Par une décision du 30 avril 2019, le Conseil d’État a considéré que le juge des référés précontractuels était incompétent pour connaitre d’un contrat conclu par une société concessionnaire d’autoroute (SCA).

Faits :

La SCA APRR a lancé une procédure de consultation concernant le renouvellement d’un titre d’occupation du domaine public autoroutier (article L. 122-23 du code de la voirie routière). Il s’agissait un contrat en vue de faire assurer par un tiers la construction, l’exploitation et l’entretien des installations annexes à caractère commercial situées sur le réseau autoroutier concédé.

La société TOTAL MARKETING a été admise à déposer une offre mais n’a finalement pas présenté d’offre car elle estimait que l’un des critères était illégal et que des contradictions dans le document de consultation empêchait toute réponse.

C’est dans ces conditions qu’elle a saisi le TA de Dijon afin qu’il annule la procédure de passation. Déboutée par le juge des référés, elle a saisi le Conseil d’État.

C’était aussi l’occasion pour le Conseil d’État de se prononcer sur la notion de pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

A noter que le contrat ayant été signé après le dépôt du pourvoi, le CE aurait pu prononcer un non-lieu à statuer (CE, 3 novembre 1995, n°152650).

Question de droit :

Une SCA peut-elle être considérée comme un pouvoir adjudicateur et partant les contrats conclus avec une personne morale de droit privé relèvent-t-ils de l’office du juge administratif ?

Considérant de principe :

« 4. La notion de pouvoir adjudicateur est définie à l’article 9 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, alors applicable, ratifiée par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Aux termes de ces dispositions, sont des pouvoirs adjudicateurs, outre les personnes publiques et certains organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs, les " personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont : a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur; c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ". Si les missions de construction, d’entretien et d’exploitation des autoroutes dont sont chargées à titre principal les sociétés d’autoroutes visent à satisfaire des besoins d’intérêt général au sens des dispositions qui précèdent, la société APRR, qui est une société concessionnaire d’autoroutes à capitaux majoritairement privés, ne répond à aucune des conditions mentionnées aux a, b et c de l’article 9 de l’ordonnance de 2016. Elle ne peut, par suite, être regardée comme un pouvoir adjudicateur ni, en tout état de cause, comme une entité adjudicatrice, ce dont il découle que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour connaître du contrat litigieux par application des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative. »

Enseignement n°1 :

Depuis l’avis du Conseil d’État du 12 mai 2002 (n°366305), il était entendu que les SCA, sous l’empire de l’ancienne loi Sapin, étant des personnes morales de droit privé, qui ne sont pas mandataires de l’État, les contrats qu’elles concluaient en vue d’exploiter des installations commerciales sur le domaine public n’étaient pas soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Il convient de rappeler que le  Tribunal des conflits a considéré qu’un contrat portant occupation du domaine public et qui a été conclu entre deux personne privées relève de la compétence du juge judiciaire (TC, 14 mai 2012, n°3836). A l’inverse lorsque l’un des cocontractants est une concessionnaire de service public, la compétence juridictionnelle est administrative (CE, avis, 16 mai 2002, n°366305).

Enseignement n°2 :

Le Conseil d’État rappelle ensuite qu’au titre de l’article 9 de l’ordonnance de 2016, une SCA peut être regardée comme un pouvoir adjudicateur à condition qu’elle remplisse un certain nombre de conditions. Or, comme le relève le Conseil d’État APRR étant une personne morale de droit privée dont le capital est majoritairement détenu par le privé, elle ne peut être considérée comme un pouvoir adjudicateur.

Enseignement n°3 :

Au titre de l’article R.122-41 du code de la voirie routière, il est précisé que les contrats passés par les SCA doivent être soumis à des obligations de publicité et de concurrence. Toutefois, le fait qu’un contrat soit soumis à de telles obligations n’a pas pour effet de rendre applicable à cette procédure les référés précontractuels (CE, 19 janvier 2011, n°341669).

Le juge des référés précontractuels est donc incompétent pour connaitre de la demande d’annulation formulée par la requérante.