Il est difficile de suivre l’évolution des textes durant cette période d’état d’urgence sanitaire tant les bouleversements sont profonds et s’enchainent à des allures effrénées, aux antipodes des rythmes slow life induits par la période de confinement.

Pourtant, il convient de rester alerte quant aux effets des suspensions et reports des délais prévus par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée et qui faisaient l’objet d’un précédent article : (Ici).

Si nombres des développements de cet article restent d’actualité en revanche, il convient de faire un annule et remplace des différents délais et dates évoqués.

En effet, deux textes importants viennent de paraître et bouleversent la donne en modifiant l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

EN PREMIER LIEU, l’ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 qui vient extraire du régime "commun" le moratoire applicable en matière d'urbanisme, d'aménagement et de construction en fixant sa période entre le 12 mars et le 23 mai 2020. L’article 12 ter de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 est donc modifié en ce sens.

En la matière, il convient à ce jour de retenir le 24 mai 2020 comme date à compter de laquelle les délais d’instruction, relatifs aux demandes d’autorisations d’urbanisme, de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables, y compris les délais impartis à l'administration pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction, ainsi que les procédures de récolement, recommenceront à courir (art. 12 ter Ord. n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée).

Par ailleurs, le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette période est reporté à l'achèvement de celle-ci soit, au 24 mai 2020.

Il faut appliquer le même raisonnement « aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l'instruction d'une demande ou d'une déclaration mentionnée à l'alinéa précédent ainsi qu'au délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d'urbanisme tacite ou explicite peut être retirée, en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. »

ET, : « aux demandes d'autorisation de division prévues par le livre Ier du code de la construction et de l'habitation ainsi qu'aux demandes d'autorisation d'ouverture, de réouverture, d'occupation et de travaux concernant des établissements recevant du public et des immeubles de moyenne ou de grande hauteur prévues par le même livre, lorsque ces opérations ou travaux ne requièrent pas d'autorisation d'urbanisme. ».

Sur le plan contentieux, les délais de recours fixés par l’article 12 bis de l’ordonnance du 23 mars 2020 sont également modifiés.

Ainsi : « Les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter du 24 mai 2020 pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours. »

Il est également prévu que les délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 commencent à courir à l'achèvement de celle-ci soit, au 24 mai 2020.

Le même type de modifications est opéré s’agissant des délais relatifs aux procédures de préemption (cf. art. 12 quater de l’ordonnance du 23 mars 2020 modifiée).

 

EN SECOND LIEU, l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 modifie quant à elle la période de moratoire "de droit commun", fixée par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et au cours de laquelle les différents délais sont soit suspendus, soit, reportés.

Dorénavant, la période de moratoire s’étend du 12 mars 2020 jusqu’au : « 23 juin 2020 inclus ».

Tout d’abord, les délais de recours à l’encontre des actes administratifs, non visés par l’ordonnance du 7 mai 2020 (cf. supra), tels les actes règlementaires élaborés dans le domaine de l’urbanisme (ex : PLU, SCOT,…), sont encadrés par l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020.

A ce jour, les recours seront réputés avoir été fait à temps s'ils ont été effectués : « dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. », soit jusqu’au 24 août 2020.

Ensuite, l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020, qui fixe une prorogation de la durée de validité des « autorisations, permis et agréments », passe de deux à trois mois à compter de la nouvelle date de fin du moratoire.

Autrement formulé, et à titre d’illustration, les autorisations d’urbanisme dont la validité échoit entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, sont prorogés de trois mois soit, jusqu’au 24 septembre 2020.

Enfin, les délais dont dispose l’administration et à l’issue desquels doit intervenir ou naître (tacitement) une décision, un accord ou un avis sont suspendus à compter du 12 mars 2020 jusqu’au 23 juin 2020 inclus (art. 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée).

Quant aux délais qui auraient dû commencer à courir durant cette période, ils ne commenceront qu’à son issue.

Inversement, les délais imposés cette fois-ci par l’administration : « à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature » sont suspendus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020. Ceux qui auraient dû commencer à courir durant cette période ne débuteront qu’après le 23 juin 2020 (art. 8 de l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée).

Il n’en va cependant pas ainsi lorsque ces délais : « résultent d'une décision de justice ».

A noter également que l’autorité administrative peut, dans le champ de ses compétences, toujours venir modifier ces obligations voire les délais à respecter.

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Il est donc à craindre l’avènement de nombre d’erreurs dans la computation de ces nouveaux délais qui engendreront, à n’en point douter, de nombreux débats animés entre les administrés et les autorités administratives voire devant les Tribunaux. Il conviendra en outre de rester prudent sur la parution de futurs textes modifiant à nouveau la période de moratoire si, de mésaventure, une seconde vague de covid-19 se profilait à l’horizon.

Maître Yann FAUCONNIER