à reprocher à la société Cafpi d'avoir modifié ses conditions de rémunération et à indiquer qu'il demanderait réparation devant les juridictions compétentes, ne valait pas notification à la société Cafpi de son intention, non équivoque, de réclamer l'indemnité qui lui était due au titre de la rupture du contrat d'agence commerciale, la cour d'appel, qui en a méconnu les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ; »

Il ressort de cet arrêt que l’agent ne peut se contenter d’invoquer dans sa lettre de notification au mandant une simple « demande de réparation » pour manifester de façon non équivoque son intention de se prévaloir de l’indemnité compensatrice au sens de l’article L.134-12 du Code de commerce.

Les agents commerciaux devront par conséquent se montrer particulièrement prudents dans la formulation de leurs lettres à l’intention des mandants au moment de la rupture du contrat : la sanction d’une absence de réclamation non équivoque du droit à indemnité dans le délai d’un an est en effet sévère puisqu’elle consiste en la déchéance de ce droit.