Sur la question de la ventilation de la valeur d'un bien entre la valeur du terrain et celle de la construction, je propose un point de vue critique de praticien sur la méthode retenue par le Conseil d'Etat dans ses arrêts du 15 février 2016.

Je critique les méthodes retenues par le Conseil d'Etat qui se révèlent inapplicables dans les zones tendues. Dans ces zones, je propose de retenir la méthode comparative basée sur les ventes de biens similaires, mais situés dans des endroits différents. Si un bien similaire est vendu dans un autre lieu avec un prix nettement supérieur, la différence de prix est liée à l'emplacement et non à la valeur de la construction.

 

1) Rappel des enjeux

L'intérêt de l'amortissement déductible

Quand un contribuable achète un immeuble pour l'exercice d'une activité professionnelle, il peut être judicieux pour lui de l'inscrire à l'actif de son entreprise. Cela lui permet de déduire l'amortissement de la construction. Cette déduction est avantageuse car cela lui permet de réduire le résultat fiscal, et donc les prélèvements fiscaux et sociaux, sans réduire sa trésorerie, contrairement à une charge normale.

C'est d'autant plus vrai que le principe comptable de prudence, repris en fiscalité, impose de comptabiliser un amortissement, même si le bien ne subit pas de déprécation.

L'amortissement suppose une dépréciation régulière, et tous les immeubles dépérissent progressivement, de telle sorte qu'il faut régulièrement faire des travaux importants, comme le remplacement de la toiture. De ce point de vue, l'amortissement paraît légitime. 

Mais, dans le même temps, le prix des immeubles peut augmenter, alors que le dépérissement réel est limité, de sorte que la prise de valeur compense souvent la dépréciation physique.

En principe, cette déduction de l'amortissement se paie à la sortie : lorsque le bien sort de l'actif, il faut constater une plus-value à court terme, à hauteur des amortissements déduits sans réelle dépréciation.

Mais cela permet au moins de reporter à plus tard le coût de l'impôt, notamment au moment de la vente de l'immeuble, à un moment où la trésorerie est disponible. La déduction infondée de l'amortissement permet de bénéficier d'une forme de crédit gratuit sur les cotisations sociales et les impôts.

Dans certains cas, pour les exploitants relevant de l'impôt sur le revenu, il est même possible d'éviter la réintégration des amortissements à la sortie, si un régime d'exonération de plus-value s'applique.

C'est le cas pour les loueurs en meublés non professionnels, qui relèvent du régime des plus-values privés et pour qui la plus-value est même calculée sans tenir compte des amortissements déduits. C'est le cas également pour les exploitants qui peuvent bénéficier de l'exonération de plus-value des petites entreprises, prévue à l'article 151 septies du CGI. Ce régime s'applique en effet aux immeubles et peut profiter aux loueurs en meublé professionnels, sauf en matière de cotisations sociales.

La question de la ventilation

Lorsqu'un immeuble est comptabilisé à l'actif d'une entreprise, une question difficile se pose à l'expert-comptable : quelle valeur retenir pour le terrain ?

En effet, dans une immeuble, il y a toujours une quote-part de la sa valeur qui doit être affectée à la construction et une quote-part qui doit être affectée au terrain.

Il faut décomposer la valeur du bien sur la base, d'une part, de la valeur vénale du terrain seul, et d'autre part, de la valeur vénale de la construction seule. 

Lorsqu'un exploitant achète un terrain à bâtir, puis réalise la construction, la question de la ventilation de ne pose pas.

Elle se pose si l'exploitant achète un bien complet avec le terrain et la construction. Elle se pose également lorsque l'exploitant inscrit à l'actif un bien qu'il a acquis il y a de nombreuses années et qu'il avait laissé dans le patrimoine privé jusqu'à présent. Dans ce dernier cas, il faut déjà évaluer l'immeuble dans son entier avant de procéder à une ventilation.

Cette question présente un enjeu fiscal important car si la construction est amortissable, le terrain ne l'est pas.

