Dans cette décision, le Conseil d’Etat précise quelles sont les obligations du pouvoir adjudicateur lorsqu’une personne publique est candidate à un contrat de concession.

Faits et procédure :

La communauté de communes du bassin de vie de l'Ile-Rousse, devenue la communauté de communes de l'Ile-Rousse-Balagne (CRIRB), a lancé une procédure en vue de concéder le service public de distribution de l'eau potable. La société des eaux de Corse s’est portée candidate à ce contrat de concession.

Cependant, son offre a été rejetée.

Le conseil communautaire de la CRIRB a approuvé, par une délibération du 28 mars 2019, l'attribution du contrat de concession à l'Office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC). La société des eaux de Corse a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre avant dire droit à la communauté de communes de l'Ile-Rousse-Balagne (CCIRB) de produire les documents permettant de vérifier de quelle manière elle a contrôlé la candidature et l'offre de l'Office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) au regard, respectivement, de l'obligation de justifier d'un intérêt public local et de l'obligation d'opérer une séparation comptable permettant de distinguer ses moyens et ressources relevant de sa mission de service public, et, d'autre part, d'annuler la procédure relative au contrat de concession de service public de distribution de l'eau potable lancée par la communauté de communes de l'Ile-Rousse-Balagne ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à celle-ci de se conformer à ses obligations de mise en concurrence en reprenant la procédure au stade de l'examen des candidatures. Par une ordonnance n° 1900420 du 18 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a annulé la procédure relative à la concession du service public de distribution de l'eau potable de la communauté de communes de l'Ile-Rousse-Balagne.

C’est contre cette décision que la CRIRB et l’OEHC se sont pourvus en cassation.

Considérant de principe :

«  En troisième lieu, lorsqu'une personne publique est candidate à l'attribution d'un contrat de concession, il appartient à l'autorité concédante, dès lors que l'équilibre économique de l'offre de cette personne publique diffère substantiellement de celui des offres des autres candidats, de s'assurer, en demandant la production des documents nécessaires, que l'ensemble des coûts directs et indirects a été pris en compte pour la détermination de cette offre, afin que ne soient pas faussées les conditions de la concurrence. Il incombe au juge du référé précontractuel, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le contrat n'a pas été attribué à une personne publique qui a présenté une offre qui, faute de prendre en compte l'ensemble des coûts exposés, a faussé les conditions de la concurrence.

Il résulte de ce qui précède que la société des eaux de Corse ne saurait utilement soutenir devant le juge du référé précontractuel que la CCIRB aurait dû s'assurer, en demandant la production des documents nécessaires, que l'offre de l'OEHC n'avait pas faussé la concurrence en omettant de prendre en compte l'ensemble des coûts et en profitant des ressources et moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public. Elle ne saurait davantage soutenir utilement que l'OEHC n'opère aucune séparation comptable entre les moyens et ressources qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public et ceux qu'il utilise pour l'exécution du contrat de concession du service public de distribution d'eau. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'équilibre économique de l'offre présentée par l'OEHC ne diffère pas substantiellement de celui de l'offre concurrente présentée par la société des eaux de Corse. Il en résulte qu'en retenant son offre, la CCIRB ne saurait être regardée comme ayant retenu une offre qui aurait, pour les raisons mentionnées ci-dessus, faussé les conditions de la concurrence et comme ayant, pour ce motif, méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence. »

Apport de la décision

En l’espèce, lorsqu’une personne publique se porte candidate à un appel d’offres, le juge doit vérifier que l’établissement ne méconnait pas le principe de spécialité, auquel il est tenu (CE, 18 septembre 2015, n°390041). Cependant, en l’espèce, le Conseil d’Etat souligne que la candidature d’un établissement public à un contrat de concession n’est pas soumise à la condition résultant de l’existence d’un intérêt public local. De fait, est inopérant le moyen selon lequel cette candidature n’est justifiée par aucun intérêt public local.

En ce qui concerne, le contrôle que le pouvoir adjudicateur doit opérer sur la candidature, le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier que cette candidature n’est pas de nature à fausser la concurrence.

 

Dans le présent cas, le Conseil d’Etat considère que l’offre de l’OEHC n’était pas susceptible de fausser la concurrence et était donc parfaitement licite. La décision du juge des référés du TA de Bastia est donc logiquement annulée.