Par un avis n°426763 du 22 mai 2019, le Conseil d’État précise dans quelles conditions le pouvoir adjudicateur peut écarter une offre non conforme au RC.

Faits :

La collectivité de Corse a lancé un avis d'appel public à la concurrence publié le 8 août 2018

pour la passation de nouvelles conventions de délégation de service public de transport maritime de marchandises et de passagers entre la Corse et le continent pour une durée de quinze mois du 1er octobre 2019 au 31 décembre 2020. Cette procédure a fait l'objet d'un allotissement en cinq lots correspondant à chacune des liaisons maritimes entre le port de Marseille et les ports d'Ajaccio, de Bastia, de Porto-Vecchio, de Propriano et de L'Ile-Rousse. Par un courrier du 13 novembre 2018, le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a informé la société Corsica Ferries du rejet de sa candidature, au motif qu'elle avait été présentée au format papier sans être accompagnée de copies dématérialisées remises par clés USB, en méconnaissance de l'article 6-1 du règlement de la consultation. Cette société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa candidature et à ce qu'il soit enjoint à la collectivité de Corse de l'admettre à déposer une offre et d'engager une négociation avec elle.

Le Juge des référés du TA de Bastia l’a déboutée de sa demande. C’est contre cette décision que la société se pourvoit.

Question de droit :

Une société candidate à une délégation de service public peut-elle ne pas respecter les modalités de remise de sa candidature précisée dans le RC ?

Considérant de principe :

« Ainsi qu'il a été dit au point précédent, les candidats à l'attribution d'un contrat de concession doivent respecter les exigences imposées par le règlement de la consultation et ne peuvent être exonérés de cette obligation que dans l'hypothèse où l'une de ces exigences serait manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le juge des référés a estimé que l'absence de version sous format dématérialisé du dossier de candidature de la société Corsica Ferries avait pour effet de rendre cette candidature incomplète au sens de l'article 23 du décret du 1er février 2016 précité, alors même qu'une version sous format papier comportant les pièces et informations demandées avait été également déposée. »

Enseignement n°1 :

Ici, le Conseil d’État considère que « le règlement de consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d’un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions ». Partant, la candidature doit être regardée comme incomplète au regard des dispositions de l’article 23 du décret n°2016-86 du 1er février 2016 (article R3123-20 et -21 du code de la commande publique).

Enseignement n°2 :

Sous l’empire de l’ancien code des marchés publics, le Conseil d’État avait admis que l’on puisse s’affranchir des exigences fixées dans le RC à condition qu’elles n’aient pas d’utilité dans l’appréciation de l’offre (CE, 22 décembre 2008, Ville de Marseille, n°314244). En l’espèce, le juge des référés considère que l’obligation faite aux candidats de déposer une version numérique n’est pas dépourvue de toute utilité « en raison notamment de ce qu'elle avait pour objet de permettre l'analyse des candidatures déposées dans des délais contraints. »

Chacun se fera juge de cette motivation que nous considérons, pour notre part, comme alambiquée.