Les bulletins d’information de la Cour de cassation des 1er et 15 juillet 2016 sont parus.

Voici notre sélection des décisions rendues dans les domaines du droit commercial, du droit économique et du droit international.

 

ARBITRAGE
 

Arbitrage international. - Convention d’arbitrage. - Principe de validité. - Définition. - Critères.

 

Après avoir fait ressortir que des personnes physiques avaient eu la volonté de se soumettre à l’arbitrage et que les pouvoirs du cabinet d’avocats habituellement chargé de leurs intérêts, signataire de la clause compromissoire, étaient apparents, une cour d’appel en déduit exactement, l’exigence de bonne foi pouvant être opposée à ces personnes physiques et la croyance du cocontractant en leur engagement étant légitime, que le tribunal arbitral est compétent pour statuer sur un différend né de la convention litigieuse.

1re Civ. - 16 mars 2016. N° 14-23.699


Compétence de la juridiction étatique. - Cas. - Nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage.

Une cour d’appel retient à bon droit que l’inapplicabilité d’une clause d’arbitrage n’est pas manifeste lorsque la possibilité de résolution du litige par la médiation ou la procédure de résolution des conflits appropriée suggérée par l’ordre des avocats n’est pas retenue et que cette clause prévoit un arbitrage d’après les règles d’arbitrage pour les litiges commerciaux de l’Association américaine d’arbitrage, dont rien ne démontre que la mise en œuvre serait impossible.

1re Civ. - 24 février 2016. N° 14-26.964


BAIL COMMERCIAL
 

Sous-location. - Durée. - Durée inférieure du sous-bail à celle du bail principal. - Statut des baux commerciaux. - Renonciation (non).
 

Un sous-bail commercial peut être conclu pour une durée inférieure à celle, restant à courir, du bail commercial principal sans que cela constitue une renonciation au bénéfice du statut des baux commerciaux par l’une ou l’autre des parties.

3e Civ. - 17 mars 2016 N° 14-26.009

 

CAUTIONNEMENT
 

Conditions de validité. - Acte de cautionnement. - Proportionnalité de l’engagement (article L. 341-4 du code de la consommation). - Disproportion lors de la conclusion de l’acte. - Patrimoine permettant de faire face à l’obligation. - Moment d’appréciation. - Détermination. - Débiteur principal bénéficiant d’un plan de sauvegarde, preuve

 

Il résulte des articles L. 626-11 du code de commerce et L. 341-4 du code de la consommation que, pour apprécier si, au sens de ces textes, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit, en principe, se placer au jour où la caution est assignée.

Cependant, si, à ce moment, le débiteur principal bénéficie d’un plan de sauvegarde en cours d’exécution, l’appréciation doit être différée au jour où le plan n’est plus respecté, l’obligation de la caution n’étant exigible qu’en cas de défaillance du débiteur principal.

Il résulte de la combinaison des articles 1315 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Com. - 1er mars 2016 N° 14-16.402


ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ
 

Redressement judiciaire. - Déroulement. - Poursuite de l’activité au cours de la période d’observation. - Saisine d’office en vue de convertir le redressement en liquidation. - Note jointe à la convocation du débiteur. – Nécessité - loi du 26 juillet 2005

Il résulte de la combinaison des articles L. 631-15, II, R. 631-3 et R. 631-24 du code de commerce que, lorsque le tribunal se saisit d’office, pendant la période d’observation, en vue de convertir le redressement judiciaire du débiteur en liquidation, le président du tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par un acte d’huissier de justice, auquel doit être jointe une note par laquelle le président expose les faits de nature à motiver cette saisine d’office.

Il ne peut être suppléé à cette formalité par la mention dans le jugement d’ouverture que l’affaire serait rappelée à une audience ultérieure ni par la comparution du débiteur.

Com. - 1er mars 2016 N° 14-21.997

Redressement judiciaire. - Période d’observation. - Contrats en cours. - Contrat poursuivi après l’ouverture de la procédure collective. - Renonciation postérieure. - Portée.
 

Il résulte de l’article L. 622-13, II et V, du code de commerce qu’en l’absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation de l’administrateur judiciaire à la poursuite du contrat qu’il avait préalablement décidé de poursuivre n’entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative, mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice.

Com. - 1er mars 2016 N° 14-19.875
 

PROTECTION DES CONSOMMATEURS
 

Crédit immobilier. - Contrat d’assurance collective. - Faculté de résiliation. - Emprunteur immobilier. - Défaut. - Cas. - Article L. 312-9 du code de la consommation (loi du 1er juillet 2010).

 

Viole l’article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l’article L. 113-12 du code des assurances et le principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, la cour d’appel qui constate la résiliation, sur le fondement de cette dernière disposition, de l’adhésion d’un emprunteur immobilier au contrat d’assurance de groupe proposé par le prêteur et reproche à celui-ci d’avoir refusé une substitution d’assureur, alors que le premier de ces textes, qui régit spécialement le contrat d’assurance garantissant, en cas de survenance d’un risque qu’il définit, le remboursement total ou partiel du montant d’un prêt immobilier restant dû, ne prévoit pas de faculté de résiliation de ce contrat ou de substitution d’assureur.

