La commune de l’Île de Houat a eu les honneurs de donner lieu à non pas une, mais deux décisions du Conseil d’État, en un laps de temps réduit.

En effet, on se souvient que par une décision du 21 juin 2018, mentionnée dans les tables du recueil Lebon, les juges du Palais Royal (10ème et 9ème chambres réunies) avaient jugé, un peu indirectement, que la parcelle cadastrée section AE n° 812 était « situé, au nord de l'île de Houat, en bordure du littoral, dans une zone qui ne constitue pas, eu égard au nombre et à la faible densité d'habitations qui la caractérise, un espace déjà urbanisé, au sens » de l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme.

Toutefois, dans ce cas d’espèce, si le terrain d’assiette du projet était situé dans la bande de cent mètre, la construction projetée, elle, était « implantée en retrait de 4 mètres de la limite nord de cette parcelle, est située à l'extérieur de la bande littorale de cent mètres ».

L’article L. 121-16 n’était donc pas applicable à ce permis de construire, et la qualification d’espace non urbanisé, prenait la forme d’un obiter dictum…  

Quelques mois après, le Conseil d’État a, à nouveau, eu à connaître d’un contentieux similaire.

Il s’agissait cette fois d’une parcelle située à une centaine de mètres de distance, cadastrée section AE n° 1063.

Avant la jurisprudence du 21 juin 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes avait jugé s’agissant de cette parcelle que, : « 10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est destiné à être implanté sur la partie de la parcelle cadastrée section AE n° 1063 classée en zone UB par le plan d'occupation des sols communal ; que ce projet est bordée à l'Ouest par la parcelle sur laquelle se trouve déjà édifiée l'habitation de M. et Mme D...et au sud par une autre parcelle sur laquelle se trouve également déjà édifiée une maison d'habitation appartenant aussi à MmeB..., cette maison étant elle-même bordée de constructions sur chacun de ses côtés ; que le projet se trouve situé dans l'enveloppe bâtie que constitue le centre-bourg de la commune de l'Ile de Houat, étant également voisin, sur son côté Est, du cimetière entourant l'église du centre-bourg, située à une trentaine de mètres ; que le projet considéré doit ainsi être regardé comme situé dans un espace déjà urbanisé ; que, dès lors, le projet litigieux ne méconnaît » l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme (CAA Nantes 29 mai 2017 Mme B… n° 16NT00334)

La question se posait donc de savoir si, à la suite de la décision du 21 juin 2018, l’appréciation de la cour administrative d’appel de Nantes, n’avait pas été remise en cause.

Les juges du fond disposent, en principe, d’une souveraineté quant à l’appréciation des faits.

La seule limite pour eux consiste à ne pas dénaturer les faits (aussi appelée dénaturation des pièces du dossier – CE Assemblée 4 janvier 1952 Simon Rec p. 13), c’est-à-dire à ne pas méconnaître leur sens clair, précis et univoque.

Concrètement, il s’agit pour le Conseil d’État de vérifier que les juges du fond n’ont pas commis une erreur flagrante.

En matière d’appréciation du caractère urbanisé de la bande de cent mètres, le Conseil d’État a confirmé que son contrôle se limiter à la dénaturation des faits (CE 12 mai 1997 Société Coprotour n° 151359).

En l’espèce, selon le Conseil d’État, en estimant que la parcelle cadastrée section AE n° 1063 était située dans un espace urbanisé de la bande de cent mètre, la Cour n’a pas dénaturé les pièces du dossier.

En effet, il ressort de la décision commentée que « la cour a relevé que le projet litigieux, classé en zone UB par le plan d'occupation des sols de la commune, est bordé à l'ouest par la parcelle sur laquelle se trouve déjà édifiée l'habitation de M. et MmeC..., et au sud par une parcelle sur laquelle est également édifiée une maison d'habitation appartenant à MmeB..., cette maison étant elle-même bordée de constructions sur chacun de ses côtés, et que le projet se trouve situé dans l'enveloppe bâtie que constitue le centre-bourg de la commune de l'île de Houat, étant également voisin, sur son côté est, du cimetière entourant l'église du centre-bourg, située à une trentaine de mètres. En jugeant que le projet litigieux devait ainsi être regardé comme situé dans un espace déjà urbanisé au sens de ces dispositions, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ».

Ainsi, comme permet de le constater la comparaison de ces deux jurisprudences, l’appréciation de l’échelle du secteur dans lequel s’intègrent deux terrains, même situés à proximité l’un de l’autre, peut conduire à des qualifications juridiques totalement différentes.