Le contentieux des pertes d’exploitation dans les suites de la présente crise sanitaire fait actuellement rage devant les Tribunaux de Commerce où deux types de contrat AXA cristallisent les débats dans les prétoires.

Le premier type de contrat d’assurance concerne le secteur d’activité de la restauration alors que le second est relatif au secteur de l’hôtellerie-restauration.


Dans le premier cas, certaines juridictions ont déjà été amenées à statuer relativement à l’indemnisation des restaurateurs suite aux pertes d'exploitation subies pour cause de fermeture administrative en cas d’épidémie.

Les Tribunaux de Commerce de Paris, Marseille, Rennes, Annecy ou encore Tarascon ont notamment condamné la compagnie AXA à mobiliser sa garantie perte d’exploitation en invalidant la clause d’exclusion contenue dans le contrat d’assurance, alors que certaines autres juridictions (Toulouse, Bourg-en-Bresse, Bordeaux, Lyon) se sont pour leur part prononcées en faveur de la compagnie d’assurance.

Les premières décisions de cours d’appel devront ainsi être scrutées avec une attention toute particulière.


A l’inverse, dans le second cas relatif au secteur d’activité de l’hôtellerie-restauration (établissements comportant une activité d’hôtellerie en plus de celle de la restauration), aucune juridiction n’avait statué au fond sur la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation avant la présente décision.

Cette dernière est donc inédite et demeurait particulièrement attendue par les hôteliers-restaurateurs.

En l’espèce, notre Cabinet est intervenu pour la défense des intérêts d’un hôtel-restaurant situé dans la station de ski des GETS en Haute-Savoie.

Cet établissement entendait contester le refus opposé par la compagnie AXA suite à sa déclaration de sinistre.

Dans cette affaire, la documentation contractuelle AXA se composait classiquement des conditions générales, des conditions particulières, et d’une annexe intitulée « Hôtels & Hôtels Restaurants » applicable à tous les hôteliers restaurateurs. 

Cette annexe « Hôtels & Hôtels Restaurants » comprenait une extension de garantie au titre des pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie, rédigée de la façon suivante : 

« La garantie PERTE D’EXPLOITATION est étendue au cas d’interruption ou de réduction temporaire de votre activité professionnelle en cas de fermeture provisoire (3 mois maximum) totale ou partielle de l’établissement par décision administrative à la suite d’une maladie contagieuse, de meurtre, de suicide, d’épidémie ou d’intoxication. 

En aucun cas il ne peut s’agir d’une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national ».

Au visa de ce second alinéa, l’assureur objectait que sa garantie était exclue en prétendant que l’extension de garantie souscrite ne couvrait que le seul risque de fermeture administrative individuelle, et non celui d’une fermeture administrative collective consécutive à une épidémie.

Le litige a été porté devant le Tribunal de Commerce d’Annecy et notre Cabinet a logiquement soulevé l’irrégularité dudit alinéa, lequel devant nécessairement être qualifié de clause d’exclusion.

Cette qualification emporte diverses conséquences juridiques, et impose entre autre à l’assureur un formalisme particulier dans la rédaction de ses clauses.

C’est particulièrement ce formalisme qui n’a pas été respecté en l’espèce par la compagnie AXA (présentation en caractère « très apparents », caractère formel et limité de l’exclusion).

Par cette décision inédite en date du 22 décembre 2020, le Tribunal de Commerce d’Annecy a fait droit à notre argumentaire et a ainsi condamné la compagnie AXA a payer une provision de 60.000 euros à la SARL B dans l’attente du chiffrage définitif de ses pertes d’exploitation qui interviendra par le truchement d’une expertise judiciaire.

Plus précisément, le Tribunal de Commerce d’Annecy a tout d’abord qualifié la clause « En aucun cas (…) » de clause d’exclusion et a débouté la compagnie AXA de son argumentaire tendant à faire qualifier cette clause de « condition de garantie ».

Tirant les conséquences de cette qualification juridique, le Tribunal a ensuite prononcé la nullité de ladite clause, faute pour elle de satisfaire aux prescriptions de l’article L112-4 du Code des assurances (présentation en caractères très apparents).

