La loi ELAN a fortement impacté le contentieux de l’urbanisme.

Au travers des modifications apportées, il apparait que le législateur a notamment souhaité limiter les recours, améliorer la rapidité de traitement des contentieux et encadrer d’avantage les transactions intervenant.

Cette réforme se veut pragmatique : inutile  en effet, d’annuler une décision si le vice l’affectant est susceptible d’être régularisé.

 

L’exigence d’un intérêt à agir caractérisé contre toute décision d’occupation ou d’utilisation du sol.

L’article L600-1-2 n’était jusqu’alors applicable qu’aux permis de construire, de démolir ou d’aménager.

Désormais, toutes les décisions relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol sont régies par cet article et notamment les déclarations préalables de travaux.

Ainsi, toute personne contestant quelque décision que ce soit relative à l’occupation ou l’utilisation du sol devra justifier que le projet autorisé par ladite décision est de nature à affecter « directement les conditions d’occupation, d’utilisation de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L261-15 du code de la construction et de l’habitation ».

Cette disposition salutaire vient ainsi harmoniser les conditions de recevabilité et d’intérêt à agir des recours dirigés tant contre les permis de construire, de démolir ou d’aménager, que contre les déclarations préalables de travaux.

 

Des obligations accrues à la charge des juridictions

Le Tribunal saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une autorisation d’occupation des sols ne pourra plus prononcer l’annulation totale de l’autorisation lorsque le vice retenu n’affecte qu’une partie du projet et peut être régularisé.

Dans cette hypothèse, la sanction juridictionnelle doit être limitée à l’annulation partielle de ladite autorisation.

Le Tribunal qui déciderait de prononcer l’annulation complète de l’autorisation devra motiver sa décision et préciser les raisons pour lesquelles il n’a pas eu recours à l’annulation partielle.

Par ailleurs, l’article  L600-5-5 du code de l’urbanisme précise que lorsque le vice entachant l’illégalité de l’autorisation contestée est susceptible d’être régularisé, le Tribunal doit sursoir à statuer afin de permettre la régularisation du vice par le dépôt d’une demande d’autorisation modificative ou d’une nouvelle autorisation.

Là encore, si le Tribunal refuse de faire droit à une demande de sursis à statuer, il est tenu de motiver sa décision.

L’objectif est ainsi clairement de limiter au maximum les effets des annulations d’autorisation de construire et de permettre au maximum la régularisation de ces situations.

 

Les modalités de contestation d’une autorisation de régularisation dans le cadre d’une instance en cours dirigée contre l’autorisation initiale

L’article L600-5-2 précise que lorsqu’un recours est pendant à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme et qu’une autorisation de régularisation intervient en cours d’instance, la contestation de cette décision doit intervenir dans le cadre de l’instance principale et ne doit pas faire l’objet d’un recours distinct.

Il s’agit là encore d’une mesure pragmatique qui permet d’éviter la multiplication de contentieux et de traiter ainsi par une seule et même instance l’intégralité du litige.

 

L’extension des pouvoirs du préfet

L’article L480-13 du code de l’urbanisme précise les modalités selon lesquelles peut être engagée une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire.

En effet, une telle action ne peut prospérer qu’à la condition que le permis délivré ait été au préalable annulé par la juridiction administrative et à la condition que cette construction soit située dans une des zones visées à l’article L480-13 du code de l’urbanisme.

Il s’agit essentiellement de zones qui sont protégées pour des raisons architecturales ou environnementales.

Le champ d’application de cette action en démolition avait été considérablement réduit par l’entrée en vigueur de la loi du 6 aout 2015.

Désormais, la loi ELAN précise que le préfet peut engager la procédure en démolition prévue à l’article L480-13 sans limitation de zone.

Ainsi, le préfet, représentant l’Etat dans le département, bénéficie de prérogatives et de dispositions spécifiques visant à faciliter l’engagement desdites actions en démolition.

Une telle disposition peut s’expliquer par le fait que le préfet a vocation à poursuivre l’intérêt général à la différence d’un particulier qui engagera ladite action dans le seul et unique but de préserver ses propres intérêts.

 

Des transactions toujours plus encadrées

L’article L600-8 du code de l’urbanisme précise que toute transaction, par laquelle une personne ayant demandé ou ayant l’intention de demander au Juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, s’engage à se désister de ce recours ou à ne pas l’introduire en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature, doit être enregistrée auprès de la Direction Générale des Finances Publiques.

Cet article élargit ainsi cette obligation aux transactions intervenant avant tout procès.

L’objectif poursuivi est d’éviter la pratique qualifiée de « racket procédural ».

Cette pratique frauduleuse avait été mise en œuvre pour contraindre certains promoteurs à verser diverses sommes d’argent pour pouvoir réaliser leur projet face à la menace d’une procédure.

Cette disposition ne fait pas échec à l’aboutissement d’accord transactionnel à la condition que l’indemnité versée soit la contrepartie d’un véritable préjudice.

La volonté du gouvernement et de l’assemblée nationale a ainsi été de limiter la multiplication des recours qui ont pour effet de paralyser la mise en œuvre des programmes immobiliers.

Reste cependant à savoir comment seront interprétées ces dispositions, le Juge administratif ayant traditionnellement tendance à interpréter relativement largement la notion d’intérêt à agir et à être restrictif quant à l’interprétation du caractère abusif d’un recours.

 

 

 

Sarah HUOT
AVOCAT

Spécialiste en Droit Immobilier

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