"Les nouveaux outils de planification et d’autorisation mis en œuvre par l’État et, désormais, par les collectivités locales sont en effet placés sous le contrôle du juge administratif : c’est notamment le cas du permis de construire (loi du 15 juin 1943) et du permis d’aménager (ordonnance du 8 décembre 2005), mais aussi du plan d’occupation des sols et du schéma directeur (loi du 30 décembre 1967), devenus le plan local d’urbanisme et le schéma de cohérence territoriale (loi du 13 décembre 2000).
Ce contentieux ancien, qui a connu un important développement durant les dernières décennies, se distingue aujourd’hui par certaines particularités procédurales. Elles traduisent, à l’issue des réformes récentes (lois du 9 février 1994, du 4 février 1995, du 13 décembre 2000 et du 13 juillet 2006, décret du 5 janvier 2007, ordonnance du 18 juillet 2013 et décret du 1er octobre 2013), la recherche d’un équilibre entre le droit de construire et le droit au recours contentieux.
Le juge administratif n’est pas le seul juge de l’urbanisme. Il dispose, en la matière, d’une compétence partagée. S’il est compétent pour se prononcer sur la légalité des actes réglementaires et des autorisations individuelles intervenus dans ce domaine, ainsi que sur les actions indemnitaires liées (contentieux administratif de l’urbanisme), il revient au juge pénal de réprimer les infractions aux règles d’urbanisme prévues par le code pénal (contentieux pénal de l’urbanisme) et au juge civil de connaître, en particulier, des actions en démolition (contentieux civil de l’urbanisme).
En dépit de cette compétence partagée, l’urbanisme représente une part importante de l’activité de la juridiction administrative. Certes, le nombre d’actes attaqués demeure faible, de l’ordre de 1 % selon le rapport du groupe de travail présidé par Ph. Pelletier. Toutefois, cette matière représente, avec 6 % des affaires enregistrées en 2014, l’un des principaux domaines d’activité des tribunaux administratifs (rapport public annuel du Conseil d’Etat, 2015).
Surtout, d’importants enjeux économiques et sociaux sont attachés à l’intervention du juge administratif. En effet, comme l’indiquait le rapport du groupe de travail présidé par D. Labetoulle, « de bonne ou de mauvaise foi, les recours [devant le juge administratif] décalent dans le temps la réalisation des projets, voire les compromettent […]. L’activité économique s’en trouve ralentie et la production de logements, notamment, freinée d’autant. Or, la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent a été consacrée comme objectif de valeur constitutionnelle (CC, 19 janvier 1995, Loi relative à la diversité de l’habitat, n° 94-359 DC) ».
Dès lors, le contentieux administratif de l’urbanisme traduit la recherche d’un équilibre entre le développement de la construction et le droit au recours. Placé sous le contrôle du juge constitutionnel (CC, 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction, n° 93-335 DC), cet équilibre s’avère évolutif, ainsi que l’ont montré différents rapports (Section du rapport et des études, L’urbanisme : pour un droit plus efficace, 1992, Philippe Pelletier, Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme, 2005 ; D. Labetoulle Construction et droit au recours, pour un meilleur équilibre, 2013), qui ont conduit à plusieurs évolutions de l’office du juge. Il en résulte aujourd’hui une singularisation croissante de ce contentieux, un« particularisme […] très marqué » (rapport du groupe de travail présidé par D. Labetoulle). Sans nécessairement constituer un « contentieux administratif spécial » (Chr. Debouy, « Vingt ans de réformes depuis la loi Bosson : construction d’un contentieux administratif spécial de l’urbanisme ? », JCP A, n° 29, 21 juillet 2014, 2233), il s’avère néanmoins original sur plusieurs aspects".
Pas de contribution, soyez le premier