Lorsqu’une entreprise envisage le lancement d’un nouveau produit, se pose souvent la question de la protection de la forme de ce produit. 

La forme du produit participe en effet à son identification auprès du public, à sa qualité esthétique, et à l’identification de l’entreprise qui le propose.

Trois formes de protection sont envisageables : le droit des dessins et modèles, le droit des marques et le droit d’auteur.

 

La marque. Protection de 10 ans renouvelable.

Elle est réglementée en France par les articles L711-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, et, en ce qui concerne la marque communautaire, par le règlement 207/2009.

La marque est  un signe relatif à un type de produits sur un territoire donné.

Ce signe doit être en particulier distinctif, c’est-à-dire ne pas porter à confusion, tant sur le plan phonétique, visuel ou conceptuel sur le territoire considéré, avec le signe d’une autre entreprise.

Ce signe distinctif est classiquement un mot ou une succession de mots (marque verbale). Il peut aussi être un dessin et ses nuances de couleur, un logo (marque figurative) un dessin en 3D (marque figurative 3D), ou un son (marque sonore).

Le signe 3D peut donc servir à protéger la forme d’un produit ou de son conditionnement, sauf si la forme en question est nécessaire au fonctionnement du produit : l’exemple classique est celui de la tablette de chocolat : la forme de tablette n’est pas valide, car une tablette sert à la fonction de sectionnage en carreaux ou barres.

 

Ainsi, l’article 711-2 du code de la propriété intellectuelle précise-t-il : 

Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls :

5° Un signe constitué exclusivement par la forme ou une autre caractéristique du produit imposée par la nature même de ce produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou qui confère à ce produit une valeur substantielle ;

 

Le signe dessin 3D doit donc revêtir un aspect décoratif, à moins que le produit lui-même ne trouve sa principale valeur que dans, précisément, son dessin, tel un objet d’art, auquel cas on tombe en principe sous l’exception “qui confère à ce produit sa valeur substantielle”. 

 

Le droit des dessins et modèles (5 ans renouvelable jusqu’à 25 ans).

Il est régit par les articles L511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et le règlement n°6/2002

Le dessin doit être nouveau et présenter un caractère propre. 

Ainsi un design de voiture peut bien ressembler à un autre design de voiture et ne pas être très original, il n’en est pas moins distinct et valide, surtout si la marge de manœuvre, en matière de design, dans le secteur considéré, est plutôt limitée.

L’article L511-8 du code de la propriété intellectuelle précise : 

N’est pas susceptible de protection :

1° L’apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit ;

2° L’apparence d’un produit dont la forme et la dimension exactes doivent être nécessairement reproduites pour qu’il puisse être mécaniquement associé à un autre produit par une mise en contact, un raccordement, un placement à l’intérieur ou à l’extérieur dans des conditions permettant à chacun de ces produits de remplir sa fonction.

Toutefois, un dessin ou modèle qui a pour objet de permettre des assemblages ou connexions multiples à des produits qui sont interchangeables au sein d’un ensemble conçu de façon modulaire peut être protégé.

Le dessin doit donc là encore revêtir un aspect décoratif ; le respect d’une norme ou d’un standard est donc impropre à justifier une protection au titre des dessins et modèles.

Si le produit tire sa principale valeur du dessin ou du modèle, le dessin ou le modèle encourt-il la nullité ? Le dessin ou le modèle est en principe décoratif et accessoire à la fonction principale du produit qui l’incorpore. Il peut néanmoins constituer la principale valeur du produit. Ainsi, un vêtement pourra tirer sa principale valeur du modèle qu’il incorpore, si le modèle est à la mode par exemple.

 

Le droit d’auteur (70 ans après la mort de l’auteur) – 

Régi par les articles L111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,

La Convention de Berne de 1886

Le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur 1996

L’Accord ADPIC de 1995 (Annexe 1 C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, au Maroc, le 15 avril 1994)

Le droit d’auteur s’applique à toute œuvre de l’esprit à condition qu’elle soit originale et propre à traduire la personnalité, la “patte”,  de son auteur. La preuve de cette originalité peut s’avérer très difficile et est susceptible d’être soumise à subjectivité. 

Originalité n’est pas nouveauté, même si la nouveauté militera inévitablement dans le sens de l’originalité…

Dans un arrêt Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 14 avril 2023, 21/09779, Alias SASU c. Recordati Orphan Drugs SAS et Recordati Rare Diseases SARL (Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 23 mars 2021, 19/00228), la cour juge qu’une agence de communication ayant supervisé la conception et divulgué un emballage de médicament peut prétendre à la titularité des droits d’auteur mais ne peut néanmoins agir en contrefaçon faute de pouvoir démontrer une originalité.

Le laboratoire ayant commercialisé le médicament et ayant déposé la forme de l’emballage à titre de marque tridimensionnelle n’a pas commis de faute. L’exploitation d’une marque n’est pas l’exploitation du droit d’auteur ; la commericalisation d’un médiacament sous une marque (activité du laboratoire)  n’est pas l’exploitation d’une  forme d’emballage (activité de l’agence).

L’emballage en litige a été conçu par la société Alias en réponse à une commande de la société Orphan Europe devenue Recordati Orphan Drugs, ce conditionnement devant être utilisé pour commercialiser les produits pharmaceutiques de la société Recordati. Cet emballage n’avait pas vocation à être exploité par la société Alias, aucune volonté de la part de la société Recordati de la priver de l’utilisation du signe pour des produits pharmaceutiques qui n’est pas nécessaire à son activité d’agence de communication et de l’éliminer de son champ d’intervention de conception de packaging n’est donc caractérisée. La société Alias ne dispose par ailleurs d’aucun droit privatif sur cet emballage et ne peut tirer argument du fait que la société Recordati savait qu’elle n’avait pas acquis de droits auprès d’elle sur celui-ci.

 

Protéger la forme d'un produit