Le Conseil d’Etat était amené, dans le cadre de cette affaire, à se prononcer sur le caractère supposément incomplet d’une offre et sa conséquence sur la décision d’attribution prise par le pouvoir adjudicateur.

 

Faits et procédure :

Le Syndicat mixte du développement durable de l'Est-Var pour le traitement et la valorisation des déchets ménagers (SMIDDEV) a conclu, le 25 juillet 2013, avec la société Ehol un marché ayant pour objet le " tri-conditionnement de matériaux de collectes sélectives ". A la demande de la société SMA, aux droits de laquelle vient la société Valeor, candidate évincée, le tribunal administratif de Toulon a, par un jugement avant dire-droit du 31 mai 2016, annulé ce marché et, après avoir estimé que cette société avait perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché et rejeté une partie de ses conclusions indemnitaires, diligenté une expertise avant de statuer sur le surplus de celles-ci. Par un arrêt du 30 mars 2018, contre lequel le SMIDDEV se pourvoit en cassation, la cour administrative de Marseille a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

 

Considérant de principe :

« 3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir cité les dispositions de l'article 35 du code des marchés publics qui donnent une définition de l'offre irrégulière puis celles de l'article 53 du même code qui prévoient qu'une offre irrégulière est éliminée, la cour s'est fondée sur les dispositions de l'article 6.1 et 6.2 du règlement de consultation pour retenir que l'offre de la société Ehol, attributaire du marché en litige, présentait un caractère incomplet et aurait donc dû être éliminée, au motif que le dossier déposé avant la date limite de remise des offres ne comportait pas l'agrément préfectoral pour le traitement des déchets d'emballage non ménagers, cette pièce ayant été produite postérieurement à cette date limite, à la demande du pouvoir adjudicateur. Toutefois, cette pièce était citée dans l'article 6.2 du règlement de consultation comme devant être mentionnée dans le " mémoire de justificatif ", mais n'apparaissait pas parmi la liste des pièces expressément citées à l'article 6.1 de ce règlement comme devant être obligatoirement jointes à l'offre. Ainsi en demandant à la société Ehol, qui avait mentionné cet agrément dans son " mémoire de justificatif ", de produire ce document postérieurement à la date limite de remise des offres, le pouvoir adjudicateur s'est borné à faire application des dispositions du règlement de consultation, sans permettre à la société Ehol de régulariser une offre incomplète ni de modifier la teneur de celle-ci et sans favoriser cette société au détriment de l'autre candidat. Par suite, le SMIDDEV est fondé à soutenir que la cour a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de qualification juridique en estimant que l'offre de la société Ehol présentait un caractère incomplet au regard du règlement de consultation. »

 

Apport de la décision :

Il est de jurisprudence constante qu’un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation (CE, 23 mai 2011, Commune d’Ajaccio, n°339406). Ainsi, les offres incomplètes doivent être éliminées comme étant irrégulières (CE, 12 janvier 2011, Département du Doubs, n°343324).

Le Conseil d’Etat relève, en l’espèce, que l’offre de la société attributaire ne comprenait un agrément préfectoral pourtant requis dans le RC. Toutefois, il n’était pas précis à quel moment cet agrément devait être produit.

Ainsi en demandant au soumissionnaire, qui avait mentionné cet agrément dans son " mémoire de justificatif ", de produire ce document postérieurement à la date limite de remise des offres, le pouvoir adjudicateur s'est borné à faire application des dispositions du règlement de consultation, sans permettre à la société de régulariser une offre incomplète ni de modifier la teneur de celle-ci et sans favoriser cette société au détriment de l'autre candidat. Par suite, le pouvoir adjudicateur est fondé à soutenir que la cour a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de qualification juridique en estimant que l'offre du soumissionnaire présentait un caractère incomplet au regard du règlement de consultation.