Résumé de la décision

Le Conseil d'Etat a annulé partiellement certains extraits de la doctrine administrative du 7 août 2024 et portant sur le régime TVA de la parahôtellerie dans sa décision n° 498267 du 12 novembre 2025.

Les extraits annulés portent sur l'obligation légale de fournir le ménage et un changement de linge d'une part, et sur la réception de la clientèle, d'autre part.

Dans sa décision, le Conseil d'Etat commence par rappeler le droit européen et la loi française, qu'il applique en conformité avec la réglementation européenne.

Le Conseil d'Etat reconnaît que la condition de régularité de ces services doit s'apprécier en tenant compte de la durée du séjour et qu'en particulier, pour un séjour de courte durée, ces conditions peuvent se trouver satisfaites si le linge de maison a été renouvelé et le nettoyage a été fait avant l'entrée du client dans les locaux.

Mais il considère que ce serait contraire à la loi que de fixer la durée d'un court séjour à moins d'une semaine, comme le fait la doctrine.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat valide la doctrine qui précise que la réception de la clientèle peut être réalisée par un dispositif électronique. Le Conseil d'Etat considère que la loi n'impose pas d'accueil physique et qu'il est possible de se contenter d'un accueil électronique.

Effet pratique de la décision

Le régime légal concerné visé à l'article 261 D du CGI a été modifié au 1er janvier 2024.

Ce régime a fait l'objet d'une première doctrine au 7 août 2024, puis d'une deuxième au 26 mars 2025.

La doctrine visée dans l'arrêt est celle du 7 août 2024. Cette doctrine ne s'est appliquée que du 7 août 2024 au 26 mars 2025. Son annulation est sans conséquence selon moi puisqu'elle intervient alors qu'elle était déjà réformée. Cette annulation ne peut pas avoir pour effet d'empêcher un contribuable de l'invoquer en cas de contrôle sur la période où elle a pu s'appliquer.

Mais cette décision fragilise la nouvelle doctrine du 26 mars 2025 qui reprend la distinction entre les séjours de moins d'une semaine et les autres, tout en donnant une précision supplémentaire en définissant le séjour de moins d'une semaine comme comprenant 5 nuits maximum. Pour le Conseil d'Etat cette distinction n'a pas lieu d'être.

A ce jour la doctrine du 26 mars 2025 n'a pas été modifiée et elle reste opposable, même sur le point litigieux.

Le risque est que cette doctrine fasse l'objet d'une nouvelle modification pour supprimer la définition du court séjour puisque cette définition est illicite.

Ma position sur la définition du court séjour

La décision du Conseil d'Etat n'est pas une surprise.

En effet, la règle du séjour de moins d'une semaine était trop précise et n'était pas prévue par la loi. C'est seulement la trop grande précision qui est censurée par le Conseil d'Etat. La doctrine serait sans doute valable si elle renvoyait à un concept de court séjour, sans le préciser clairement.

Une solution serait d'inclure cette définition dans la loi.

Il est même possible que le séjour de moins d'une semaine soit encore un peu trop long pour le Conseil d'Etat. Sans doute faut-il considérer que le court séjour sans nouveau ménage ni changement de linge ne doit pas dépasser deux ou trois nuits.

Il est vrai que, d'un point de vue pratique, il n'est pas inutile de bénéficier d'un changement de linge, et notamment des serviettes de bain, et d'un nettoyage de la salle de bain, lorsque le séjour dépasse une nuit.

Il y a même lieu de se demander si le Conseil d'Etat n'en revient pas à l'exigence d'un nettoyage et d'un changement de linge quotidien, ce qui est une norme de confort importante dans un hôtel. Il faudrait au moins que le prestataire propose ces prestations au client.

Selon moi, cette position exigeant la proposition d'un ménage et d'un changement de linge quotidien serait excessive et non conforme au droit européen.

En tout état de cause, l'annulation de la doctrine sur la notion de court séjour est particulièrement dommageable car cette précision avait le mérite de fixer un cadre clair pour les exploitants et il y a lieu d'espérer que personne n'engagera de procédure pour annuler la nouvelle doctrine.