1re Civ. - 9 mars 2016 N° 15-18.899

Paiement. - Action. - Prescription. - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs. - Domaine d’application. - Défaillance de l’emprunteur. - Action récursoire de la caution ayant réglé au lieu et place du débiteur principal ayant souscrit un emprunt immobilier.

L’action récursoire de l’organisme de caution qui a réglé au lieu et place du débiteur principal ayant souscrit un emprunt immobilier, engagée contre ce dernier, est une action en paiement régie par l’article L. 137-2 du code de la consommation, dès lors que le cautionnement ainsi consenti est un service fourni par un professionnel à un consommateur.

1re Civ. - 17 mars 2016. N° 15-12.494 
 
Paiement. - Action. - Prescription. - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs. - Domaine d’application. - Action en paiement du solde du prix d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement.

L’article L. 137-2 du code de la consommation, disposant que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, sans distinguer entre les biens meubles ou immeubles, c’est à bon droit qu’une cour d’appel fait application de ce texte à l’action engagée contre un consommateur par un professionnel de l’immobilier aux fins de paiement du solde du prix d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement.

1re Civ. - 17 février 2016 N° 14-29.612

Conditions générales des contrats. - Reconduction des contrats. - Information. - Bénéficiaires. - Exclusion. - Comité d’entreprise.

Les dispositions de l’article L. 136-1 du code de la consommation, en ce qu’elles visent les consommateurs, ne concernent que les personnes physiques et, en ce qu’elles visent les non-professionnels, sont inapplicables aux contrats qui ont un rapport direct avec leur activité professionnelle.

Viole ce texte le juge de proximité qui fait bénéficier un comité d’entreprise de l’information prévue par l’alinéa 1 de ce texte, au titre d’un contrat de prestations de services souscrit par celui-ci.

Com. - 16 février 2016. N° 14-25.146
 

RÉGLEMENTATION ÉCONOMIQUE
 

Concurrence. - Opérations de visite et de saisie. - Déroulement des opérations. - Recours. - Incident relatif à la saisie. - Occupant des lieux. - Saisine du juge des libertés et de la détention. - Recevabilité (non).

L’occupant des lieux dans lesquels ont été autorisées, par le juge des libertés et de la détention, des opérations de visite et saisie aux fins de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ne dispose pas du droit de saisir lui-même le juge qui a délivré l’autorisation, les officiers de police judiciaire chargés d’assister aux opérations devant, au cours de la visite, tenir ce magistrat informé des difficultés rencontrées.

Crim. - 9 mars 2016 N° 14-84.566
 

SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
 

Gérant. - Responsabilité civile. - Conditions. - Faute séparable des fonctions. - Cas. - Infraction pénale intentionnelle.

Le gérant d’une société de construction qui ne souscrit pas d’assurance décennale commet une faute intentionnelle constitutive d’une infraction pénale et séparable de ses fonctions sociales et engage ainsi sa responsabilité personnelle.

3e Civ. - 10 mars 2016. N° 14-15.326
 

UNION EUROPÉENNE
 

Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000. - Procédures d’insolvabilité. - Domaine d’application. - Procédures de traitement du surendettement des particuliers. - Exclusion.

Les procédures de traitement du surendettement des particuliers ne sont pas au nombre de celles auxquelles s’applique le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité.

2e Civ. - 17 mars 2016. N° 14-26.868

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. - Articles 49 et 56. - Droit d’établissement et libre prestation de services. - Application. - Condition.

En amont des conseils donnés en phase contentieuse, la vérification, réalisée à titre principal par une société d’audit et de conseil, du bien-fondé des cotisations réclamées par les organismes sociaux au titre des accidents du travail, au regard de la réglementation en vigueur, constitue elle-même une prestation à caractère juridique, en infraction aux dispositions des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’appliquent pas au litige dont tous les éléments sont cantonnés à l’intérieur du territoire national et ne se rattachent pas à l’une des situations envisagées par le droit de l’Union dans le domaine de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

1re Civ. - 17 février 2016 N° 14-26.342

Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000. - Procédures d’insolvabilité. - Article 4, § 2, m). - Saisie-attribution pratiquée avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. - Action révocatoire contre un acte préjudiciable aux intérêts des créanciers. - Loi applicable.

Selon l’article 4, § 2, m, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, sauf disposition contraire du règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, laquelle loi détermine notamment les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers.

Viole ce texte la cour d’appel qui, pour valider une saisie-attribution, retient que la procédure de redressement judiciaire ouverte ultérieurement par une juridiction slovaque, portant suspension des poursuites, est sans incidence sur la saisie qui a déjà produit ses effets alors que la loi slovaque, en tant que loi applicable à la procédure d’insolvabilité de la société, devait être consultée pour déterminer si l’ouverture d’une telle procédure pouvait remettre en cause une saisie-attribution pratiquée antérieurement en France, sauf à établir que la loi française ne permettrait, par aucun moyen, d’attaquer cet acte.

Com. - 16 février 2016 N° 14-10.378

                                                                 Nasser Merabet
                                                              avocat@nmerabet.fr