Dans son édition du 11 décembre 2014 l’hebdomadaire L'Obs, a écrit dans l'article intitulé “Le magot caché de Mme Le P.”, portant sur l'enquête judiciaire relative au financement de la campagne du Front national pour les élections législatives de 2012, : “pour les seules législatives de 2012, le détournement pourrait dépasser 6 000 000 d'euros” ; “la justice se demande si la présidente du Front national n'est pas la bénéficiaire d'un système conçu pour détourner de l'argent public”

             Mme Le P. a fait citer devant le tribunal correctionnel Mme V., directrice de la publication du journal, du chef de diffamation publique envers un particulier, faisant valoir que l’article lui impute clairement d’être personnellement la bénéficiaire d’un détournement d’argent public de 6 000 000 d'euros.

            Les juges du premier degré, après avoir retenu le caractère diffamatoire des propos comme imputant à la partie civile d’avoir été bénéficiaire personnellement d’un système de détournement d’argent public, sont entrés en voie de condamnation contre Mme V.

            Celle-ci a relevé appel de la décision .La Cour d’Appel de Paris a infirmé le jugement, renvoyer la prévenue des fins de la poursuite et débouter la partie civile de ses demandes, ,  en relevant que  selon les termes mêmes de la citation, la diffamation dont Mme Le P. s’estime victime réside non pas dans l’imputation d’avoir pu tirer profit, en tant que présidente du Front national, d’un financement frauduleux de ce parti, mais dans celle d’avoir bénéficié personnellement des fonds détournés ; que le système de détournement évoqué dans l’article litigieux concerne le financement dudit parti, et non un mode d'enrichissement personnel ; que la partie civile n’est pas fondée à agir en diffamation en prétendant qu’il lui serait imputé d’avoir bénéficié d’un tel enrichissement ;

            La Cour de Cassation censure la Cour d’appel de Paris, au visa de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en affirmant que :

                        - En matière de presse, la citation directe délivrée à la requête de la partie lésée ne fixe irrévocablement les termes de la poursuite qu’en ce qu’elle précise les propos incriminés, les qualifie et indique le texte de la loi sur la liberté de la presse applicable

                         - « .. les juges ne sont pas tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite ,et qu’il leur appartient de rechercher, en relevant toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques auxdits propos que comporte l'écrit qui les renferme, si ceux-ci contiennent l’imputation ou l’allégation d’un autre fait contraire à l’honneur ou la considération de la partie civile que celui suggéré dans la citation, de sorte qu’il leur revenait en l’espèce d’examiner si les propos poursuivis par Mme Le P. ne renfermaient pas l’insinuation que celle-ci aurait tiré profit, en sa qualité de présidente du Front national, des agissements frauduleux imputés à ce parti politique, voire aurait eu une part de responsabilité dans ces faits,.. » (Cass.Crim.11 Décembre 2018.N°17-84.899.)