L'obligation de prévention des risques professionnels – obligation de sécurité – ne doit pas se confondre avec l’interdiction des agissements de harcèlement moral et / sexuel (Cass. Soc. 08.07.2020 : n°18-24320).

 

 

A quoi reconnait on une situation de harcèlement moral et/ou sexuel ?

 

  • Le harcèlement moral

 

Le harcèlement moral se définit par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel sont interdits (c. trav. art. L. 1152-1).

 

Ainsi, les éléments qui caractérisent le harcèlement moral sont :

 

  • Des agissements répétés à l’encontre du salarié qui se dit victime de harcèlement moral : il ne s’agit pas d’un acte isolé
  • Le harcèlement moral doit entrainer la dégradation des conditions de travail
  • Les agissements qualifiés de harcèlement moral doivent être susceptibles de porter atteinte à la dignité ou à la santé du salarié, ou de compromettre son avenir professionnel.

 

 

 

  • Le harcèlement sexuel

 

Le harcèlement sexuel fait l'objet d'une double définition, par le code du travail et par le code pénal.

 

Dans le code du travail :

 

 Le harcèlement sexuel est défini comme le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui (c. trav. art. L. 1153-1) :

 

  • soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
  • soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

 

 

Dans le code pénal :

 

Le harcèlement sexuel est défini comme le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou, « sexiste » qui :

 

  • soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant,
  • soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (c. pén. art. 222-33-I).

 

Comment faire reconnaitre une situation de harcèlement en justice ?

 

 

Devant le Conseil de Prud’hommes -ou la Cour d’appel – il revient dans un premier temps  au salarié de rapporter la preuve des agissements dénoncés.

 

Il doit en effet présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

 

S’il présente au juge ces éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral/sexuel à son encontre, c’est alors ensuite, dans un second temps, à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (c. trav. art. L 1154-1 ; Cass. soc. 08.06.2016, n° 14-13418).

 

Les juges doivent analyser les faits présentés par le salarié dans leur ensemble (Cass. soc. 6 juin 2012, n° 10-27766, BC V n° 170).

 

Ce sont bien les juges qui apprécient souverainement les éléments de preuve fournis.

 

 

Qu’est-ce que l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur ?

 

L’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (Cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24444).

 

Il doit donc prendre, entre autres dispositions, des mesures de prévention suffisantes dès lors qu’un risque professionnel est identifié (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

 

 

 

Obligation de prévention des risques professionnels ≠ interdiction des agissements de harcèlement dans l’entreprise

 

L’arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. Soc. 08.07.2020 : n°18-24320) est l’occasion de rappeler que l’employeur peut être condamné au titre de l’obligation de sécurité alors même que le harcèlement n’est pas reconnu.

 

Ce sont des obligations qui ne renvoient pas aux mêmes exigences.

 

Dans cette affaire, une salariée occupée au poste de gestionnaire de carrières avait pris acte de la rupture de son contrat de travail.

 

Elle avait ensuite saisi le Conseil de Prud’hommes, pour :

 

  • faire condamner son employeur à des dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel ;
  • faire requalifier sa prise d’acte en un licenciement nul ;
  • faire condamner l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

 

Sa demande de requalification de prise d’acte en un licenciement nul reposait sur la dénonciation d’un harcèlement moral et sexuel subi dans l’entreprise.

 

 

Les juges n’avaient fait droit à aucune de ses demandes, au motif que les différents éléments présentés par la salariée n’étaient pas suffisants pour laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

 

 

La salariée réclamait également des dommages-intérêts pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité (c. trav. art. L. 4121-1).

 

Elle estimait que l’employeur aurait dû prendre des mesures prévention et de protection nécessaires pour éviter la dégradation de son état de santé.

 

Les juges d’appel ont également rejeté cette demande.

 

Leur raisonnement était le suivant : puisque le harcèlement n’était pas établi, la salariée ne pouvait pas prétendre à un manquement à l’obligation de sécurité.

 

Faux répond la Cour de cassation !

 

 

L’interdiction du harcèlement sexuel et moral (c. trav. art. L. 1153-1, L. 1152-1) est distincte de l'obligation légale de prévention des risques professionnels (c. trav. L. 4121-1 et L. 4121-2).

 

L'employeur peut être condamné à verser des dommages-intérêts sans qu'un harcèlement moral soit établi par ailleurs (Cass. soc. 6 décembre 2017 : RG n° 16-10885 ; Cass. soc. 27 novembre 2019 : RG n° 18-10551).

 

 

 

Sources :

 

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 juillet 2020 : RG n° 18-24320

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 8 juin 2016 : RG n° 14-13418

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 juin 2012 : RG n° 10-27766

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 décembre 2017 : RG n° 16-10885

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 novembre 2019 : RG n° 18-10551

 

Par Maitre Virginie LANGLET le 16 septembre 2020

Avocat au Barreau de Paris

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