Le calcul des plus-values privées prévoit la déduction des travaux de la plus-value par la majoration du prix d'acquisition du bien.

Mais l'article 150 VB du CGI prévoit que cette déduction est possible pour les dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration seulement lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu.

Or un LMNP, qui a immobilisé ces dépenses à son actif professionnel et qui les a amorties, pourrait être considéré comme les ayant prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu (en ce sens CAA DOUAI 8 février 2024 22DA02648). En tout cas si l'amortissement a été effectivement déduit.

Autre piège pour le LMNP : la question du forfait.

Les travaux effectués sur un immeuble bâti acquis depuis plus de cinq ans peuvent être pris en compte, sans justificatif, pour un montant fixé forfaitairement à 15 % du prix d'acquisition.

Le forfait de 15 % s'applique sans que le cédant ait à établir la réalité des travaux.

Le Conseil d'Etat a déjà jugé que le forfait pour travaux doit être écarté s'il est démontré que le cédant n'a engagé aucuns travaux dans l'immeuble (CE 25-3-2019 n° 422943 : RJF 10/19 n° 919).

Ce principe s'applique malgré la doctrine administrative qui indique qu'il n'est pas nécessaire de justifier du montant des travaux pour bénéficier du forfait. En effet, selon le Conseil d'Etat cette tolérance ne s'applique pas s'il est démontré qu'il n'y a eu aucuns travaux. Vous ne devez pas prouver le montant des travaux mais s'il est prouvé que vous n'avez fait aucuns travaux, vous n'avez pas droit au forfait.

C'est subtil (et débile selon moi) mais c'est ce qu'explique le rapporteur public Laurent CYTERMANN.

"Contrairement à ce que soutient le requérant, la doctrine n’implique pas que le contribuable ait droit à la majoration dans le cas où il serait établi qu’il n’a réalisé aucuns travaux ; elle ne fait qu’expliciter la loi selon laquelle la majoration forfaitaire peut être appliquée sans qu’il soit nécessaire de justifier de ces travaux."

Or pour un LMNP au réel, il est facile de voir qu'il n'y a aucuns travaux à l'actif et il est alors possible de lui refuser le forfait de 15 %, à moins que la mise à l'actif soit postérieure à l'achat du bien.

Je joins le texte de la CAA de DOUAI

 

CAA de DOUAI, 4ème chambre, 08/02/2024, 22DA02648, Inédit au recueil Lebon

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement no 2100232 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2022 et le 6 septembre 2023, M. A..., représenté par la SELARL Horrie et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement :

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en se contentant de relever que les dépenses de travaux exposées dans l'immeuble dont la revente a généré la plus-value en cause étaient totalement amorties en 2015 au bilan de la société à responsabilité Ar-men Finances Immobilières, dont il est l'associé, le tribunal administratif n'a pas pris soin d'exiger de l'administration qu'elle rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que, d'une part, cette société avait réellement déduit les amortissements de son résultat dans ses liasses fiscales, et d'autre part, lui-même avait effectivement pris en compte ces dépenses pour la détermination de son impôt sur le revenu au cours des années d'amortissement des immobilisations ; la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CTX-DG-20-20-10 conforte, en son paragraphe n°220, son analyse ;

- les pénalités et l'intérêt de retard dont l'administration a majoré les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige devront faire l'objet d'une décharge par voie de conséquence de celle des droits correspondants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient M. A..., les dépenses de travaux exposées sur l'immeuble cédé par la SARL Ar-men Finances Immobilières ne pouvaient majorer le prix d'acquisition de l'immeuble pour la détermination de la plus-value imposable, dès lors que, selon la propre déclaration souscrite par cette société, ces dépenses avaient été totalement amorties, de sorte qu'elles ont déjà été prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu de M. A..., à raison de sa quote-part dans le capital de cette société, la plus-value de cession brute s'établissant ainsi à 897 635 euros au lieu de 9 467 euros ;

