Dans un arrêt prononcé le 11 décembre 2019 (n° 18-16.147) et largement publié, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation pose le principe selon lequel « qu’en ce qu’elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution ».

En l’espèce, un particulier (la caution) s’était notamment porté caution solidaire d’un prêt (le service) accordé par une banque (le créancier) à un consommateur (le débiteur principal).

Le débiteur principal n’ayant pas diligemment remboursé sa dette, la banque a prononcé la déchéance du terme. Cette sanction rend la créance de la banque (somme prêtée, intérêts, commissions, frais et accessoires) immédiatement exigible.

Elle a ensuite cherché à actionner la caution en sollicitant de cette dernière le règlement de la totalité de sa créance.

En excluant l’étude des actes interruptifs de prescription qui ont joué en l’espèce, la situation juridique peut être résumée de telle sorte que la banque a actionné la caution deux ans après la date d’exigibilité de sa créance (en l’espèce la déchéance du terme), mais dans le délai de prescription de droit commun, à savoir cinq ans.

Or, l’article L218-2 du Code de la consommation dispose « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

Si le débiteur était en mesure d’opposer les dispositions de cet article au créancier, qu'en est-il de la caution ?

Telle est la question qu’ont dû trancher les juges du fond puis les juges du droit.

La caution qui garantit un crédit à la consommation peut-elle opposer au créancier le fait qu’il n’ait pas agi dans le délai de deux ans prévu par l’article L218-2 du Code de la consommation ?

La réponse à cette question n’est pas sans conséquence puisqu’il s’agit d’un moyen constituant une fin de non-recevoir en ce qu’il « tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » (article 122 du Code de Procédure Civile).

Au soutien de ce moyen, la caution s’est appuyée sur les termes de l’alinéa 1er de l’article 2313 du Code civil qui disposent que « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ».

La banque s’est au contraire prévalue des dispositions du second alinéa de l’article 2313 du Code civil qui ajoutent « mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ». Ce faisant, la banque cherchait à démontrer que les dispositions de l’article L218-2 accordant au consommateur un délai de prescription plus court (donc plus favorable) étaient un moyen attaché à la personne du consommateur et non à la dette elle-même.

En suivant la thèse du créancier, seul un consommateur pourrait opposer la prescription biennale au créancier. Appliquée à l’espèce, la caution ne pouvait donc se prévaloir de la prescription biennale à défaut d’avoir reçu de la banque un quelconque service au sens du Code de la consommation.

Par son arrêt du 11 décembre 2019 (n°18-16.147) la 1er Chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer cette application de l’article L218-2 du Code de la consommation en précisant qu’il s’agissait là d’une exception purement personnelle au débiteur principal, ne pouvant donc être opposée au créancier par la caution.

Cette précision était attendue compte tenu de la difficulté qui peut exister pour distinguer les exceptions « qui sont inhérentes à la dette » de celles « qui sont purement personnelles au débiteur ».

Cette jurisprudence pourrait cependant devenir caduque si une prochaine réforme entérinait la proposition d’article faite par l’Association Henri Capitant dont les termes sont les suivants « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur » (alinéa 1er du projet d'article 2299, source).

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