En général, le contribuable a tendance à retenir une évaluation élevée de la construction et une évaluation faible du terrain. Cela lui permet en effet de majorer le montant des amortissements et donc de réduire le résultat taxable.

Les actes notariés n'indiquent pas cette ventilation, ce qui est d'ailleurs parfaitement justifié, car les parties à l'acte se sont mises d'accord sur un prix global, et en aucune façon sur un prix pour le terrain d'une part, et un prix pour la construction, d'autre part.

L'acte de vente, qui doit suivre fidèlement la volonté des parties, n'a donc pas à répartir un prix de vente que les parties n'ont pas entendu répartir (voir en sens contraire BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 58).

La plupart du temps, les experts-comptables retiennent une valeur forfaitaire du terrain, entre 10 % et 20 % de la valeur totale du bien.

Une telle approche est trop approximative et ne tient pas compte du fait que, dans certaines villes, la valeur d'un bien est très fortement liée à la valeur du terrain, et plus spécialement à l'emplacement.

Risque de rappel

En cas de contrôle fiscal, les services fiscaux peuvent tenter de faire un rappel égal à la totalité des amortissements excessifs, même ceux pratiqués avant le début de la période normale du délai de reprise, en invoquant la théorie de l'intangibilité du bilan du premier exercice non prescrit. 

Cela étant, cette extension du délai de reprise est discutable.

Le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit comporte en effet des limites depuis la réforme de 2004. Il ne s'applique pas notamment lorsque l'entreprise a, en période prescrite, pratiqué des amortissements excessifs au regard des usages ou passé en charges des dépenses qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé.

En application du troisième alinéa de l'article 38, 4 bis du CGI, la règle de l'intangibilité du bilan ne s'applique pas en cas de correction d'omissions ou d'erreurs résultant : "-  de la pratique de dotations aux amortissements excessifs au regard des usages mentionnés à l'article 39, 1-2° du CGI au cours de la période prescrite."

Il pourrait être défendu l'idée que cette exception s'applique lorsque les amortissements sont jugés excessifs par l'administration parce que le contribuable a cru pouvoir utiliser les usages en matière de ventilation entre le terrain et la construction. 

En effet, cette ventilation est intimement liée au calcul des dotations des amortissements de la construction. L'usage en matière de ventilation du terrain et la construction est un fait un usage déterminant la base de calcul des amortissements de la construction.

Ce point est indiqué par le rapporteur public, F. Aladjidi, dans ses conclusions sous les arrêts de principes du Conseil d'Etat du 15 février 2016 (CE 15 février 2016 n° 380400, Sté LG Services et CE 15 février 2016 n° 367467, SARL Daves Place des Etats-Unis, RJF 5/16 n° 398) en évoquant la troisième méthode de ventilation basée sur les sur les pratiques comptables :

"La méthode validée par la cour ne nous paraît pas interdite dans son principe. Certes, il ne suffit pas de constater qu’une pratique est majoritaire pour en déduire qu’elle est exacte, puisqu’il s’agit tout au plus d’une opinion et non d’une vérité. Mais on sait que le 2o du 1. de l’article 39 du CGI détermine la déductibilité des amortissements par référence à « ceux qui sont généralement admis d’après les usages de chaque nature d’industrie, de commerce ou d’exploitation ». Et comme la répartition terrain/construction n’a de sens qu’au regard de l’amortissement auquel pourra donner lieu l’immeuble en cause, il n’est pas illogique de se référer, aussi, en la matière, aux pratiques."

 

2) Les décisions de principe du Conseil d'Etat du 15 février 2016 et les trois méthodes proposées

Dans deux décisions de principe et rendues le même jour (15 février 2016 précitées), le Conseil d'Etat a exposé les principes obligatoires à suivre par l'administration pour contester la ventilation faite par le contribuable entre le prix du terrain et celui de la construction. 

Le Conseil d'Etat impose à l'administration d'utiliser trois méthodes successives, dans un ordre prioritaire. 

C'est seulement si la première méthode ne peut convenir qu'il faut appliquer la deuxième et si cette deuxième méthode ne peut être utilisée, il faut utiliser la dernière.