- il appartient à M. A... d'établir que la déclaration souscrite par la SARL Ar-men Finances Immobilières était erronée, ce qu'il ne fait pas ; dès lors, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'administration était fondée à ne pas tenir compte, pour le calcul de la plus-value en cause, des dépenses qui avaient été intégralement amorties par la SARL Ar-men Finances Immobilières.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ar-men Finances Immobilières, dont M. B... A... détient 99,98 % des parts, est une société familiale ayant opté pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de personnes et exerçant l'activité de location de logements meublés. Aux termes d'un acte notarié établi le 30 avril 2015, la SARL Ar-men Finances Immobilières a cédé un immeuble dont elle était propriétaire à Sotteville-Lès-Rouen (Seine-Maritime), comprenant quarante appartements de type studio, un appartement de type F3, ainsi qu'un local commercial et des emplacements de stationnement, pour un montant de 1 230 000 euros. A l'issue d'une vérification de la comptabilité de la SARL Ar-men Finances Immobilières, portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, l'administration, après avoir d'abord entendu remettre en cause le régime d'imposition de la plus-value de cession, puis abandonné la procédure correspondante, a finalement remis en cause les modalités de calcul de la plus-value de cession de cet immeuble, réalisée par cette société, telles que retenues dans la déclaration n°2048 souscrite par la société. Le service a fait connaître à M. A..., par une proposition de rectification qu'il lui a adressée le 28 novembre 2019, les conséquences qu'il entendait tirer de cette analyse, à concurrence de ses participations dans la SARL Ar-men Finances Immobilières, sur ses revenus imposables.

2. M. A... ayant présenté des observations qui n'ont pas conduit l'administration à reconsidérer son analyse, les suppléments d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus résultant, au titre de l'année 2015, des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2020 et le 31 octobre 2020, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 308 530 euros. Après le rejet de sa réclamation, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015. M. A... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige :

3. D'une part, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / (...) ". En outre, aux termes de l'article 150 VB de ce code, dans sa rédaction applicable : " I.- Le prix d'acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il est stipulé dans l'acte (...) / II.- Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : / (...) / 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 39 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B. / (...) ".

5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

6. M. A... soutient que c'est à tort que l'administration n'a pas tenu compte, pour la détermination de la quote-part de la plus-value de cession entrant dans les bases d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été assignées au titre de l'année 2015, des dépenses de travaux exposées par la SARL Ar-men Finances Immobilières pour l'aménagement de l'immeuble cédé, alors que ces dépenses avaient, en application des dispositions précitées de l'article 150 VB du code général des impôts, vocation à majorer le prix d'acquisition de l'immeuble.

7. Toutefois, il résulte de la liasse fiscale se rapportant à l'exercice clos le 31 décembre 2015, déposée auprès de l'administration par la SARL Ar-men Finances Immobilières, versée à l'instruction par l'administration devant les premiers juges, que cette société a elle-même précisé, dans l'état 2055 relatif aux amortissements et dans l'état 2059 A ayant pour objet la détermination des plus ou moins-values, qu'elle a renseignés à partir des données issues de sa comptabilité, que l'ensemble des travaux d'aménagement en cause avaient été entièrement amortis et donc avaient nécessairement été déduits du bénéfice imposable au titre des exercices au cours desquels ils avaient été constatés.

8. Si M. A... suggère que ces déclarations souscrites par la SARL Ar-men Finances Immobilières ont résulté d'une erreur, il n'a apporté aucun élément au soutien de cette allégation, alors qu'en tant qu'associé majoritaire de la SARL Ar-men Finances Immobilières il était la seule partie susceptible de produire un tel élément et alors que les mentions portées dans ces déclarations par la société elle-même doivent, dans ces conditions, être regardées comme présentant nécessairement un caractère volontaire traduisant une décision de gestion.

9. Par suite, l'administration était fondée à retenir, pour le calcul de la plus-value de cession en cause, que, les dépenses de travaux d'aménagement exposées par la SARL Ar-men Finances Immobilières ayant été entièrement amorties au terme de l'exercice clos en 2015 et ayant ainsi nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article 150 VB du code général des impôts, été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu de M. A..., à due concurrence de sa participation au capital de la SARL Ar-men Finances Immobilières, elles ne pouvaient plus majorer le prix d'acquisition de l'immeuble cédé.

10. M. A... n'est pas fondé, à cet égard, à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n°220 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CTX-DG-20-20-10, qui, se rapportant à la question de la charge de la preuve dans le contentieux de l'assiette de l'impôt, ne peuvent être regardées comme comportant, au sens de cet article, une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit susceptible d'être opposée à l'administration.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.