Ma position sur la réception de la clientèle

Sur ce point, la décision du Conseil d'Etat est simple : la loi n'impose pas d'accueil physique et prévoit même la possibilité de se contenter d'un accueil non personnalisée. Il n'y a donc pas donc lieu d'exiger un accueil physique. 

La doctrine n'est pas annulée car le demandeur attaquait le droit de ne pas imposer l'accueil physique mais le Conseil d'Etat indique au contraire qu'il n'est pas obligatoire de proposer l'accueil physique.

La décision pourrait paradoxalement être favorable aux exploitants qui veulent rester en TVA sans proposer l'accueil physique et ils pourraient faire valoir qu'ils ne sont pas tenus de proposer l'accueil physique, contrairement à ce qui est indiqué dans la dernière doctrine en vigueur du 26 mars 2025 au $ 100 :

"Remarque : Dès lors, la seule mise à disposition des clés via une boîte à clés, sans alternative proposée avec un accueil physique, ne saurait constituer une réception même non personnalisée de la clientèle."

Mon conseil est toutefois de rester très prudent sur ce point et donc de proposer un accueil physique aux clients qui souhaitent sécuriser leur assujettissement à TVA., surtout que le fait de proposer l'accueil physique n'est pas une contrainte très lourde.

Par ailleurs, le fait que la nouvelle doctrine impose l'alternative de l'accueil physique est paradoxalement une bonne chose pour ceux qui veulent éviter d'être assujetti à TVA.

Conclusion

Il faut attendre d'avoir connaissance des conclusions du rapporteur public pour bien comprendre cette décision et certains de mes commentaires devront sans doute être corrigés.

Mais si cette décision n'est pas une surprise, elle est particulièrement regrettable car elle vient fragiliser la nouvelle doctrine des services fiscaux qui avait le grand mérite de préciser de nombreuses règles.

Plus la doctrine est complexe et détaillée, plus les contribuables avertis et biens conseillés peuvent en profiter pour choisir le statut qui leur est le plus favorable. Le fait de faire annuler certaines précisions de la doctrine simplifie certes le régime, mais au détriment des contribuables.

Il est à craindre malheureusement de nouveaux développements sur cette définition très fluctuante de la parahôtellerie. C'est un feuilleton sans fin et une usine à gaz (d'où la photo).

 

Je joins la décision ci-après

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 octobre 2024, 7 janvier 2025 et 13 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des professionnels de la location meublée demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les commentaires administratifs publiés le 7 août 2024 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 ; - le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Amar-Cid, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du syndicat des professionnels de la location meublée ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM) demande l'annulation pour excès de pouvoir des commentaires administratifs publiés le 7 août 2024 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20. Au vu de l'argumentation qu'il développe, sa requête doit être regardée comme demandant l'annulation, d'une part, au paragraphe 80 de ces commentaires, de la phrase : " Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué avant le début du séjour ", d'autre part, au paragraphe 90, de la phrase : " Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le linge de maison est au moins renouvelé au début du séjour " et, enfin, des énonciations du paragraphe 100 de ces commentaires, en ce qu'elles prévoiraient que la simple mise à disposition d'une boîte à clés serait susceptible de constituer une prestation de " réception, même non personnalisée, de la clientèle ", au sens du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts.

2. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son paragraphe 2, " Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de Justice de l'Union européenne, d'une part, qu'introduisant une exception à l'exonération prévue pour l'affermage et la location de biens immeubles, elles ne doivent pas recevoir une interprétation stricte, d'autre part, que ne peuvent faire l'objet d'une exonération, dans la législation des Etats membres, les locations de logements meublés qui correspondent à des opérations d'hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières. S'il appartient à chaque Etat membre de fixer, lors de la transposition de ces dispositions, les critères utiles à la distinction entre la location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à disposition d'un tel logement dans des conditions l'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ces critères doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle.

3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 84 de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : /... 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : /... b. Aux prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : / -elles sont offertes au client pour une durée n'excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées ; / -elles comprennent la mise à disposition d'un local meublé et au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; / (...) ".

