OUI : cette chronique est dédiée à un jeune agent administratif d'exécution d'une juridiction administrative qui refusait à l'un de mes clients avec l'obstination et la certitude d'un stagiaire voulant bien faire, d'enregistrer une requête adressée au tribunal administratif par télécopie. La requête introductive d'instance doit absolument parvenir au greffe du tribunal administratif avant le terme du délai de recours sauf à justifier d'un retard anormal dans l'acheminement du courrier. Voir Conseil d'Etat, 2 SS, du 12 décembre 2001, 233023, inédit au recueil Lebon. Lorsque le délai de recours est proche d'expirer et qu'il y a un risque que la requête envoyée par voie postale en recommandée avec accusé de réception ne parvienne au greffe du tribunal administratif qu'après le délai de recours contentieux, il est possible de l'adresser par télécopie ou par courriel, avant le terme du délai de recours contentieux, mais à condition de régulariser par la suite par l'envoi d'un courrier sur papier signé en autant d'exemplaires que de parties à l'instance plus deux.

Cet envoi postal de régularisation où le dépôt au greffe du tribunal du dossier papier, peut même être effectué postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. Voir en ce sens Conseil d'Etat, 7 SS, du 28 février 2001, 213681, inédit au recueil Lebon. « (...) Considérant qu'il est constant qu'une télécopie de la requête formée par le préfet des Hauts de Seine contre le jugement attaqué qui lui avait été notifié le 23 septembre 1999 a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 octobre 1999 ; qu'ainsi, alors même que l'exemplaire original de cette requête qui était nécessaire à sa régularisation n'a été enregistré que le 25 octobre 1999, soit postérieurement à l'expiration de délai d'un mois imparti pour faire appel en matière de contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière par l'article 22 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, la fin de non recevoir opposée par M. X... et tirée de la tardiveté de la requête ne saurait être accueillie ; (...) »  

Dans un autre arrêt en date du 20 juin 2006, le Conseil d'Etat a même considéré qu'en cas de panne du télécopieur du tribunal administratif, la requête empêchée d'être reçue ne pouvait être rejetée pour tardiveté. Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 20/06/2006, 274751. « (...) Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 4 novembre 2004 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé la reconduite à la frontière de M. A, lui a été notifié le même jour à 14 h 30 ; que M. A, placé en rétention administrative par décision du préfet des Bouches-du-Rhône, a manifesté, consécutivement au rejet par le vice-président du tribunal de grande instance de Marseille le 6 novembre 2004 à 12 h 05 de la demande de prorogation de sa rétention administrative présentée par le préfet, la volonté de déposer une requête contre la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ; qu'à cet effet, le conseil de M. A a tenté de saisir le tribunal administratif de Marseille par voie de télécopie à 12 h 15, c'est-à-dire en temps utile ; qu'il n'est pas contesté que la panne du télécopieur du tribunal administratif l'a empêché de déposer ce recours ; que, compte tenu de la proximité de l'expiration du délai qui lui était imparti pour former un recours contre l'arrêté préfectoral prononçant sa reconduite à la frontière et dès lors qu'il était confronté à une impossibilité technique qui ne lui était pas imputable, M. A, qui était en droit d'utiliser cette voie de saisine, n'était pas légalement tenu, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge pour déclarer tardive sa requête, de tenter de recourir aux autres voies de saisine prévues par l'article R. 776-6 précité du code de justice administrative ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté pour tardiveté la demande de M. A ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ; (...) » 

Mais pour être complet et pour parfaire la formation initiale et continue de ce jeune fonctionnaire débutant, il convient de lui rappeler que l’article R.612-1 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser.  

Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R.751-5.

La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R.611-7. »  

Conseil utile aux agents publics et aux autres : avant d’affirmer de façon péremptoire une règle de droit, il faut toujours vérifier le fondement juridique de cette règle dans le petit livre rouge ou bleu dénommé code de justice administrative ou sur légifrance.gouv.fr.  

Deuxième conseil indispensable : il ne faut pas se sentir obligé de donner une réponse pour ne pas passer pour un ignorant auprès de ses interlocuteurs. Quand on ne sait pas, il vaut mieux dire : « Je ne sais pas, mais je vais me renseigner tout de suite auprès de mon chef de service ! »

La réputation de cette administration que le monde entier nous envie en dépend.