"Considérant que, d'une part, lorsque l'administration remet en cause la répartition, au sein du bilan d'un contribuable, entre les valeurs retenues respectivement pour un terrain et pour une construction édifiée sur ce terrain, en invoquant l'insuffisance de la valeur retenue pour le terrain, il lui appartient d'établir l'insuffisance de cette valeur ; qu'elle doit, pour déterminer la valeur du terrain, se fonder prioritairement sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées sur des terrains nus et à des dates proches de celle de l'entrée du bien au bilan du contribuable ; que ces terrains doivent être situés dans la même zone géographique que ce bien et présenter des droits à construire similaires ; qu'à défaut, l'administration peut évaluer la valeur de la construction à partir de son coût de reconstruction à la date de son entrée au bilan, en lui appliquant, le cas échéant, les abattements nécessaires pour prendre en compte sa vétusté et son état d'entretien ; 3. Considérant que, lorsqu'elle ne peut appliquer aucune des deux méthodes précédentes, notamment pour les immeubles les plus anciens, l'administration peut s'appuyer sur des données comptables issues du bilan d'autres contribuables pour déterminer des taux moyens relatifs aux parts respectives du terrain et de la construction et les appliquer ensuite à la valeur globale de l'immeuble en litige à sa date d'entrée au bilan ; qu'elle doit, en ce dernier cas, se fonder sur un échantillon pertinent reposant sur un nombre de données significatif, portant sur des immeubles présentant des caractéristiques comparables s'agissant de la localisation, du type de construction, de l'état d'entretien et des possibilités éventuelles d'agrandissement ; que seuls peuvent être retenus des immeubles entrés au bilan des entreprises servant de termes de comparaison à des dates proches de celle de l'entrée au bilan de l'immeuble en litige ; 4. Considérant qu'il est loisible au contribuable de démontrer soit que le choix de la méthode retenue par l'administration ou sa mise en œuvre sont erronés au regard des principes ainsi définis, soit de justifier l'évaluation qu'il a retenue en se référant à d'autres données que celles qui lui sont opposées par l'administration ;"

Les trois méthodes sont donc les suivantes :

- comparaison avec des ventes de terrains nus situés dans la même zone géographique et avec des droits à construire similaires,

- à défaut, coût de reconstruction des locaux, avec des abattements pour tenir compte de la vétusté et son état d'entretien si nécessaire,

- à défaut, données comptables issues du bilan d'autres contribuables, sous réserve d'utiliser un échantillon pertinent avec des biens comparables et entrés au bilan des entreprises à des dates proches de celle de l'entrée au bilan de l'immeuble en litige.

Dans une décision postérieure, pour la première application de la méthode (CE 9e-10e ch. 21-7-2017 n° 395457, Sté Cidinvest : RJF 11/17 n° 1075, concl. M-A. Nicolazo de Barmon), le Conseil d'Etat a validé, pour des immeubles parisiens anciens, l'utilisation de la méthode des données comptables d'autres contribuables aboutissant, au cas d'espèce, à une valeur de terrain représentant 40 % de la valeur totale.

Les services fiscaux ont cité les arrêts de principes précités dans leur doctrine administrative relative aux loueurs en meublé (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 58), de sorte que le sujet est très sensible pour les exploitants de location meublée et risque de donner lieu à des rappels.

Cette technique d'évaluation basée sur trois méthodes successives imposée par le Conseil d'Etat pose de nombreuses difficultés pratiques qui seront évoquées-après, avant de proposer une autre méthode, plus pertinente, et une recommandation aux pouvoirs publics.

La méthode comparative basée sur la vente de terrains nus

Cette méthode est la plus simple et il est cohérent d'en faire la méthode prioritaire.

Elle est d'application aisée dans les zones où il existe un marché dynamique des terrains à bâtir.

Mais elle se révèle difficilement applicable si un tel marché n'existe pas. 

Dans certaines zones "tendues", il n'y a pas de terrains à bâtir nu à vendre car le foncier est déjà intégralement bâti.

