En 1970, le Conseil international de la langue française définissait l’environnement comme « l’ensemble des agents physiques, chimiques et biologiques et des facteurs sociaux susceptibles d’avoir un effet direct ou indirect, immédiat ou à terme sur les êtres vivants et les activités humaines ». Aujourd’hui, l’environnement est défini dans le Larousse comme un « ensemble des éléments objectifs (qualité de l’air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d’un paysage, qualité d’un site, etc.) constituant le cadre de vie d’un individu ».
Pour préserver l’environnement, le code de justice administrative prévoit deux procédures de référé qu’il est possible de qualifier de « classiques » (I), et deux procédures de référé spécialement applicables en matière environnementale (II).
I.Les référés administratifs « classiques »
De manière classique, le code de justice administrative prévoit la possibilité de saisir le juge administratif d’un référé-suspension (prévu par l’article L. 521-1) et d’un référé-liberté (prévu par l’article L. 521-2).
D’une part, le référé-suspension vise à obtenir du juge administratif la suspension des effets d’une décision administrative. La recevabilité d’une telle procédure est subordonnée à trois conditions :
- le référé-suspension doit être assorti d’un recours au fond contre la décision attaquée (à savoir un recours en annulation dit « recours pour excès de pouvoir »);
- doit être prouvé le caractère d’urgence à obtenir la suspension de la décision ;
- et doit exister un doute sérieux quant à la légalité de la décision (vices de légalité interne et/ou externe de l’acte).
En matière environnementale et de manière récente, par deux ordonnances en date du 16 février 2024, le Conseil d’État a apporté des précisions sur la caractérisation de la condition d’urgence.
Ainsi, dans sa première décision, la haute juridiction administrative a considéré que « les risques et nuisances susceptibles de résulter des travaux de construction autorisés par le permis de construire sont sans incidence sur l’appréciation de l’urgence à suspendre l’exécution de l’arrêté contesté » (CE, 16 février 2024, Société Solucane, n°479822, 480616).
Par une seconde décision il a considéré « qu'il appartient au juge des référés, dans cette hypothèse, de se livrer à une appréciation objective, globale et concrète de la situation d'urgence, tenant compte notamment de l'urgence à exécuter la décision litigieuse au regard des intérêts publics invoqués en défense » (CE, 16 février 2024, SA Les Mines de Potasse d’Alsace, n°489591, 489601).
Il en résulte que les considérations liées au commencement de travaux, lesquels porteraient atteinte à l’environnement, sont sans incidence sur l’appréciation du caractère urgent, et que le juge doit se livrer à une appréciation objective, globale et concrète de la situation d’urgence.
D’autre part, le référé-liberté, quant à lui, vise à obtenir du juge administratif toute mesure provisoire en vue de faire cesser l’atteinte à une liberté fondamentale (reconnue comme telle par le juge au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative). De ce fait, le juge administratif ne pourra pas prononcer l’annulation d’une décision administrative (CE, réf., 24 janv. 2001, Université de Paris VIII Vincennes Saint-Denis, n° 229501).
Contrairement au référé-suspension, la recevabilité du référé-liberté n’est pas subordonnée à l’introduction d’un recours au fond. Deux conditions doivent toutefois être remplies :
- le caractère d’urgence ;
- l’atteinte manifestement grave et immédiate à une liberté considérée comme fondamentale par le juge administratif au sens du référé-liberté ;
La condition d’urgence s’apprécie au regard de la nécessité pour le juge de statuer dans un délai de quarante-huit heures.
En ce qui concerne la deuxième condition, par une décision du 20 septembre 2022 le Conseil d’État a considéré que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CE, 20 septembre 2022, n°451129).
Si les conditions de recevabilité du référé-suspension et du référé-liberté semblent restreindre le prétoire aux justiciables, ces procédures présentent néanmoins l’avantage de s’appliquer à toutes décisions administratives considérées comme portant atteinte à l’environnement.
