Cette période d’augmentation forte, voire très forte, des coûts de la construction, que ce soit à travers l’indice BT 01 ou encore l’indice du coût de la construction (ICC), est l’occasion de revenir sur une action en responsabilité trop peu mise en œuvre en matière d’urbanisme.

Il est fréquent, face à un refus de permis de construire, de préférer éviter le dépôt d’un recours contentieux en annulation et à la place, de déposer une nouvelle demande de permis modifié pour tenir compte des motifs de refus.

En effet, la durée d’un recours contentieux est bien souvent incompatible avec un projet de construction, sauf à être capable de mettre son projet entre parenthèse pendant plusieurs années.

Les collectivités territoriales sont bien conscientes de cette situation.

En dehors de l’action en référé, la seule solution est alors de déposer un recours indemnitaire contre la collectivité en cause, une fois la construction réalisée en vertu du second permis de construire obtenu.

Il est tout d’abord nécessaire de démontrer l’existence d’une faute.

Selon la jurisprudence administrative « toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain » (CE 30 janvier 2013 M. Imbert n° 339918, publié au recueil). 

En application de cette jurisprudence, il convient donc de démontrer que le refus de permis de construire opposé initialement était illégal, pour justifier d’une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité en cause : « Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué qu'en refusant de délivrer à la société Les Trois Coteaux le permis de construire qu'elle sollicitait, le maire de Longueville a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (…) » (CE 15 avril 2016 Commune de Longueville n° 371274, inédit).

Une fois la faute démontrée, il est nécessaire de justifier d’un lien de causalité entre celle-ci et les préjudices invoqués.

L’existence d’un préjudice moral est alors très fréquemment retenue par les juridictions administratives. Le montant de l’indemnité est cependant très souvent dérisoire, et avoisine généralement les 1.500 euros.

Pour la reste la jurisprudence administrative est en la matière assez stricte refusant par exemple l’indemnisation de « la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison du refus illégal opposé » à une demande de lotissement dès lors qu’elle « revêt un caractère éventuel » (CE 12 juillet 2017 SARL Negocimmo n° 394941, mentionné dans les tables du recueil Lebon sur ce point).

Il existe toutefois un courant jurisprudentiel intéressant qui permet de demander la condamnation de la collectivité en cause à supporter l’augmentation des coûts de construction.

Ainsi par exemple, lorsqu’en raison d’un refus initial de permis de construire illégal, un projet de construction a été retardé, le coût de la construction en question aura très certainement augmenté entre-temps.

Il apparaît alors possible de demander que cette augmentation soit supportée par la collectivité en cause.

A ce titre, la cour administrative d’appel de Nantes a eu l’occasion de juger que : « Considérant, en deuxième lieu, que si la hausse du coût d'une construction subie en raison du retard avec lequel les travaux projetés ont finalement pu être entrepris constitue un dommage pour le pétitionnaire s'étant vu illégalement refuser la délivrance de l'autorisation de construire qu'il sollicitait et qu'il a ensuite obtenue, un tel préjudice ne peut toutefois être indemnisé que s'il présente le caractère d'un dommage direct et certain résultant de ce retard ; que ce préjudice ne peut être correctement évalué qu'à partir du moment où il est possible de constater une telle hausse, à savoir à la date à laquelle l'autorisation de construire a finalement été obtenue et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le bénéficiaire de cette autorisation n'ait pas immédiatement fait exécuter les travaux correspondants ; que le préjudice invoqué par M. A...du fait de l'augmentation du coût de la construction projetée doit ainsi être regardé comme né de son impossibilité de procéder aux travaux projetés entre le 23 octobre 1995, date du refus illégalement opposé à M. A..., et le 20 novembre 2002, date à laquelle l'autorisation sollicitée lui a finalement été délivrée ; que ce préjudice apparaît certain dès lors que la valeur de l'indice BT 01, correspondant à l'indice national du bâtiment et de la construction, tous corps d'état, est passé de 529,8 en octobre 1995 à 619,6 en novembre 2002, soit une augmentation de 16,95 % ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé qu'il y avait lieu de condamner la commune à réparer le préjudice subi par M. A...du fait du retard dans l'exécution des travaux de son projet immobilier ; » (CAA Nantes 17 juin 2016 Commune de Treize Vents n° 14NT02198, Inédit).

Dans cette jurisprudence, la collectivité en cause a été condamnée à verser une indemnisation de plus de 12.500 euros au titre de l’augmentation du coût de construction en tenant compte de la progression de l’indice BT 01.

Comme il est possible de le constater, cette action indemnitaire peut être mise en œuvre peu importe le type de travaux en cause, construction nouvelle, extension ou réhabilitation d’une construction existante, construction d’une piscine…

Compte-tenu de l’augmentation très rapide des coûts de la construction, une telle action apparaît bien souvent très intéressante financièrement, même lorsque le retard n’est que de quelques mois.

Ainsi par exemple, entre janvier 2021 et juin 2021, l’indice BT 01 a augmenté de 2,7 %. Appliqué sur une maison facturée 250.000 euros, le préjudice d’augmentation du coût de la construction est alors d’environ 6.573 euros.

Enfin, d’autres préjudices peuvent être invoqués, comme par exemple les frais de crédit supplémentaire lié à cette augmentation du coût de la construction ou encore l’obligation d’avoir à respecter de nouvelles normes de construction comme par exemple la RE 2020.