A gauche, la lutte contre les riches est une obsession maladive. Dans ce contexte, l'impôt est vu comme un moyen efficace de lutter contre les inégalités.

Donc il suffirait de taxer les riches pour régler le problème des inégalités croissantes.

Les intellectuels de gauche sont particulièrement incompétents en matière fiscale car c'est une matière qui n'est pas enseignée dans les facultés de lettres et ils en sous-estiment fortement la complexité. Mais ils ont fini quand même par comprendre que, dans le monde réel, plus on est riche, moins on paie d'impôt. Autrement dit qu'il y avait manifestement une difficulté à mettre en œuvre ce programme de l'impôt robin des bois.

Et récemment ils ont appris, notamment grâce à moi car je l'ai dit dans une émission d'Elise LUCET, qu'un des moyens pour les riches de ne pas payer l'impôt sur le revenu, c'était de créer une holding.

Et effectivement, si vous êtes riche et que vous voulez ne pas payer d'impôt, ou pas trop, vous pouvez gérer votre fortune à travers une holding.

Et du coup, les intellectuels de gauche (économistes et élus) font maintenant une fixation contre les holdings. Et il est déjà annoncé diverses mesures contre les holdings dans la prochaine loi de finances.

Mais l'enfer fiscal est pavé de bonnes intentions et d'incompétence. Ainsi, à supposer que le régime fiscal des holdings soit durci, les riches continueront à éviter l'impôt sur le revenu.

Car l'intérêt principal de la holding c'est surtout l'impôt sur les sociétés à 25 %. L'idée de la holding patrimoniale c'est de placer ses sources de revenus dans une structure taxée au maximum à 25 %. 

Or si on surtaxe les holdings, il restera toujours la solution de ne pas faire de holding mais de détenir chacune de ses sources de revenu par l'intermédiaire de plusieurs sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés.

Autrement dit, pour les riches, il est tout à fait possible de réduire son imposition sans holding, il suffit de gérer sa fortune dans des structures à l'impôt sur les sociétés.

Le vrai problème ce n'est donc pas la holding, c'est l'impôt sur les sociétés. Et plus précisément le problème c'est un impôt sur les sociétés à 25 %.

Pour parler comme les marxistes, l'impôt sur les sociétés est la niche fiscale du capitalisme.

L'idée de l'impôt sur les sociétés est de taxer les profits des sociétés mais à un taux relativement modéré et à l'abri de la fiscalité des particuliers. Grâce à l'impôt sur les sociétés, les capitalistes font des profits relativement peu taxés, mais à condition toutefois que les profits soient conservés dans ces sociétés pour y être réinvestis et qu'ils ne soient pas distribués. Il s'agit donc d'encourager l'investissement.

L'impôt sur les sociétés, ce n'est pas seulement un taux d'impôt réduit sur les profits, c'est aussi le principe de l'opacité, c’est-à-dire l'idée que les profits ne sont pas taxés entre les mains des actionnaires alors que, de façon indirecte, ce sont bien pourtant les actionnaires qui s'enrichissent grâce à ces profits. La taxation des actionnaires n'intervient qu'en cas de distribution (ou de vente avec la taxation des plus-values). Mais les riches, et surtout les très riches, n'ont généralement pas besoin de distribuer les profits ni de vendre leurs titres. Donc ils paient moins d'impôt.

Si on veut remettre en question ce système, il faudrait supprimer l'impôt sur les sociétés.

Je n'y suis pas favorable car je pense effectivement judicieux de ne pas trop taxer l'investissement.

De plus, à titre personnel, je ne suis pas obsédé par la lutte contre les riches et j'estime que l'impôt n'est pas le meilleur moyen de lutter contre les inégalités, même si je reconnais que cette lutte est légitime.

Cela dit, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. La niche fiscale est trop avantageuse.

Quand j'étais un jeune fiscaliste, le taux de l'impôt sur les sociétés était de 50 %, soit un taux proche du taux maximum de l'impôt sur le revenu, de sorte qu'il n'y avait pas un intérêt fiscal évident à maintenir ses sous dans une société assujettie à l'impôt sur les sociétés.

Le problème vient du taux à 25 %. Si ce taux était plus élevé et plus proche du taux maximum des prélèvements directs sur le revenu (en incluant les cotisations sociales), il y aurait beaucoup moins d'optimisation basée sur l'impôt sur les sociétés. Mais pour ce faire, il faudrait une uniformisation mondiale et un taux d'impôt sur les sociétés minimum pratiquée par tous les pays. Il se trouve que ce travail d'uniformisation est en cours même si, avec Donald TRUMP, il a été suspendu. Je suis optimiste et je pense que, tôt ou tard, il reprendra avec l'appui des américains.

Mais, même dans ce scénario optimiste, il reste un problème.

La France a un système social particulièrement généreux qui multiplie les aides en tout genre, et y compris les aides au profit de personnes qui n'en n'ont pas besoin. Notre système social est délirant et boursouflé avec des aides délirantes et donc un taux global de prélèvement obligatoire lui aussi délirant. Nous taxons les classes moyennes, pour ensuite leur rendre les sous. C'est une monstrueuse usine à gaz.

Dans ce contexte, si la France veut encourager une harmonisation fiscale internationale des prélèvements, elle doit impérativement dégonfler fortement son modèle social basé sur l'assistanat généralisé et forcé. Les prélèvements obligatoires devraient être limités au financement des services publics et de la solidarité envers les plus pauvres.

Si la France ne fait pas cet effort, elle sera toujours victime de la concurrence fiscale internationale.

Si on doit fixer un taux d'impôt sur les sociétés uniforme dans le monde comparable au taux maximum de l'impôt sur le revenu, la France aura du mal à faire prévaloir le taux global de prélèvement qui s'applique chez elle, par exemple au salaire d'un cadre dirigeant (plus de 60 % si on tient compte les cotisations sociales). Les autres pays refuseront d'appliquer un tel taux car ce serait cette fois excessif par rapport à leur propre taux de prélèvement moyen.

Le problème de la France ce n'est pas l'impôt sur les riches, c'est l'impôt sur les classes moyennes.