Faut-il provisionner ?  Et sur quelle période ?

L’Assemblée Nationale vient d’adopter le 18 mars un Amendement n°44, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (n°2041) déposé le vendredi 15 mars 2024.

Le processus d'adoption de ce texte se poursuit en commission

Le texte prévoit les dispositions ci-après :

1.Assimilation des périodes de maladies accident à un temps de travail effectif (Art.L3141-5 Ctrav modifié)

Toute période d'arrêt de maladie, accident, qu'elle soit professionnelle ou non sera dorénavant assimilée à du temps de travail effectifLe texte supprime également l'acquisition limitée à un an des congés payés pour les accidents ou maladies professionnelles.

2.Nombre de jours acquis des congés pendant la maladie (nouvel art L3141-5-1 Ctrav)

L’amendement réduit le nombre de congés que le salarié malade ou en accident peut acquérir à 2 jours (au lieu de 2,5 jours) et 24 jours ouvrables (au lieu de 30) par période de référence.

Cependant, il pas précisé si les arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle qui faisaient partir 2 jours et demi par mois dans la limite de 30 jours ouvrables resteront applicables sur cette période.

3.Report des congés et nouvelle obligation d’information pour l'employeur (nouveaux articles L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3 C.Trav.)

L'amendement 44 prévoit en cas d'impossibilité pour cause de maladie ou d'accident de prendre ses congés la possibilité de les reporter après son retour pendant une durée de 15 mois.

Pour que cette durée de 15 mois s'applique, l'employeur devra porter à sa connaissance à l'issue de la période d'arrêt de maladie dans les 10 jours, les informations relatives au nombre de jours dont il dispose et la date limite à laquelle ils pourront être pris.

4. Possibilité de dérogation par accord collectif des périodes de report (Art L3141-20 C.Trav.modifié)

L’amendement 44 prévoit qu'un accord d'entreprise d'établissement ou une convention de branche peut fixer une durée de report supérieur.

5.Rattrapage des congés du passé (Art L3141-24 I C.Trav. modifié et nouvel art L L3141-24 II C.Trav)

L’article L3141-24 C.Trav qui prévoit le versement de l'indemnité de congés payés est également modifié.

Un nouvel article L3141-24-II CTrav est rajouté qui a pour but de régler les difficultés liées au rattrapage des congés payés sur les périodes antérieures au vu des décisions de la Cour de Cassation du 13 septembre 2023.

Très étonnamment alors qu'une loi ne peut avoir d'effet rétroactif, l’amendement prévoit pourtant que, sous réserve de décision passée en force de chose jugée ou de conventions plus favorables, les nouveaux textes seront applicables rétroactivement pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d'entrée en vigueur de la prochaine de la nouvelle loi.

Dans son Avis du 13 mars, le Conseil d'Etat a expliqué cette date de 2009 en se fondant sur l’entrée en vigueur au 1er décembre 2009 du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, texte que le législateur aurait donc du transposer dès 2009.

Le Conseil d'État a donc validé la rétroactivité de la loi depuis 2009 en estimant que le législateur pouvait modifier rétroactivement une règle pour un motif "impérieux et d'intérêt général", le salarié bénéficiant depuis 2009 des dispositions communautaire applicables de par l'effet direct du droit de l'Union Européenne

  • "(Amendement 44) II. – Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés, les dispositions du 7° de l’article L. 3141‑5  (cad Assimilation à temps de travail effectif), de l’article L. 3141‑5-1 (cad Nombre de jours acquis), des articles L. 3141‑19‑1 à L. 3141‑19‑3 (cad report des congés limite à 15 mois) et du 4° de l’article L. 3141‑24 du code du travail sont applicables, dans leur rédaction issue de la présente loi, pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

Concernant les périodes pour lesquelles les salariés pourraient solliciter des rappels de congés payés, le Conseil d'État  a précisé que :

  • "51. Le Conseil d’Etat rappelle que les dispositions de l’article L. 3245 1 du code du travail, qui s’appliquent aux actions en paiement d’indemnité compensatrice de congés payés (Soc., 4 décembre 1996, pourvoi n° 93-46.418, Bull. civ. V, n° 416 ; Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 12-17.409, Bull. civ. V, n° 271), disposent que celles-ci se prescrivent par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. L’action en paiement peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat".

Il est donc distingué le cas où le salarié n'est plus lié à son employeur de celui où il est encore, pour envisager les possibilités d'action des salariés.

a. Lorsque le salarié n’est plus lié à son employeur, à raison d’un départ volontaire, d’un licenciement ou d’un départ à la retraite:

La prescription triennale prévue à l’article L. 3245-1 du code du travail est susceptible d’être soulevée.

Dans l’exposé sommaire de l’amendement 44 , il a été d'ailleurs été confirmé que :« S'agissant des contrats de travail rompus lors de l’entrée en vigueur de la loi, l’amendement ne modifie pas les règles de droit commun, qui impliquent la prescription triennale des actions en matière de paiement de salaires »

b. Pour les salariés encore liés à leur employeur au moment de leur demande:

Le Conseil d’Etat a précisé que pour le passé, les salariés ne pourraient demander que la prise de congés et non une indemnité ...« s’agissant des salariés qui sont encore liés à leur employeur au moment de leur demande et qui, par suite, ne sont susceptibles de voir leurs droits à congés se traduire que par la prise de ces congés, à l’exclusion de toute indemnité»

Il est institué à titre de disposition transitoire, un délai de forclusion de 2 ans pour toute action ayant pour objet l'octroi de jour de congé à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi.

Ce délai de forclusion de 2 ans ne serait applicable qu’aux actions en rattrapage de congés payés.

  • Nouvel Article L3141-24 II C.Trav. "(Amendement 44) – Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’octroi de jours de congés par application des dispositions du présent II , doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

Le Conseil d'Etat dans son avis a confirmé la possibilité pour la loi de prévoir que l’action du salarié qui demande le droit de prendre des congés puisse être soumise à ce délai de forclusion de deux années à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives, applicable "même en l’absence de démarche d’information de l’employeur"

Un tel délai de deux ans lui paraissait suffisant au regard des exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789

Le rattrapage des congés pendant une maladie serait donc limité sur une période de 3 ans et limités à 24 jours par référence à condition que le salarié en fasse la demande dans les 2 ans.

Mais pas seulement…

Jusqu'à présent, la période de maladie des droits commun ne faisait pas courir l'ancienneté

Or le nouvel article L 3141-24 II C. trav précise que les nouvelles dispositions de l’article L.3141‑5 C.trav qui assimilent de la maladie à un temps de travail effectif sont également applicables à compter de 2009

Le rattrapage des congés payés ne serait donc pas uniquement concerné…

Le seraient également toutes sommes et/ou indemnités liées à l'ancienneté, ce qui sera susceptible de modifier les prime d’ancienneté indemnités de licenciement etc.

 

Pascale Rayroux Lopez

Voir plus de détails sur le texte sur le lien https://adlr-bma-avocats-a-la-cour.fr/suite-amendement-vote-par-lassemblee-concernant-conges-payes-acquis-pendant-les-periodes-de-maladie/