Dans une récente décision, la Cour de Cassation valide la définition de la commercialité de la location meublée basée sur les critères des services parahôteliers. Selon cette définition, l'activité de location meublée serait de nature commerciale au sens du droit privé si elle est accompagnée de services parahôteliers significatifs.

Dans cette même décision, la Cour de Cassation refuse toutefois de prendre en compte le régime fiscal de la location meublée et plus précisément le renvoi au régime de TVA de l'article 261 D du CGI. Il importe peu de savoir si les services hôteliers sont d'une nature telle que prévue par le régime TVA de la parahôtelier. Il suffit qu'il y ait des services parahôteliers significatifs pour que l'activité soit de nature commerciale. En l'absence de services significatifs, la Cour d'Appel pouvait souverainement considérer que l'activité était de nature civile, alors même que l'activité pouvait quand même peut-être être considérée comme une activité parahôtelière au sens de la TVA, en présence de services optionnels.

Selon moi, cette décision doit être utilisée avec quelques précautions. Elle doit s'interpréter selon le contexte, c’est-à-dire celui des contraintes de la copropriété. 

En droit de la copropriété, la notion de commercialité doit être relativisée car la nature commerciale au sens du droit privé n'est pas l'enjeu véritable de ce type de litige. L'enjeu est de savoir si l'activité est susceptible de porter atteinte à la tranquillité des autres propriétaires. A la limite, le fait d'interdire toute activité commerciale dans une copropriété à destination d'habitation est sans doute discutable car certaines activités commerciales peuvent très bien ne poser aucun problème de nuisance.

La lecture de la décision d'appel permet de relever qu'il s'agissait d'une activité de location de plusieurs meublés de tourisme avec nécessairement l'accueil et le ménage en fin de séjour, et que divers services complémentaires étaient certes proposés, mais seulement de façon optionnelle.

C'était dans une station de ski et le réglement de copropriété n'interdisait pas la location meublée par les propriétaires. Aucune nuisance particulière n'avait été relevée.

En droit de la copropriété, ce qui importe c'est la commercialité au sens du potentiel de nuisances anormales, et non la commercialité au sens du droit privé.

La décision s'explique donc par un contexte particulier.

De façon générale, il est tout à fait logique de relever que l'existence de services parahôteliers peut être décisive sur le caractère civil ou commercial de l'activité.

Mais, selon moi, toute location de courte durée est nécessairement de nature commerciale car il s'agit alors d'une prestation d'hébergement et non d'une prestation de location. Par ailleurs, dans une location de courte durée, le service d'accueil et de suivi du client pendant son séjour est impératif et suffit à lui seul selon moi à qualifier l'activité de commerciale.

Cette décision s'inscrit dans le cadre des liaisons dangereuses entre le droit fiscal et le droit privé. Ces liaisons dangereuses sont notamment très présentes dans le régime de la location meublée, et plus particulièrement dans la définition de la commercialité.

La Cour de cassation s'est déjà inspirée du droit fiscal pour savoir si l'activité de location meublée devait être commerciale au sens du droit privé, mais cette inspiration atteint ici sa limite. La Cour de cassation refuse de s'aligner sur le régime TVA de la parahôtellerie pour définir cette notion au sens du droit privé. C'est heureux, car, d'une part, le concept de la parahôtellerie au sens de la TVA est particulièrement incertain et instable et, d'autre part, le rapport avec la notion de commercialité au sens du droit privé est très discutable.

Les fiscalistes spécialistes de la location meublée, comme moi, vont s'interroger pour savoir si cette décision peut servir pour répondre à la question de savoir si la location meublée est éligible au régime DUTREIL. A voir dans un prochain article.

 

Je joins la décision :

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 janvier 2024, 22-21.455, Inédit

Cour de cassation - Chambre civile 3

• N° de pourvoi : 22-21.455

• ECLI:FR:CCASS:2024:C300044

• Non publié au bulletin

• Solution : Rejet

Audience publique du jeudi 25 janvier 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 05 juillet 2022

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024

 

La société Blandin, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 14], [Adresse 3], [Localité 7], a formé le pourvoi n° A 22-21.455 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [N] [U], épouse [W], domiciliée 7 The Drive, NN14R, Northampton (Royaume-Uni),

2°/ à Mme [A] [U], épouse [J], domiciliée [Adresse 15], [Localité 11] (Royaume-Uni),

3°/ à M. [S] [P], domicilié [Adresse 2], [Localité 13] (Royaume-Uni),

4°/ à M. [K] [E], domicilié [Adresse 4], [Localité 16] (Royaume-Uni),

 

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 juillet 2022), la société civile immobilière Blandin (la SCI) est propriétaire de lots à usage commercial situés au rez-de-chaussée de l'immeuble [Adresse 14], soumis au statut de la copropriété, et Mmes [U] épouse [W], [U] épouse [J], [I], MM. [P], [E] et M. et Mme [Z], (les copropriétaires) sont propriétaires de lots à usage d'habitation situés en étages, gérés par la société Morzine ski chalets Promotions Limited (la société MSC) et donnés en location meublée par celle-ci.

 

2. La SCI a assigné les copropriétaires, la société MSC et le syndicat des copropriétaires pour faire juger que cette activité est une activité commerciale contraire au règlement de copropriété.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par ne décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives à l'activité de la société MSC au sein de la copropriété, alors :

« 1°/ que l'activité de location meublée est une activité commerciale, qu'elle soit exercée ou non à titre professionnel ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que l'article 15 du règlement de copropriété prohibait l'exercice d'une activité commerciale ailleurs que dans les lots du rez-de-chaussée, la cour d'appel a considéré que la SCI ne démontrait pas que la société cumulerait trois des quatre critères prévus à l'article 261 D du code général des impôts et qu'elle exercerait donc l'activité de loueur en meublé professionnel, motifs pourtant impropres à exclure une violation du règlement de copropriété par la société ainsi que par les copropriétaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que l'article 15 du règlement de copropriété prohibait l'exercice d'une activité commerciale ailleurs que dans les lots du rez-de-chaussée, la cour d'appel a considéré que si la location en meublé est gérée par la société pour les appartements situés au sein de la copropriété [Adresse 14] et s'exerce pour des locations de courte durée, la fourniture de services annexes tels que le ménage, les transferts vers l'aéroport, la fourniture de petits-déjeuners sont optionnels et ne permettent pas d'apparenter cette exploitation à une activité commerciale, quand le caractère optionnel de ces services ne disqualifiait pas l'activité de loueur en meublé exercée par la société en activité civile non professionnelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 261 D du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

5. Ayant souverainement relevé que l'activité exercée par la société MSC dans l'immeuble n'était accompagnée d'aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d'un service para-hôtelier, la cour d'appel en a exactement déduit que cette activité n'était pas de nature commerciale.

6. Elle a ainsi, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au régime fiscal applicable aux revenus dégagés par cette activité, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Blandin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Blandin et la condamne à payer à Mmes [U] épouse [W], [U] épouse [J], [I], M. et Mme [Z] pris ensemble, et M. [E] la somme de 500 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300044