Lors de son assemblée générale des 14 et 15 juin 2013, le Conseil national des barreaux a adopté une motion en réaction au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (Projet de loi AN n° 1011 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/lutte_fraude_fiscale.asp), dont l'examen en procédure accélérée débute le 19 juin.

Selon le CNB et la Conférence des bâtonniers, ses dispositions porteraient " une atteinte grave aux libertés publiques, individuelles et collectives. Elles ne sauraient non plus permettre une généralisation de la délation dans l'entreprise ".

Sont notamment pointées les dispositions relatives :

- aux " lanceurs d'alerte " ayant " témoigné sur des faits constitutifs d'une infraction pénale dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions " ou les ayant " relatés ", cette disposition valant pour toute infraction pénale, sans distinction ;

- à la fraude fiscale : les enquêteurs disposeraient de nouveaux pouvoirs d'investigation : le texte propose d'élargir le champ de la procédure d'enquête fiscale aux fraudes fiscales résultant de l'utilisation " de comptes bancaires ouverts ou de contrats souscrits à l'étranger ou de l'interposition d'entités établies à l'étranger (paradis fiscal ou non) ". Cet article octroie aux enquêteurs, pour les cas de fraude fiscale aggravée, le bénéfice des " techniques spéciales d'enquêtes " (surveillance, infiltration, garde à vue de quatre jours, interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l'enquête, sonorisations et fixations d'images de certains lieux et véhicules, captations des données informatiques et saisies conservatoires, à l'exclusion des perquisitions de nuit). L' article 1741 du Code général des impôts serait modifié afin que soit considérée comme circonstance aggravante le fait que la fraude ait été commise en bande organisée, " incluant dans le champ de la prévention les conseils et intermédiaires " précise le CNB pour qui la détention de comptes bancaires ou de contrats souscrits à l'étranger (paradis fiscaux ou non) deviendrait " un indice de fraude ", suffisant à justifier l'octroi aux enquêteurs fiscaux des pouvoirs " exorbitants " ;

- à la possibilité pour l'administration fiscale, sauf le cas de visites domiciliaires, de recourir à tout mode de preuve, y compris illicites.

En outre, en cas de recours contre une décision de saisie de la propriété d'une personne non mise en cause dans la procédure pénale, il ne serait plus possible d'accéder à l'entier dossier pénal mais uniquement aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée.

Le CNB souligne, par ailleurs, qu'un amendement en cours d'élaboration vise à " obliger les avocats à déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des schémas fiscaux qu'ils élaborent pour leurs clients. Ces schémas d'optimisation seraient ainsi présumés, sauf accord de l'administration, comme des tentatives de fraude ". Pour le CNB " cette atteinte au secret professionnel et à l'exercice de la profession d'avocat est inacceptable (...) La présomption de responsabilité pénale d'un contribuable et de ses conseils, sous le prétexte que des avoirs ou intérêts seraient détenus à l'étranger, est intolérable ".

Le CNB demande solennellement au Gouvernement et au législateur de retirer le projet de loi.

(AN, proj. loi n° 1011 CNB, 17 Juin 2013, motion)