Par l’ arrêt, l’Assemblée plénière, ci-dessous développé, la Cour de Cassation,  sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant des dispositions de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, reconnaît la possibilité pour un salarié ,de solliciter la réparation du préjudice d’anxiété, à condition de prouver  une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, et la carence de  son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

            M. X.… a été employé par la société Electricité de France (la société) en qualité de rondier, chaudronnier et technicien, au sein de la centrale de Saint-Ouen ; qu’estimant avoir été exposé à l’inhalation de fibres d’amiante durant son activité professionnelle, il a saisi, le 11 juin 2013, la juridiction prud’homale afin d’obtenir des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété et pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.

            Les juges du fond ont déclaré recevable la demande et a condamné à l’employeur à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété,

            L’employeur se pourvoi en cassation soutenant que la réparation du préjudice d’anxiété n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l’arrêté ministériel ; qu’ils ne peuvent demander cette réparation qu’à l’encontre de leur employeur, et dans la mesure où celui-ci entre lui-même dans les prévisions de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

            La Cour de Cassation rejette le pourvoi affirmant que «  l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d’activité (ACAATA), sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle ; que, par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241, Bull. n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d’obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété tenant à l’inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante ; que la chambre sociale a instauré au bénéfice des salariés éligibles à l’ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l’amiante, de la faute de l’employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété réparait l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence … »

            La Haute Cour poursuit, retenant « ...qu’il apparaît toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l’employeur n’est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé ... »

En conséquence la Cour décide sur le premier moyen  « …qu’il y a lieu d’admettre, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée… » 

            Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche, au visa des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, qui disposent que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés ,la Cour de cassation a décidé que l’arrêt déféré en refusant d’examiner les éléments de preuve des mesures que l’employeur prétendait avoir mises en œuvre, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

            Et enfin  sur le même moyen, pris en sa troisième branche , au visa des  articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ,la Cour de Cassation a censuré l’arrêt déféré lui reprochant de s’être  déterminé  par des motifs insuffisants à caractériser le préjudice d’anxiété personnellement subi par M. X... et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d’appel a privé sa décision de base légale . (Cass.Ass. Plén. 5 avril 2019. N°18-17.442.)