OUI : en maintenant en surnombre un attaché principal et en lui confiant un poste de chargé de mission inadapté à son grade l'autorité territoriale commet une faute dans la gestion de la carrière de l'agent. Ces faits sont constitutifs de harcèlement moral qui ont pour objet et pour effet de dégrader ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et d'altérer sa santé mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Cette faute de l'autorité territoriale oblige au versement d'une indemnité due au titre de la privation pour l'agent de la possibilité de démontrer sa valeur professionnelle et de la perte de chance de bénéficier d'un avancement.

Un attaché territorial principal, réintégré dans sa collectivité d'origine à la suite de son détachement de longue durée sur un emploi fonctionnel de directeur général des service d'une commune, a été nommé chargé de mission rattaché à la directrice adjointe de la division des affaires culturelles et ne s'est vu confier que des tâches subalternes et hétéroclites qui ne correspondaient pas aux missions normalement dévolues à un attaché principal.

1°) L'autorité territoriale qui confie à un attaché principal un poste inadapté à son grade commet une faute de gestion...

Dans son arrêt en date du 7 janvier 2010, la Cour administrative d'appel de Nancy a jugé qu'en maintenant en surnombre M. A et en lui confiant un poste inadapté à son grade l'autorité territoriale a commis une faute dans la gestion de sa carrière.

En conséquence, M. A qui s'est vu décharger de l'essentiel de ses fonctions et confier des missions ponctuelles dans des conditions ne lui permettant pas de les exercer correctement, a été victime d'une éviction de fait du service.

L'autorité territoriale l'a ainsi empêché d'exercer ses fonctions conformément à son statut, en refusant de l'affecter sur un emploi vacant disponible et en lui confiant des tâches non conformes à son grade d'attaché principal, et l'a maintenu dans une situation précaire en prolongeant son placement en surnombre.

Au surplus, M. A a été noté par le directeur de la division des affaires culturelles, poste sur lequel il avait postulé et sur lequel il devait de droit être réaffecté. Ledit directeur n'avait été nommé que le 1er septembre 2004 et n'avait pas été professionnellement en contact avec lui.

M. A s'est pourtant vu attribuer une notation très défavorable au motif qu'il n'avait pas les qualités attendues du détenteur d'un poste à l'importance stratégique, cette appréciation gênant la mobilité professionnelle que M. A était alors contraint d'envisager.

2°) ...qui entraîne la qualification juridique de harcèlement moral car il prive l'agent de la possibilité de démontrer sa valeur professionnelle...

La Cour administrative d'appel de Nancy a jugé qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances, que M. A a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour objet et pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Ces agissements, dont il n'est pas démontré ni même soutenu que le comportement de M. A les aurait même partiellement provoqués, sont fautifs et de nature à engager la responsabilité du département de la Moselle.

3°) ... qui doit être indemnisé au titre la privation de la possibilité pour l'agent de démontrer sa valeur professionnelle et de la perte de chance de bénéficier d'un avancement.

M. A soutient, sans être contredit, qu'il était susceptible d'être promu dans le grade de directeur territorial à compter de 2002.

Dans son arrêt en date du 7 janvier 2010, la Cour administrative d'appel de Nancy a considéré que, par suite, l'autorité territoriale, en ne le nommant pas sur un emploi conforme à son grade, l'a privé de la possibilité de démontrer sa valeur professionnelle et lui a donc fait perdre une chance de bénéficier de cet avancement.

En raison du sort qu'il lui a réservé, en lui attribuant notamment une notation très défavorable au titre de l'année 2004 qui portait atteinte à sa réputation professionnelle, l'autorité territoriale intimée lui a causé un préjudice de carrière qui s'est poursuivi lors de son recrutement par le département de la Meuse à compter du 1er mars 2006.

Le harcèlement moral dont a été victime M. A, eu égard à sa durée et ses effets tant sur sa vie professionnelle que personnelle, a également généré un préjudice moral important et des troubles dans ses conditions d'existence.

En revanche, les pertes de rémunérations que M. A invoque, et qui seraient constituées par les avantages liés à des emplois sur lesquels il aurait pu être affecté, ne sont pas justifiées, M. A n'ayant au demeurant jamais été privé de sa rémunération statutaire.

Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis par l'appelant, au cours de la période 2004-2006, en fixant à 12 000 euros l'indemnité due à ce titre.

Il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a limité à 3 000 euros l'indemnisation au paiement de laquelle l'autorité territoriale a été condamné.

SOURCE : Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07/01/2010, 08NC00608, Inédit au recueil Lebon