4. Les paragraphes 80 et 90 des commentaires attaqués indiquent : " 80. Le nettoyage des locaux est caractérisé dès lors qu'il est effectué avant le début du séjour et qu'il est proposé au client de façon régulière pendant son séjour. Cette régularité est appréciée en fonction de la durée du séjour du client et des normes d'hygiène habituelles dans le secteur de l'hébergement. (...) / Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué avant le début du séjour (...) / 90. La fourniture de linge de maison (draps, serviettes, taies d'oreiller, etc.) est caractérisée dès lors qu'elle est effectuée au début du séjour et que son renouvellement régulier est proposé par le prestataire d'hébergement. Cette régularité est appréciée en fonction de la durée du séjour du client. (...) / Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le linge de maison est au moins renouvelé au début du séjour (...) ".

5. Les commentaires attaqués ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article 261 D du code général des impôts en ce qu'ils énoncent que la satisfaction des conditions relatives au nettoyage régulier des locaux et à la fourniture de linge de maison doit s'apprécier en tenant compte de la durée du séjour et qu'en particulier, pour un séjour de courte durée, ces conditions peuvent se trouver satisfaites par des locations meublées pour lesquelles le linge de maison a été renouvelé et le nettoyage a été fait avant l'entrée du client dans les locaux. En revanche, en prévoyant que lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, ces conditions sont nécessairement satisfaites du seul fait que la prestation a été réalisée avant le début du séjour, les commentaires attaqués ajoutent à la loi, telle qu'interprétée conformément aux dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 qu'elle transpose.

6. En second lieu, le paragraphe 100 des commentaires attaqués énonce que : " La réception de la clientèle permet l'accueil, l'orientation des clients vers leur logement et leur information sur les modalités d'accès aux éventuels équipements et services annexes disponibles, ainsi que sur les règles de fonctionnement de l'établissement. Elle est caractérisée même lorsqu'elle n'est pas effectuée de manière personnalisée. Elle peut être assurée en un lieu unique différent du local loué lui-même, ou par l'intermédiaire d'un système de communication électronique. Il n'est pas requis qu'elle soit offerte de manière permanente. /...Exemple 3 : Un prestataire d'hébergement propose à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l'intermédiaire d'un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés ".

7. Il résulte des termes mêmes de l'article 261 D du code général des impôts que la satisfaction du critère relatif à la prestation de réception de la clientèle qu'il pose ne nécessite pas que cette réception soit personnalisée, c'est-à-dire assurée par une personne physique. En indiquant que la prestation de réception, même non personnalisée, doit notamment être regardée comme fournie au client lorsque le prestataire d'hébergement offre à ce dernier un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l'intermédiaire d'un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés, les commentaires administratifs attaqués, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'énoncent pas que la simple mise à disposition des clés par une " boîte à clés " suffirait par elle-même à caractériser une prestation de réception de la clientèle, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 261 D du code général des impôts qu'ils ont pour objet de commenter.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre ces énonciations, que le syndicat des professionnels de la location meublée est seulement fondé à demander l'annulation, au paragraphe n° 80 des commentaires attaqués, des mots " Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué avant le début du séjour. " et, au paragraphe n° 90 des mêmes commentaires, des mots : " Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le linge de maison est au moins renouvelé au début du séjour ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au syndicat des professionnels de la location meublée d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E : -------------- Article 1er : Sont annulés, au sein du paragraphe n° 80 des commentaires administratifs publiés le 7 août 2024 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, les mots : " Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué avant le début du séjour ", et au sein du paragraphe n° 90 de ces commentaires, les mots : " Remarque : Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le linge de maison est au moins renouvelé au début du séjour " Article 2 : L'Etat versera au syndicat des professionnels de la location meublée la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat des professionnels de la location meublée est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat des professionnels de la location meublée et à la ministre de l'action et des comptes publics. Délibéré à l'issue de la séance du 15 octobre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; M. Benjamin Duca-Deneuve, maître des requêtes et Mme Juliette Amar-Cid, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 12 novembre 2025.