L’injonction de payer est une procédure redoutable au service des entreprises et plus généralement de tout justiciable détenant une créance incontestable dont le recouvrement se heurte à la mauvaise volonté du débiteur.

 Entretien avec Vianney Ley, avocat au Barreau de Rennes.

 

Quel est l’objectif de la procédure d’injonction de payer ?

L’intérêt réside dans l’obtention rapide d’un titre exécutoire, sésame indispensable pour contraindre les débiteurs défaillants à exécuter leur obligation de payer.

 

Quel est son atout ?

Cette procédure suppose pour le créancier d’avancer des frais moins importants qu’en passant par les voies classiques du contentieux judiciaire.

 

Quelle est son efficacité ?

Son efficacité est réelle. En pratique, peu d’ordonnances en injonction de payer sont contestées.

 

Pour quelle créance peut-on agir ?

Il n’y a aucune limite de montant. La créance doit découler d’une convention liant le créancier à son débiteur. Elle doit être exigible et son montant clairement déterminé. 

 

Quelle est la procédure à suivre ?

Concrètement, il faut adresser une requête au greffe de la juridiction compétente qui doit mentionner à peine de nullité : l’identité précise du demandeur et de la personne contre qui la requête est formée ; l’objet de la demande ; les démarches réalisées pour tenter d’obtenir un règlement amiable ; le montant précis de la créance, son décompte et son fondement. La requête doit enfin être accompagnée des documents justificatifs.

 

Que se passe-t-il ensuite ?

Après examen des documents produits, le magistrat pourra rendre une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu’il retient. En cas de rejet total ou partiel de la requête, sa décision est sans recours pour le créancier. Il n’aura alors d’autre choix que de saisir le juge compétent selon les voies de droit commun.

 

Qu’en est-il dans le cas d’une décision favorable du magistrat ?

Dans les six mois de sa date, une copie certifiée conforme de l’ordonnance et de la requête devra être signifiée au débiteur. Il dispose d’un mois pour former opposition et instaurer une procédure contentieuse de droit commun. À défaut d’opposition, la décision pourra être revêtue de la formule exécutoire et le créancier pourra user des voies d’exécution forcée pour obtenir le paiement de sa créance.

 

Quelle forme prend l’opposition du débiteur ?

Son formalisme est souple. L’opposition est portée devant le greffe de la Juridiction qui a rendu l’ordonnance, par déclaration contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception. À l’issue des débats, le jugement prononcé viendra se substituer à l’ordonnance portant injonction de payer.

 

Outre un formalisme précis à respecter à chaque étape de la procédure, quels conseils donneriez-vous ?

Le créancier ne devra pas oublier que cette procédure n’interrompt pas la prescription. Le risque est donc qu’en cas de rejet de la requête, il ne puisse définitivement plus se retourner en saisissant la juridiction de droit commun. Sa créance serait alors irrécouvrable, donc définitivement impayée. Il est donc nécessaire d’être très vigilant, sinon accompagné, pour diligenter efficacement cette procédure. Cela vaut d’une manière générale, pour toute procédure tendant au recouvrement de factures et créances impayées.

 

Quel est l’impact de la réforme de la procédure civile actuellement en cours ?

La loi du 23 mars 2019 numéro 2019–222 dite de « programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » vient notamment modifier le Code de l’organisation judiciaire en instaurant un tribunal judiciaire national pour connaître de toutes les demandes d’injonction de payer, à l’exception de celles relevant de la compétence d’attribution du tribunal de commerce.

 

Mais encore…

Il est prévu que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer soient formées devant le tribunal judiciaire spécialement désigné puis transmises par le greffe dudit tribunal judiciaire aux tribunaux judiciaires territorialement compétents.

 

Vers une injonction de payer dématérialisée ?

Un décret en Conseil d’État doit en effet venir préciser le montant en dessous duquel les parties ou le juge pourront demander la dématérialisation de la procédure dans le cas d’une opposition à l’injonction de payer. Le tribunal pourra également, par décision spécialement motivée, rejeter cette demande des parties s’il estime que, compte tenu des circonstances de l’espèce, une audience n’est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Le refus de tenir une audience ne pourra alors être contesté indépendamment du jugement sur le fond.

 



BON À SAVOIR : Le premier créancier arrivé est souvent le premier servi. Le choix de la procédure est donc capital.


 

■ Propos recueillis par Jean-Christophe Collet – RENNES BUSINESS MAG n°3| Edition 2020

 

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