Il s'agit également de zones où le foncier est aussi très coûteux : centre-ville et zones touristiques, donc justement des zones où la ventilation est à la fois difficile et décisive.

Les zones sans terrain à bâtir nu : la question des terrains vendus avec engagement de construire

Dans ces zones tendues, il est cependant parfois possible d'acheter des biens, de démolir les bâtiments existants pour reconstruire un nouvel immeuble. 

La question se pose alors de savoir s'il est possible de qualifier ces terrains, achetés dans un but de démolition de l'existant pour faire une nouvelle construction, comme un terrain à bâtir nu, utilisable dans la première méthode du Conseil d'Etat.

Une telle assimilation paraît défendable, même si elle n'est pas évoquée par le Conseil d'Etat. En effet, dans cette situation, l'acheteur n'est pas intéressé par le bâtiment existant, mais uniquement par le terrain qui le supporte.

Toutefois, en pratique, l'assimilation d'un terrain bâti avec un projet de reconstruction, à un terrain à bâtir nu, peut donner lieu à de nombreuses difficultés d'application.

Le problème est d'abord que l'acheteur d'un tel bien peut payer un prix inférieur à la valeur réelle, après déduction du coût de démolition. Donc le prix payé est inférieur au vrai prix du terrain nu sans contrainte de démolition.

Ensuite, en sens inverse, il est possible que l'acheteur n'envisage pas la démolition complète du bâti existant.

Dans cette deuxième situation, l'acheteur paie un prix global sans doute supérieur au prix du terrain nu car une partie du bâti existant est conservé.

Enfin, il peut arriver que l'acheteur ait seulement un projet incertain de reconstruction. Il achète avec un engagement fiscal de construire inclus dans l'acte, à toutes fins utiles, en vue de réduire les droits de mutation, quitte à régler ensuite les droits au tarif normal si la nouvelle construction n'est pas réalisée. Donc la seule présence d'un engagement fiscal de construire dans l'acte d'achat n'est pas, à elle-seule, révélatrice d'un achat assimilable à celui d'un terrain nu.

Pour que la vente d'un terrain déjà bâti avec un projet de construction puisse s'analyser comme la vente d'un terrain à bâtir, il faut que, peu de temps après l'achat, l'acheteur réalise effectivement son projet de construction et que cette construction soit, réellement et économiquement, une véritable reconstruction, et non une simple rénovation, même significative.

En conclusion, faute de garantir une véritable assimilation à un terrain nu, l'achat d'un terrain bâti avec projet de reconstruction peut difficilement être retenu comme un comparable pertinent.

Mais du coup, la méthode de comparaison avec des ventes de terrains nus se révèle souvent inapplicable dans les "zones tendues".

La méthode du coût de construction

Cette méthode présente le mérite ne pas imposer la recherche de ventes de terrains comparables.

Mais la difficulté réside alors à évaluer correctement la construction. Comment procéder ? Le Conseil d'Etat ne propose aucun mode d'emploi sur ce point.

Il faudrait trouver des coûts de construction de bâtiments similaires récemment construits dans la région. 

Il paraît possible de fixer un coût au m² du type de bâtiment concerné et de l'appliquer à la surface de la construction à évaluer. Cela paraît simple en théorie mais en pratique, il n'existe pas nécessairement ce type d'information dans les revues techniques.

Il faudra ensuite déterminer une décote de vétusté. Comment la calculer ? Là encore ce point risque de faire débat.

Le cas des biens ayant un cachet historique ou esthétique

Il y a un cas particulièrement délicat et pourtant fréquent en pratique. C'est celui du cas des biens anciens qui disposent d'une valeur historique, culturelle, artistique ou esthétique.

En effet, ce type de biens anciens, non seulement ne mérite pas une décote pour vétusté, mais au contraire doit faire l'objet d'une forme de survaleur pour son cachet esthétique, artistique et historique.

Certains biens prennent de la valeur en vieillissant.

