La présente note vise à faire le point sur le régime TVA de la parahôtellerie compte tenu de la nouvelle doctrine administrative du 26 mars 2025
Rappel des épisodes précédents
5 juillet 2023 : le Conseil d’Etat (n° 471877) invalide la règle des 3 critères sur 4 en constatant qu'elle viole le droit européen en indiquant surtout :
"Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières."
1er janvier 2024 : la loi de finances modifie l'article 261 D qui définit l'activité parahôtelière assujettie à TVA.
Ce nouveau texte est presque identique à l'ancien, pourtant invalidé par le Conseil d’Etat, de sorte qu'il faut le considérer selon moi comme étant toujours contraire au droit européen qui définit la parahôtellerie comme toute activité qui fait concurrence aux hôtels.
Le 7 août 2024 nouvelle doctrine des services fiscaux au BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20
Cette nouvelle doctrine reprend pour l'essentiel les règles de l'ancienne doctrine, avec quelques précisions complémentaires, généralement utiles et justes.
Mais ce qui est très nouveau et très important, c'est la distinction qui est faite entre les séjours de moins d'une semaine et les autres.
En effet, cette doctrine fait plutôt la distinction entre les séjours de moins d'une semaine et les autres, ceux qui sont d'une semaine ou plus, sur les services de ménage et de linge de maison :
"Lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué avant le début du séjour." n° 80.
"Lorsque le séjour est d’une durée inférieure à une semaine, la condition est satisfaite lorsque le linge de maison est au moins renouvelé au début du séjour." n° 90.
En application de cette nouvelle doctrine, tous les séjours touristiques de moins d'une semaine se retrouvent assujettis à TVA, sauf à démontrer que le service de linge de maison ou de nettoyage n'est pas inclus dans le forfait, ce qui est difficile en pratique pour des raisons commerciales notamment.
Pour les séjours d'une semaine et plus, l'ancienne règle reste applicable : il suffit d'exclure le ménage et le changement de linge intermédiaire pour éviter l'assujettissement.
1er mars 2025 réforme de la franchise la loi de finances pour 2025 a prévu la suppression des franchises particulières de TVA et un nouveau plafond de 25 K€ pour l'année civile précédente et 27 500 € pour l'année en cours. Cette réforme a été reportée au 1er juin 2025 puis elle est finalement reportée à 2026, dans le cadre de la discussion de la prochaine loi de finances. Rappelons que, en l'absence de cette réforme, les parahôteliers bénéficient d'une franchise de TVA de 85 000 € pour l'année précédente et 93 500 € pour l'année en cours. Ils ne sont assujetties à TVA que s’ils dépassent 85 000 €, sauf si c’est la première fois et qu’ils ne dépassent pas 93 500 €. Sinon ils sont assujettis à TVA à compter du premier jour du mois du dépassement (règle présentée de manière simplifiée).
Le 26 mars 2025, nouvelle doctrine au BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20.
Cette nouvelle doctrine peut être présentée comme un rétropédalage par rapport à celle du 7 août 2024.
Le nouveau texte reprend celui du 7 août 2024 mais avec des compléments très importants qui suppriment ou réduisent la portée des évolutions envisagées dans le texte du 7 août 2024, et surtout sur les très courts séjours de moins d'une semaine.
La nouvelle doctrine en vigueur au 26 mars 2025
La définition du séjour de moins d'une semaine
Dans cette nouvelle doctrine, l'administration donne la définition d'un séjour de moins d'une semaine :
"La semaine s’entendant d’une période de sept jours consécutifs (comprenant six nuits), cette possibilité ne concerne que des séjours comprenant un maximum de cinq nuits"
Donc cela signifie que, le nouveau régime des très courts séjours, de moins d'une semaine, concerne uniquement les séjours de 5 nuits maximum.
C'est un peu curieux car un séjour d'une semaine (du samedi au samedi) fait 7 nuits. Donc un séjour de 6 nuits aurait dû être considéré comme un séjour de moins d'une semaine. Mais les services fiscaux en ont décidé autrement avec 5 nuits maximum. Inutile d’en discuter car c’est la doctrine et elle s’interprète strictement.
Pour le séjour de moins d'une semaine, le contribuable a une option
Le nouveau régime spécial des très courts séjours de moins d'une semaine est adapté et il devient, dans cette nouvelle doctrine, une option du contribuable, au lieu d'un régime d'assujettissement obligatoire à la TVA.
La règle du séjour de moins d'une semaine est en effet présentée avec cette nouvelle formule :
"Lorsque le séjour est d’une durée inférieure à une semaine, le prestataire d’hébergement est admis à considérer la condition comme satisfaite lorsque le nettoyage est au moins effectué avant le début du séjour."
La même formule est utilisée pour le linge de maison.
Si le prestataire est "admis à considérer", c'est une tolérance, ce n'est pas une obligation.
Selon moi, le prestataire doit faire un choix entre deux positions.
