Le Conseil d’État indique dans sa décision du 11 juillet 2019 « EARL Plaine de Vaucouleurs », n°422577, qu’est légale la délibération par laquelle une communauté d’agglomération décide de modifier de manière rétroactive le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères.

Faits :

Par des délibérations des 19 janvier 2012, 21 février 2013, 16 janvier 2014 et 2 avril 2015, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Rochefortais, devenue la communauté d'agglomération Rochefort Océan, a fixé, respectivement pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, les tarifs d'enlèvement des ordures ménagères.

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Plaine de Vaucouleurs a fait citer le 9 juin 2016 la communauté d'agglomération de Rochefort Océan devant la juridiction de proximité de Rochefort (Charente-Maritime) afin d'obtenir l'annulation des titres exécutoires émis par la communauté d'agglomération pour le recouvrement de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères concernant les années 2012, 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement du 12 avril 2017, la juridiction de proximité de Rochefort a sursis à statuer et renvoyé au tribunal administratif de Poitiers la question de la légalité des délibérations par lesquelles les tarifs de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ont été fixés pour les années en cause. L'EARL Plaine de Vaucouleurs se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a jugé que l'exception d'illégalité ainsi soulevée n'était pas fondée.

Question de droit :

Est-il possible de modifier rétroactivement l’assiette d’une redevance pour services rendus ?

Considérant de principe :

« 7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les délibérations des 19 janvier 2012, 21 février 2013, 16 janvier 2014 et 2 avril 2015 litigieuses, en ce qu'elles modifient le montant de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères à compter, respectivement, du 1er janvier de chacune des années en cause, sont illégales en tant qu'elles prévoient que les modifications qu'elles adoptent s'appliquent à des périodes antérieures à la date de leur entrée en vigueur. Ces délibérations sont, en revanche et en l'absence d'autre critique de légalité fondée, légales en ce qu'elles ont pour effet, pour la période courant du 1er janvier de chaque année à la date de leur entrée en vigueur, de réitérer le tarif de la redevance applicable l'année précédente, dont les usagers doivent s'acquitter en contrepartie du service dont ils ont bénéficié. »

Enseignement n°1 :

La première définition de la notion de redevance pour services rendus est à rechercher dans la décision du Conseil d’État du 21 novembre 1958 « Syndicat national des transporteurs aériens » :

« il s’agit de toute redevance demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d’un service public déterminé ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public, et qui trouve sa contrepartie directement dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage ».

Une redevance pour service rendu peut être légalement établie à la condition, d'une part, que les opérations qu'elle est appelée à financer ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l'État et, d'autre part, qu'elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d'usagers déterminés (CE, 28 novembre 2018, n°413839).

Elle est donc demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé et trouve sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service.

Enseignement n°2 :

L’autre composante du problème concernait le principe de rétroactive des règlements qui, ne peuvent, en principe ne valoir que pour l’avenir (CE, 25 juin 1948, Société du journal « L’Aurore »). En outre, le Conseil d’État rappelle aussi que « en l’absence de disposition législative l’y autorisant, et réserve faite des cas dans lesquels l’intervention rétroactive d’une délibération est nécessaire à titre de régularisation pour remédier à une illégalité et mettre à la charge des usagers une obligation de payer en contrepartie du service dont ils ont bénéficié (CE 28 avr. 2014, n° 357090), une délibération qui majore le tarif d’une redevance pour service rendu ne peut légalement prévoir son application avant la date de son entrée en vigueur »

Enseignement n°3 :

En l’espèce, le Conseil d’État relève donc que les délibérations sont illégales mais seulement en ce que les modifications qu’elles adoptent s’appliquent de manière rétroactive. En revanche et en l’absence d’autre critique de légalité fondée, elles sont légales en ce qu’elles ont pour effet, pour la période courant du 1er janvier de chaque année à la date de leur entrée en vigueur, de réitérer le tarif de la redevance applicable l’année précédente, dont les usagers doivent s’acquitter en contrepartie du service dont ils ont bénéficié.