Est-ce que tout état antérieur doit être déclaré non imputable à l’accident?

Répondre par l'affirmative empêcherait les victimes d'un accident de demander l’indemnisation des gênes liées partiellement à cet état antérieur au responsable de l’accident.

Autrement dit, est-ce qu’une victime qui suite à un accident développe de l’arthrose peut demander l’indemnisation des gênes causées par cette arthrose ?

Médicalement, l’arthrose ne peut avoir une origine accidentelle : Ainsi, si une victime développe cette pathologie suite à un accident, c’est qu’elle avait une prédisposition.

Ainsi, même sans l’accident, il aurait été probable que cette victime développe cette maladie.

Toutefois, les médecins sont incapables d’indiquer de manière certaine si cette arthrose se serait révélée et à quelle date.

Dès lors, la jurisprudence distingue trois situations pour déterminer si on doit ou non prendre en compte un état antérieur :

  • 1ère situation : Lorsque l’état antérieur est asymptomatique et non révélé avant l’accident :

Cet état antérieur doit être considéré comme une conséquence indemnisable de l’accident, l’accident ayant été l’élément déclenchant de cette pathologie antérieure latente.

A ce titre, la Cour de cassation a jugé que « seul l’état pathologique antérieur qui s’était révélé peut être pris en compte dans la fixation du taux d’IPP » : Arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 17 juillet 2007, n° de pourvoi : 06-13.455 ; Arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 10 novembre 2009, n° de pourvoi : 08-16920.

Ainsi, l’évènement traumatique doit être considéré comme le facteur déclenchant et donc la cause de l’entier dommage.

Son auteur doit alors assumer la réparation intégrale des préjudices subis :

  • « L’imputabilité d’un dommage corporel doit être appréciée sans qu’il soit tenu compte des prédispositions de la victime dès que ces prédispositions n’avaient pas déjà eu des conséquences préjudiciables au moment où s’est produit le fait dommageable » : Arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 30 janvier 2007 - RCA n°5, mai 2007, comm.148, Arrêt de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation du 13 juillet 2006 - RCA n°12, décembre 2006, comm.361.
  • « Le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée que par le fait dommageable » : Arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 10 juin 1999, Bull civ II n°116 ; Arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 8 juillet 2010, n° de pourvoi : 09-67.592.

 

  • 2ème situation : Lorsque l’accident a entrainé la décompensation d’un équilibre jusque-là maintenu par une compensation naturelle :

Comme dans le premier cas, cette décompensation doit être considérée comme une conséquence indemnisable de l’accident :

« L’Expert Judiciaire et son sapiteur ayant expressément considéré que l’état de dépression post-traumatique présenté par la victime représente une décompensions d’un état névrotique antérieur vis-à-vis duquel l’agression avait joué un rôle déclenchant, il convient d’indemniser l’intégralité de son préjudice » : Arrêt de la 17ème chambre A de la Cour d’appel PARIS du 17 mars 2003.

  • 3ème situation : Lorsqu’il existe un état antérieur connu et symptomatique :

Cet état antérieur ne peut être reconnu comme imputable à l’accident, sauf dans l’hypothèse où l’accident majorerait le handicap initial :

Dans un arrêt du 25 mars 2013, le Pôle 2 Chambre 3 de la Cour d’appel de PARIS (n°RG 10/19347) est venue préciser que le handicap majore les séquelles :

Dans cette affaire, il ressortait du rapport d'expertise médicale que la victime présentait suite à l’accident une fracture ouverte transversale, multi-esquilleuse, du tiers inférieur du fémur droit, une fracture du col du péroné droit, ainsi qu’une infection à la partie inféro-externe de la cuisse droite.

Parallèlement, elle conservait d'importantes séquelles d'une atteinte poliomyélitique survenue dans l'enfance.

Après consolidation, l’Expert évaluait le déficit fonctionnel permanent de la victime dans les conditions suivantes : 50% de DFP, dont 30% dus à l’état antérieur et 20% imputables à l’accident.

La question qui se posait aux juges était la suivante :

Doit-on indemniser la victime sur la base de 20% de DFP ?

Ou doit on indemniser la victime sur la base de 50% de DFP rapporté à 20% ?

Pour bien comprendre les conséquences de cette question en matière d’indemnisation, il faut préciser que l’indemnité versée au titre de ce poste de préjudice est fixée en multipliant le taux de DFP déterminé par l’expert par une valeur du point, valeur qui est elle même fonction du taux retenu par l’expert et de l’âge de la victime à la consolidation.

Ainsi, l’indemnité versée à la victime sera d’autant plus élevée que le taux est plus fort et que l’âge de la victime est plus faible.

Dès lors dans le cas de la victime de l’arrêt de la Cour d’appel, si les juges l’avaient indemnisée comme réclamé par l’assureur, elle aurait été indemnisée sur la base de la valeur d’un DFP 20% de DFP soit 8.000 euros = 400 euros (valeur du point pour un DFP de 20%) x 20.

Alors que si on considère que l’état antérieur majore les séquelles de la victime et donc aggrave son état antérieur, la victime doit être indemnisée sur la base de la valeur d’un DFP à 50% mais ramené à 20%, soit 56.000 euros = 2.800 euros (valeur du point pour un DFP de 50%) x 20.

C’est ce second calcul qui a été choisi par les juges permettant ainsi de reconnaître l’aggravation de l’état initial de la victime

Si vous êtes victime d'un accident et que vous craignez que l'assureur refuse de vous indemniser du fait d'une pathologie antérieure, n'hésitez pas à me contacter

Sophie Moutot Noce

Maître Sophie MOUTOT NOCE