Je reprends ci-après le cas le plus fréquent c’est-à-dire celui d'un exploitant qui ne propose pas le petit-déjeuner et qui propose un accueil dans sa nouvelle définition. Pour cet exploitant, il est essentiel de fournir, ou pas, le service de ménage et le service de nettoyage des locaux.
L'exploitant peut tout d'abord considérer qu'il n'a pas à appliquer ce régime spécial des très courts séjours et qu'il faut donc, même pour ces séjours, fournir des prestations de nettoyage et de ménage en cours de séjour, faute de quoi, la TVA n'est pas applicable. Ce choix sera fait par les contribuables qui veulent éviter l'assujettissement à la TVA. Ils pourront l'éviter, pour tous les séjours, en excluant par exemple toute prestation de ménage et de changement de linge en cours de séjour.
Mais l'exploitant peut aussi considérer que, pour les très courts séjours, il n'est pas tenu de fournir le service de ménage et de changement de linge en cours de séjour et qu'il peut se contenter de fournir des locaux propres et du linge au début de ces très courts séjours. Ce choix sera préféré par les contribuables qui veulent être assujettis à TVA mais qui n'ont pas forcément les moyens de proposer un service de ménage et de changement de linge pour les très courts séjours, sachant que la plupart des clients ne le demandent pas. Attention au fait que, dans cette situation, l'exploitant devra quand même proposer un service de ménage et de changement de linge en cours de séjour pour les séjours qui ne sont pas des très courts séjours, c’est-à-dire pour les séjours d'au moins 6 nuits.
Donc la vraie nouveauté c'est qu'il sera désormais très difficile aux services fiscaux de contester l'assujettissement à la TVA pour les très courts séjours dans le cas le plus courant où les locaux sont propres et où le linge de maison est proposé seulement en début de séjour.
Mais ce qui n'est pas très clair c'est le régime exact de ce choix laissé au contribuable.
Selon moi, faute de précision, il faut considérer que cette option doit être faite une fois pour toute par le contribuable et pour toute son activité. Ce n'est pas un choix bien par bien. Ce n'est pas non plus un choix à faire chaque année.
Mais la doctrine est illégale sur ce point. Donc elle n'est pas opposable en cas de contrôle. Donc le contribuable qui y a intérêt pourrait revenir sur son choix initial, en invoquant le respect de la loi.
Selon moi, le régime légal implique l'assujettissement automatique à la TVA des très courts séjours, même sans le renouvellement des services.
Donc une personne qui aurait fait le choix proposé par la doctrine de ne pas assujettir à TVA les très courts séjours ne prévoyant pas le renouvellement des services pourrait selon moi renoncer à ce choix pour l'avenir, en se plaçant sous la protection du régime légal. Mais ce point est incertain et ne peut être présenté comme une stratégie sécurisée.
Le service d'accueil fait l'objet d'une nouvelle définition
Les services fiscaux donnent leur nouvelle définition du service d'accueil avec surtout une remarque à la fin :
"La réception de la clientèle permet l’accueil, l’orientation des clients vers leur logement et leur information sur les modalités d’accès aux éventuels équipements et services annexes disponibles, ainsi que sur les règles de fonctionnement de l’établissement. Elle est caractérisée même lorsqu’elle n’est pas effectuée de manière personnalisée. Elle peut être assurée en un lieu unique différent du local loué lui-même, ou par l’intermédiaire d’un système de communication électronique. Il n’est pas requis qu’elle soit offerte de manière permanente.
Tel est notamment le cas lorsque :
- un prestataire d’hébergement propose une réception physique à ses clients en début et en fin de séjour, sur des plages horaires déterminées ;
- un mandataire assure un service de réception situé à l’entrée d’un village de vacances au titre d’un local meublé situé dans ce village ;
- un prestataire d’hébergement propose à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l’intermédiaire d’un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés.
Remarque : Dès lors, la seule mise à disposition des clés via une boîte à clés, sans alternative proposée avec un accueil physique, ne saurait constituer une réception même non personnalisée de la clientèle."
La dernière remarque est importante car jusqu'à présent les services fiscaux retenaient dans leur doctrine une conception plutôt large du service d'accueil.
Avec cette remarque, et le texte préalable, les services fiscaux considèrent que la boîte à clé ne suffit pas pour considérer que le service d'accueil est fourni car ils considèrent qu'il faut au minimum un choix entre accueil physique et entrée électronique ou boite à clés.
Or en pratique, de nombreux exploitants se contentent de la boite à clé, ou d'une ouverture par code. Généralement ils donnent en plus leur numéro de téléphone de sorte qu'il est possible de les appeler notamment si le système de boite à clé ne fonctionne pas.
Selon moi, cette position des services fiscaux est illégale puisque la loi définit ainsi le service d'accueil : "la réception, même non personnalisée, de la clientèle".
