Tribunal administratif de Rennes, 1ère Chambre, 6 décembre 2024, 2202127

Les juges administratifs viennent de rajouter la commune de GUIDEL dans le Morbihan à la longue liste des collectivités bretonnes condamnées à verser des dommages et intérêts du fait de la mauvaise application de la loi Littoral (V. pour un autre exemple Loi Littoral et indemnisation à Plestin-les-Grèves). 

Les faits à l’origine de cette jurisprudence sont assez classiques. 

A la suite de l’obtention d’un certificat d’urbanisme opérationnel positif, des particuliers ont acheté en 2009 un terrain à bâtir sur la commune de Guidel. 

Malheureusement, lorsque ces derniers ont tenté d’édifier une construction sur le terrain ils ont essuyé un refus de permis de construire. 

Après avoir tenté, en vain, d’obtenir l’annulation de ce refus, ces particuliers se sont tournés vers le juge du plein contentieux en déposant un recours indemnitaire contre la commune. 

C’est le jugement ici commenté. 

1.

S’agissant de la faute de la commune, la jurisprudence en la matière est bien connue et ne fait plus débat. 

En effet, les juges estiment que le certificat d’urbanisme de 2009 était illégal, dès lors qu’il méconnaissait l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme compte-tenu du fait que la parcelle en question est située dans une zone d’urbanisation diffuse inconstructible. 

2.

S’agissant du lien de causalité, les juges relèvent que les intéressés n’ont acquis le terrain en cause qu’en raison de la garantie qu’ils avaient qu’il était constructible compte-tenu du certificat d’urbanisme.

A ce titre, la fait que dans ce certificat d’urbanisme les caractéristiques exactes de la construction n’était pas connue est sans influence sur la responsabilité de le commune. 

Il en va de même du délai entre l’acquisition et la demande de permis de construire. En effet, en l’absence d’élément faisant douter quant à l’évolution des règles d’urbanisme, les particuliers ne commettent aucune faute à attendre avant de réaliser leur projet de construction. 

3.

Une fois la responsabilité de la commune reconnue, il restait au tribunal à se prononcer sur la question des préjudices indemnisables. 

Ce jugement est là aussi très classique. 

En premier lieu, le préjudice de perte de valeur vénale est retenue par les juges en faisant application du barème des terres agricoles pour évaluer la valeur du terrain en tant que terre inconstructible : « Il résulte en revanche de l'arrêté du ministre de l'agriculture du 8 octobre 2021 portant fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2020 que la valeur vénale moyenne maximales des terres agricoles pour le littoral sud de Bretagne s'élevait, en 2020, année durant laquelle l'inconstructibilité des terrains litigieux a été établie, à un montant de 10 550 euros par hectares. La valeur des parcelles en cause, dont les surfaces respectives sont de 1 973 et 1 913 mètres carrés peut ainsi être estimée à 4 099,73 euros. La perte de valeur vénale, correspondant à la différence entre la somme d'acquisition, s'élevant à 200 000 euros, et la valeur de 4 099,73 euros ainsi estimée des parcelles, s'établit à un montant de 195 900,27 euros ». 

L’application du barème des terres agricoles n’est pas nouveau et on trouve d’autres jurisprudences en ce sens (V. pour un autre exemple Terrain inconstructible et loi Littoral – condamnation de Guissény à verser plus de 145 000 euros). 

En deuxième lieu, les droits de mutation, aussi appelés « frais de notaire », donnent également lieu à une indemnisation : « les droits de mutation exposés par les requérants pour l'acquisition des parcelles litigieuses s'élèvent à une somme de 10 180 euros. Il sera fait une juste appréciation des sommes qui auraient été exposées au titre de ces droits de mutation pour un terrain d'une valeur de 4 099,73 euros en retenant la somme de 900 euros. La commune de Guidel doit dès lors être condamnée à verser la somme de 9 280 euros, correspondant à la différence entre cette dernière somme et le montant effectivement versé par les requérants au titre des droits de mutation. »

En troisième lieu, les frais d’architecte et d’avocat dépensés donnent également lieu à remboursement. 

En dernier lieu, le tribunal a refusé de faire droit aux demandes de remboursement des taxes foncières et de surcroît d’impôt sur le fortune au motif que ces préjudices n’étaient pas justifiés. 

Au final, la commune de GUIDEL est condamnée à verser la somme globale de 227.270,27 euros