II.Les référés spéciaux en matière environnementale
Trois procédures spécifiques en matière environnementales ont été codifiées dans le code de l’environnement et dans le code de justice administrative : le référé-étude d’impact (article L. 122-2 du code de l’environnement), le référé-enquête publique (article L. 123-16 du code de l’environnement) et le référé-évaluation environnementale (article L. 122-12 du code de l’environnement).
Le référé-étude d’impact vise à obtenir du juge administratif la suspension d’une autorisation ou d’une décision d’approbation d’un projet d’aménagement entrepris sans étude d’impact, conformément à l’article L. 122-1 du code de l’environnement (article L. 122-2 code de l’environnement).
Cette procédure a été codifiée à l’article L. 554-11 du code de justice administrative, et renvoie à l’article L. 123-16 du code de l’environnement. Ce dernier subordonne la recevabilité du référé-étude d’impact à l’existence d’un « moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité » de l’acte attaqué.
Dès lors, le référé-étude d’impact est soumis à trois conditions :
- l’acte attaqué doit porter sur un projet d’aménagement ;
- l’autorisation ou la décision autorisant un projet d’aménagement doit avoir été prise sans étude d’impact, ou sans qu’elle ait été mise à disposition du public, ou prise malgré les conclusions défavorables de l’étude d’impact ;
- existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué.
Contrairement aux précédentes procédures, le référé-étude d’impact n’est soumise à aucune condition d’urgence, celle-ci étant présumée (CE, 17 avril 2023, n°468789).
Le référé-enquête publique vise à obtenir du juge administratif la suspension d’une décision d’aménagement prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête (article L. 123-16 du code de l’environnement).
Cette procédure a été codifiée à l’article L. 554-12 du code de justice administrative et est soumise à trois conditions :
- l’acte attaqué doit porter sur un projet d’aménagement ;
- la décision d’aménagement doit avoir été prise en dépit des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ;
- existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué.
Récemment, par une décision du 27 décembre 2024, le Conseil d’État a précisé sa grille d’analyse des conditions de recevabilité du référé-enquête publique en considérant dans un premier temps que cette procédure n’avait pas vocation à s’étendre à toute décision faisant l’objet d’une enquête publique mais seulement aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement conformément à l’article L. 123-2 du code de l’environnement.
Dans un second temps, il a énoncé que sont dispensées d’une condition d’urgence les opérations entrant strictement dans ce cadre. Le cas échéant, la condition d’urgence doit être rapportée au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CE, 27 décembre 2024, n°489079).
Enfin, le référé-évaluation environnementale vise à obtenir du juge administratif la suspension d’une décision d’approbation d’un plan, schéma, programme ou autre document de planification adopté en l’absence d’évaluation environnementale (article L. 122-12 du code de l’environnement).
Par une décision du 19 juin 2015, le Conseil d’État a étendu cette procédure à toute décision de modification de ces schémas même s’ils représentent un caractère mineur et sont dispensées d’une nouvelle évaluation environnementale ou son actualisation après un examen au cas par cas de l’autorité administrative compétente (CE, 19 juin 2015, n°386291).
Il suffira donc de rapporter la preuve de l’absence d’évaluation environnementale alors que celle-ci était obligatoire ou, lorsqu’au cas par cas, l’autorité administrative n’a pas procédé à une telle évaluation alors qu’elle était nécessaire pour prendre la décision d’approbation ou de modification d’un plan, schéma, programme ou document de planification.
Eu égard à la spécificité des référé-étude d’impact, référé-étude publique et référé-évaluation environnementale ces derniers ne sauraient s’appliquer à toutes décisions administratives considérées comme portant atteinte à l’environnement. Une attention particulière devra être portée à leurs conditions de recevabilité qui, selon les référés, restent plus souples qu’un référé suspension « classique » en ce qu’elles présument l’urgence et/ou, selon les hypothèses, le doute sérieux quant à la légalité.

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