Pour un appartement situé dans un immeuble haussmannien ou encore pour une villa de caractère située dans une station balnéaire renommée, la valeur du cachet esthétique peut être à la fois subjective et significative. Il faudra en tout cas l'inclure dans la valeur de la construction. 

Or la méthode du coût de revient ne permet pas d'évaluer cette survaleur. C'est particulièrement regrettable car ce type de bien se retrouve souvent dans les zones tendues. Quand le terrain est cher, les constructions sont souvent de qualité avec un cachet esthétique particulier.

La méthode des pratiques comptables des autres contribuables relevées dans un échantillon pertinent

Cette méthode est présentée par le rapporteur public sous les décisions précitées du Conseil d'Etat comme la méthode de secours pour les biens anciens, difficiles à évaluer.

Mais cette méthode n'est pas très sérieuse.

Tout d'abord, sur le plan général, le renvoi à la pratique comptable de la place est pour le moins étonnant. La vérité économique ne peut pas résulter d'une pratique comptable.

C'est d'autant plus vrai pour la question de la ventilation de la valeur des biens entre le terrain et la construction tant les experts-comptables ont pris la (mauvaise) habitude d'utiliser des forfaits simplistes et majorant souvent la valeur des constructions.

A l'inverse, notamment sur Paris, de nombreuses foncières cotées et exonérées d'impôt ont tendance au contraire à majorer la valeur du terrain, pour améliorer leur rentabilité.

Il est très curieux de donner aux services fiscaux toute liberté pour rechercher un échantillon "pertinent", sans possibilité de contrôle contradictoire.

Les agents de l'Etat risquent d'avoir une conception orientée de la pertinence de leur échantillon. 

L'échantillon sera surtout pertinent pour justifier le rappel. 

Et les contribuables seront dans l'incapacité de présenter un échantillon pour contredire celui choisi par les services fiscaux, faute d'accès à une base de données des bilans des entreprises ayant acquis des immeubles à une date proche de celui à évaluer.

Rappelons que de nombreuses sociétés n'ont plus l'obligation de publier leurs comptes. De plus, l'accès aux comptes publiés n'est pas suffisant car ces comptes ne détaillent pas les immeubles détenus, leurs adresses et leur date d'achat.

C'est déjà difficile pour l'administration d'avoir accès à ces informations mais c'est très difficile pour les contribuables.

De plus, l'administration ne peut pas communiquer les détails de ces informations aux contribuables, sauf à violer le secret fiscal.

Comme à chaque fois que le rappel est basé sur un échantillon de comparables issus des déclarations fiscales d'autres contribuables, les services fiscaux se retrouvent pris en ciseaux entre le respect du contradictoire, qui les contraint à transmettre toutes les détails de ces comparables, et le secret fiscal, qui leur interdit.

Au total cette troisième méthode se révèle inapplicable dans le cadre d'une procédure fiscale contradictoire.

Le caractère problématique de cette méthode avait été soulevé, et non retenu, dans l'affaire CIDINVEST précitée du 21 juillet 2017. Mais l'argumentaire du contribuable manquait sans doute des bonnes motivations. 

En tout état de cause, il y a lieu d'exprimer les plus vives réserves sur l'idée, évoquée par le rapporteur public dans ses conclusions sous cette décision, selon laquelle la multiplication des comparables cités par l'administration dans son échantillon pourrait garantir sa pertinence objective. 

La survaleur non amortissable n'est pas nécessairement intégrée dans la valeur du terrain

L'erreur est de vouloir systématiquement attribuer au terrain la survaleur non amortissable d'un bien.

Il y aurait, d'un côté, la valeur de la construction, qui est amortissable et, de l'autre, la valeur du terrain, qui serait non amortissable.

En réalité, il existe souvent des éléments de survaleur qui ne sont pas amortissables, mais qui ne sont pas nécessairement liés au terrain.

C'est le cas pour le cachet esthétique de la construction. La survaleur d'un bien historique ou culturel peut être considérable. Cette survaleur n'est pas amortissable, faute d'une dépréciation régulière. Pour autant elle ne doit pas être rattachée à la valeur du terrain.

