Par un avis n°426472 du 27 mars 2019, le Conseil d’État est venu préciser les modalités d’application de l’article R.421-1 du Code de justice administrative telles qu’elles résultent du décret JADE.

En l’espèce, l’article R. 421-1 du CJA dispose que :

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.

Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle.

Les mesures prises pour l'exécution d'un contrat ne constituent pas des décisions au sens du présent article. »

C’est le second alinéa de cet article qui fait l’objet du présent avis.

Lors de sa parution, l’ensemble de la Doctrine avait interprété cet alinéa comme l’impossibilité de saisir la juridiction administrative d’une demande indemnitaire, sans que l’administration n’ait été amenée à se prononcer sur le bien-fondé de la demande en cause. Cette appréciation avait été confirmée par le secrétaire adjoint aux juridictions administratives du Conseil d’État, Monsieur David Moreau, lequel notait :

« L'obligation de lier le contentieux répond avant tout au souci de promouvoir le règlement alternatif des litiges. La jurisprudence a été assez bienveillante : le juge a admis que la liaison du contentieux puisse se faire en cours d'instance et même après qu'une fin de non-recevoir a été opposée par l'administration. Or, l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande amiable alors qu'un recours contentieux a déjà été formé, n'est pas très encline à y donner suite. L'idée est de laisser une vraie chance au recours amiable en imposant non seulement qu'une demande ait été présentée avant le recours contentieux mais qu'un rejet, implicite ou explicite, soit né. Le but n'est donc pas d'ajouter un obstacle en espérant que certains le ratent. »

(« Faire face à l’augmentation continue des recours à moyens constants », AJDA 2016, p.2068

La rédaction de cet article revenait donc expressément sur deux jurisprudences bien connues des publicistes, les décisions Mme Ducroux (CE, ass, 23 avril 1965, Mme Ducroux, n°60721) et Établissement français du sang (CE, 11 avril 2008, Etablissement français du sang c/ Ferrier, n°281374).

La cause paraissait entendue, les juridictions administratives appliquant fermement ce principe.

Or, au cours d’une instance pendante devant lui et dont les faits ne méritent pas que l’on s’y s’attarde, le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne a sollicité l’avis du Conseil d’État sur les modalités d’application de cet alinéa.

L’avis du Conseil d’État est certes logique mais apporte une précision indispensable :

 

« 3. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. »

 

APPORT DE LA DECISION :

Le Conseil d’État contredit en l’espèce l’ensemble des commentateurs puisqu’il remet au goût du jour la fameuse jurisprudence Établissement français du sang, que l’ensemble de la Doctrine avait enterré.

Il confirme, à cet effet, que lorsqu’une demande indemnitaire est déposée devant une juridiction administrative, la liaison du contentieux peut intervenir en cours d’instance. Cette solution est logique puisque le juge du plein contentieux est amené à se prononcer sur le bien-fondé de la demande au jour où il statue. Il est donc normal de laisser la possibilité au requérant de régulariser sa demande au cours de l’instance.

 

 

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