La motivation du Tribunal est la suivante :

« Alors que la SARL B considère que le deuxième alinéa est une clause d’exclusion, AXA indique que cet alinéa ne fait que participer à la définition du risque et des conditions à satisfaire pour que la garantie puisse être mise en oeuvre. Si les textes et la jurisprudence sont nombreux et précis sur la forme et le contenu des clauses d’exclusion de garantie, les parties au litige n’ont pas produit aux débats de textes ou jurisprudence définissant de façon positive ce qu’est une clause d’extension.

Il convient donc pour le juge de distinguer si cet alinéa (« En aucun cas il ne peut s’agir d’une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national » ) écarte certains événements ou dommages de la garantie (clause d’exclusion) ou précise simplement les conditions à satisfaire pour que la garantie soit due. A l’examen de ces deux alinéas le juge constatera en premier lieu que le bon usage de la langue française veut que la condition s’écrive en préalable et l’exclusion après la proposition principale et que telle est la rédaction faite par AXA, en second lieu qu’aucune difficulté de rédaction n’empêchait AXA, si elle avait l’intention comme elle le prétend, de limiter la garantie à la fermeture administrative du seul établissement assuré, d’introduire cette limitation dès le premier alinéa par une formulation du type « en cas de fermeture provisoire (3 mois maximum) totale ou partielle de votre seul établissement par décision administrative ».

Constatant qu’AXA a choisi de formuler l’extension de garantie en deux temps par un premier alinéa qui ne comporte aucune limite spatiale ou temporelle à la « fermeture administrative », puis dans un deuxième alinéa d’écarter de la garantie les cas de « fermeture collective » et s’il le fallait en s’appuyant sur l’article 1190 du Code civil (Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé), le juge dira que le second alinéa de l’extension de garantie ne peut s’interpréter que comme une clause d’exclusion. Le juge est encore plus conforté dans sa décision par le courrier de l’agent général d’AXA du 28/05/2020 (pièce 8 de la SARL B) qui fait explicitement référence à l’annexe « HOTELS RESTAURANTS » et précise au quatrième alinéa « Toutefois sont exclues de la garantie… ». L’argumentation d’AXA quant à l’erreur matérielle contenue dans ce courrier ne saurait être retenue sachant qu’AXA, qui ne pouvait manquer de réaliser l’importance des termes de ses contrats et courriers compte tenu du nombre de litiges déjà portés devant les tribunaux, avait tout loisir d’envoyer un courrier correctif avant l’assignation de la SARL B ce qu’elle n’a pas fait.

Le juge dira donc que le deuxième alinéa de cette extension est une clause d’exclusion, il constatera que la typographie de cette clause est identique à celle de la clause d’extension, donc qu’elle ne satisfait pas aux prescriptions de l’article L112-4 du Code des assurances et en conséquence la déclarera nulle.

Sans même avoir à s’attarder sur le caractère non formel et imprécis de la clause ou sur le fait qu’elle vide la garantie principale de sa substance ou la rend dérisoire, le juge dira que la garantie « perte d’exploitation suite à fermeture administrative » précisée dans l’annexe « Hôtels & Hôtels Restaurants » est due. »

Cette décision doit être saluée.

Elle est particulièrement intéressante puisqu’elle concerne potentiellement tous les hôteliers-restaurateurs assurés par la compagnie AXA, soit quelques milliers de contrats sur le territoire national.

Ainsi, au vu de l’ampleur du contentieux à venir, l’on comprend mieux pourquoi la compagnie AXA impose actuellement à tous ses assurés la régularisation d’un avenant sous peine de résiliation de leur police d’assurance, quitte à perdre de nombreux clients au profit de la concurrence…

Notre Cabinet vous conseille, vous assiste et vous accompagne concernant vos litiges portant sur les contrats d’assurance.

 

Reférence de la décision: T. com. Annecy, 22 déc. 2020, n° 2020R66.

Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/TCOM/Annecy/2020/U5A25DF6576FD90EC4F66