Mais cela peut aussi être le cas pour la survaleur liée à l'emplacement.

Ce n'est pas tant l'emplacement d'un terrain qui lui donne une survaleur, mais plutôt l'emplacement associé à une constructibilité.

Le terrain à lui tout seul, même très bien placé, mais sans constructibilité, a rarement une grosse valeur.

La constructibilité sur un bon emplacement est généralement rattachée à la valeur terrain, mais pas toujours.

Prenons l'exemple d'une villa construite depuis longtemps sur un très bon emplacement dans une station balnéaire.

Si les règles d'urbanisme sont modifiées et que le terrain devient inconstructible, par exemple parce que la surface minimale du terrain constructible n'est plus respectée, ou parce qu'il existe un risque naturel, la valeur globale de la villa se réduira au moment du changement de règles, mais il restera toujours le droit de disposer d'une villa à un très bel emplacement, car le fait que le terrain devienne inconstructible n'a pas pour effet d'imposer la destruction de la villa. 

Dans une telle situation, la survaleur liée au droit de disposer d'une villa dans un emplacement unique, doit être attribuée à la construction, et non plus au terrain. Pour autant, cette survaleur ne peut en principe faire l'objet d'un amortissement car elle ne fait pas l'objet d'une dépréciation régulière.

Sur ces questions, les règles comptables sont incomplètes : il faudrait prévoir la possibilité de comptabiliser un composant non amortissable de la construction. Ce composant devrait comprendre toute survaleur de la construction ne pouvant faire l'objet d'une dépréciation régulière. Il serait seulement possible de comptabiliser une provision, en cas de risque de diminution de cette survaleur.

 

3) Proposition d'une autre méthode pour évaluer le terrain

Dans les zones urbaines tendues, il est difficile de trouver des ventes de terrain à bâtir.

De même, il est souvent difficile d'évaluer le coût de la construction.

Dans ces conditions, il faut plutôt proposer la comparaison avec des immeubles similaires vendus dans un lieu où l'emplacement est sans importance, ou d'une importance nettement plus faible.

Par exemple, si un appartement dans un immeuble haussmannien se vend 10 000 € du m² à Paris et 2 000 € du m² dans une ville de province peu recherchée, il est facile de conclure que la survaleur liée à la situation parisienne vaut au moins 8 000 € du m². 

Il faut donc d'abord se faire une idée de la valeur de l'emplacement par des comparaisons avec des ventes de biens, similaires au niveau de leur construction, mais situés dans des lieux sans grande valeur.

Il paraît également possible de déterminer la survaleur liée au cachet en comparant des ventes de biens avec une telle survaleur, par rapport à des ventes de biens qui en sont dépourvus.

Ainsi, par comparaison et par déduction, il est possible de déterminer les survaleurs non amortissables des biens, en se basant sur la vente de constructions déjà existantes, et sans être obligés de rechercher la vente de terrains à bâtir. 

 

4) L'utilité de mentions indicatives dans la doctrine administrative

Les services fiscaux ont repris dans leur doctrine un tableau indicatif de la répartition de la valeur globale d'un immeuble entre les composants, en indiquant également des durées d'amortissement (BOI-ANNX-000115).

Ce tableau est seulement indicatif mais il permet aux praticiens de ne pas avoir à engager des frais d'expertise à chaque fois qu'il faut comptabiliser un immeuble à l'actif. 

Sans être décisif, ce tableau permet au moins d'éviter les erreurs grossières. Cela permet de sécuriser les experts et de réduire les litiges.

Ce tableau ne mentionne pas la valeur des terrains.

Il serait judicieux que les services fiscaux produisent des taux de ventilation indicatifs entre la valeur de la construction et la valeur du terrain, en distinguant plusieurs types de biens et différents types de localisation. Ces taux indicatifs permettraient d'éviter les excès de certains contribuables.

Sur ce sujet comme sur d'autres, les autorités gérant les finances publiques seraient largement gagnantes à préférer la prévention à la répression.