L’article L.442-1, II du code de commerce indique qu’est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur le fait de rompre brutalement des relations commerciales établies :

« II. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

Ce texte a fait l’objet d’une profonde réforme suite à l’ordonnance du 24 avril 2019, prise en application de la loi EGALIM.

Définition :

Rentre dans le champ d’application de ces dispositions, toute relation commerciale établie, que celle-ci porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service. Le texte s'applique aussi bien aux activités commerciales qu'aux relations industrielles ou aux prestations intellectuelles ; il concerne toutes les activités économiques. Il peut être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé, notamment une association, pour peu que la loi ou des règles déontologiques n'interdisent pas la pratique du commerce, tels les médecins, les notaires ou les conseils en propriété industrielle.

Concernant la notion de relation établie, il s’agit de tout type de relation qu'elles soient précontractuelles, contractuelles et même post-contractuelles ; peu importe que le contrat ait été formalisé ou non par écrit, qu'il soit à durée indéterminé ou conclu pour une durée déterminée et qu'il soit renouvelable. Ainsi, une succession de contrats prorogés ou renouvelés inscrit les relations dans la durée dès lors qu'il est démontré la régularité, le caractère significatif et la stabilité de celles-ci, sans qu'il soit toutefois besoin de démontrer le caractère permanent et continu des échanges. En revanche, l'article L. 442-6, I, 5°, ne s'applique pas à de simples relations ponctuelles, lorsque par sa nature la relation est précaire ou lorsque le contrat fait l'objet d'un appel d'offres systématique. Enfin, il n'est pas nécessaire que la relation ait été établie durablement entre les mêmes personnes, un repreneur pouvant ainsi se prévaloir des relations initialement nouées dès lors qu'il s'inscrit dans la continuité du courant d'affaires.

La rupture brutale

La jurisprudence indique que la rupture peut être totale ou partielle, prononcée ou provoquée volontairement par le cocontractant. Elle peut résulter 'un changement d'organisation dans le mode de distribution, d'un défaut total ou quasi total de commandes traduisant un déréférencement, de la modification substantielle par le fournisseur de ses conditions générales de vente… L'application de l'article L. 442-6, I, 5°, n'est pas subordonnée à la preuve d'un état de dépendance économique ; la rupture doit simplement être imprévisible, soudaine et violente en ne respectant pas un préavis écrit suffisant. Seules l'exception d'inexécution et la force majeure peuvent justifier l'absence de préavis.

La durée du préavis est déterminée en fonction de l'ancienneté de la relation et en considération des usages et accords professionnels ; à défaut d'accord, des arrêtés du ministre chargé de l'Économie peuvent fixer un délai minimal de préavis (à ce jour, quatre accords existent et aucun arrêté n'a été publié). Le respect du préavis fixé contractuellement ou déterminé par un accord ou usage peut être jugé insuffisant, à l'inverse des délais de préavis prévus par un texte particulier, notamment en matière d'agence commerciale, de contrat de transport ou de concours bancaires.

Bien entendu une faute de la part d’un des cocontractants pourra amener l’autre à rompre brutalement les relations commerciales, mais sans que sa responsabilité ne puisse être engagée.

Réforme de la rupture des relations commerciales établies

Concrètement cette réforme a pour effet de :

  • L’instauration d’un préavis de 18 mois pour les relations contractuelles de longue durée. Il s’agit d’une clause exonératoire de responsabilité qui pourra être invoquée par l’auteur de la rupture ;
  • La suppression de la règle du dédoublement du préavis en cas de produits sous marque de distributeur ou de mise en concurrence par enchères à distance.
    Il est probable que les juges continuent toutefois d’en tenir compte dans l’appréciation des circonstances de chaque espèce, pour déterminer le préavis applicable.
  • La disparition de la référence à des arrêtés ministériels de fixation d’une durée minimale de préavis.

Sanctions

La rupture brutale engage la responsabilité délictuelle de son auteur. Celui-ci doit réparer le dommage en résultant ; la victime ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même. En cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire.

Outre la victime, un tiers peut invoquer la rupture brutale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice. Par ailleurs, l'action est ouverte au ministère public, au ministre de l'Économie et au président de l'Autorité de la concurrence.