Il est illégal d'imposer la possibilité d'une présence physique, en rappelant que dans les hôtels traditionnels de petite taille, il n'y a souvent pas d'accueil physique passé une certaine heure, la clé est dans une enveloppe.
Cette nouvelle définition restrictive du service d'accueil va obliger les exploitants qui souhaitent être assujettis à TVA à prévoir expressément une possibilité d'accueil physique. Mais cela ne devrait pas être trop gênant dans la mesure, où, le plus souvent, les clients ne demanderont pas cette présence physique.
Inversement, cette nouvelle contrainte peut paradoxalement être utilisée par ceux qui veulent éviter l'assujettissement à la TVA tout en fournissant des services significatifs de ménage et de linge de maison : il leur suffira d'exclure la possibilité d'un accueil physique.
Les autres précisions intéressantes de la nouvelle doctrine 2024 reprise dans celle du 26 mars 2025
La nouvelle doctrine du 26 mars 2025 reprend certaines précisions figurant déjà dans celle du 7 août 2024.
Citons le texte des précisions les plus importantes :
Sur la notion de prestataire :
"Le prestataire d’hébergement est celui qui assume personnellement tous les risques de l’entreprise et qui est responsable vis-à-vis des clients, ce qui implique qu’il agisse en son nom propre à leur égard. Il ne perd pas cette qualité s’il recourt à des prestataires ou à un intermédiaire agissant en son nom et pour son compte à l’égard des clients.
En revanche, si l’intermédiaire chargé de la gestion de l’activité d’hébergement assume en fait les risques de l’exploitation ou agit en son nom propre à l’égard des clients, il est considéré comme celui qui fournit les prestations d’hébergement. (…)
Lorsque des professionnels distincts assurent, chacun sous leur responsabilité à l’égard du client, la fourniture de logements meublés, d’une part, et tout ou partie des services annexes d’autre part, la fourniture de logement meublé est exonérée de la TVA.
Remarque : Ainsi, un prestataire d’hébergement proposant la location d’un logement meublé et mettant à disposition des clients une liste de prestataires pouvant assurer divers services annexes est exonéré de la TVA au titre de cette location."
Sur la proposition du service et leur mode de preuve
"Il n’est pas exigé que ces services annexes soient effectivement fournis au client, sous les réserves mentionnées au I-C-2 § 80 à 100. En revanche, le prestataire d’hébergement doit, directement ou par l’intermédiaire de prestataires ou de mandataires (sous les réserves mentionnées au I-A § 30), disposer des moyens nécessaires permettant d’assurer la fourniture de ces services à l’ensemble des clients hébergés. Ils peuvent aussi bien être inclus dans le prix du séjour sans possibilité de renonciation qu’être optionnels et facturés séparément.
En tout état de cause, ils doivent être réellement proposés au client, et l’effectivité de cette proposition doit pouvoir être démontrée, notamment, par l’affichage dans les locaux, la mise à disposition d’un livret d’accueil, les échanges écrits avec le client, la mention sur le site Internet du prestataire d’hébergement."
Date de mise en œuvre de la nouvelle doctrine
Au 1er janvier 2024, l'ancienne doctrine est devenue caduque, puisque la loi a été changée à cette date et qu'une doctrine portant sur un texte caduque est elle-même caduque.
En conséquence, entre le 1er janvier 2024 et le 7 août, aucune doctrine administrative n'était opposable par les contribuables. Seule la loi peut être invoquée.
Entre le 7 août et le 26 mars, seule la doctrine du 7 août peut être invoquée.
A partir du 26 mars, seule la doctrine du 26 mars peut être invoquée.
En pratique, il y a lieu de penser que les services fiscaux vont appliquer rétroactivement leur doctrine du 26 mars 2025 au début de l'année 2024, en considérant que cette nouvelle doctrine ne rajoute rien à la loi et qu'elle est légale. Mais c'est seulement partiellement vrai car certains points de cette nouvelle doctrine sont selon moi illégaux.
En cas de litige avec les services fiscaux à partir de 2024, et si la doctrine ne peut être invoquée, le juge fiscal appliquera les principes énoncés par le Conseil d'Etat et examinera s'il y a une concurrence potentielle avec les hôtels, en fonction des prestations fournies et la durée du séjour.
Selon moi toute location de court séjour dans les zones touristiques fait nécessairement concurrence aux hôtels et doit être assujettie à la TVA.
Conclusion
C’est compliqué et chaque cas est particulier.
Mais selon moi, la nouvelle doctrine du 26 mars est globalement très favorable.
Le principe selon lequel il est possible d’éviter la TVA en évitant de proposer le ménage et le changement de linge intermédiaire reste valable. Donc pour la plupart des loueurs de meublé touristique, les règles ne changent pas.
Pour ceux qui veulent rester assujettis à TVA, il peut être recommandé si nécessaire de revoir les modalités de fonctionnement du service d’accueil pour proposer un service d’accueil physique.
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