1.

Par arrêté du 13 février 2015 le maire de Biarritz a refusé de délivrer à un particulier, un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de onze lots dont cinq constructibles.

L’intéressé a déposé un recours pour excès de pouvoir contre ce refus devant le tribunal administratif de Pau.

Son recours a été rejeté par jugement du 19 septembre 2017.

Ce particulier a alors fait appel de ce jugement.

Il a été bien inspiré, puisque la cour administrative d’appel de Bordeaux lui a donné raison dans la décision ici commentée.

2.

M. le Maire de Biarritz s’était principalement fondé, pour refuser de faire droit à la demande de permis d’aménager sur l'article N 9 du règlement du plan local d'urbanisme qui dispose que « L'emprise au sol des constructions. (...) en secteur Nh, la construction doit se présenter sous la forme d'une seule emprise bâtie pour le bâtiment principal et d'une emprise éventuelle pour une annexe (...) ». D’après l’édile le respect de cette règle devait s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'origine.

Or, selon la Cour de Bordeaux : « l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, le règlement d'un plan local d'urbanisme, a pour objet de fixer les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés, dans sa rédaction applicable au litige, à l'article L. 121-1, lesquelles peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones à urbaniser ou à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. Il ne ressort, en revanche, ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition législative que les auteurs du règlement d'un plan local d'urbanisme aient compétence pour interdire par principe aux propriétaires de procéder à la division d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments, faculté qui participe de l'exercice de leur droit à disposer de leurs biens, dont il appartient au seul législateur de fixer les limites » (V. pour ce principe CE Section 27 juillet 2012 n° 342908, Publié au recueil Lebon sur ce point).

Par suite, eu égard à ce principe le motif évoqué par M. le Maire de Biarritz était entaché d'erreur de droit dès lors qu'il revient à interdire par principe toute division foncière d'un terrain.

Les juges d’appel de Bordeaux ont donc jugé que l’intéressé était fondé à soutenir que le respect de la règle édictée à l'article N 9 du plan s'apprécie non pas à l'échelle de l'unité foncière d'origine mais au niveau des unités foncières résultant de la future division. A cet égard, il est constant que l'opération projetée ne prévoit pas plus d'un bâtiment principal par lot et, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a jugé que les dispositions de l'article N 9 du plan local d'urbanisme permettaient de fonder le refus en litige.

3.

La commune de Biarritz avait alors demandé une substitution de motifs.

D’après cette commune, le projet méconnaissait l’obligation d’extension de l’urbanisation en continuité avec un village ou un agglomération prévue par l’article L. 146-4 I du Code de l’urbanisme (aujourd’hui L. 121-8 de ce Code).

Comme le rappelle les juges bordelais « il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ».

Selon la Cour administrative d’appel de Bordeaux, « il ressort des pièces du dossier qu'à proximité du terrain du requérant se trouvent plusieurs parcelles bâties elles-mêmes contiguës à l'agglomération. Avec les parcelles qui lui sont immédiatement contiguës, le terrain d'assiette du projet forme, eu égard à la disposition de l'urbanisation alentour, une « dent creuse » dans cette partie de la commune. Dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 146-4 précitées du code de l'urbanisme, selon lesquelles l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations existantes, ne peuvent non plus s'opposer à la demande du requérant. Par suite, la substitution de motifs sollicitée par la commune de Biarritz ne peut être accueillie ».

Ainsi qu’il est possible de le constater, la Cour de Bordeaux est venue qualifier expressément cette parcelle de « dent creuse ».

Il est possible de voir dans l’utilisation d’une telle expression une référence à l’article 42 de la loi du 23 Novembre 2018 dite loi ELAN, qui a modifié l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme pour permettre, dans les secteurs déjà urbanisés, les constructions nouvelles dans le périmètre du bâti.

L’objectif du législateur était alors le comblement de « dents creuses » (V. par exemple pour l’utilisation de cette formulation Réponse du Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales à la question écrite n° 09023 de M. Michel Vaspart, JO Sénat du 22/08/2019 p. 4341).

L’utilisation de cette même expression par la Cour de Bordeaux, pour être interprétée comme étant un indice sur l’appréciation par cette juridiction de cette notion de « dent creuse ».