OUI : dans un arrêt en date du 26 juillet 2018, le Conseil d’Etat précise que si l'autorité compétente constate qu'un agent en congé de maladie s'est soustrait, sans justification, à une contre-visite qu'elle a demandée en application des dispositions de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure précisant en outre explicitement que, en raison de son refus de se soumettre, sans justification, à la contre-visite à laquelle il était convoqué, l'agent court le risque d'une radiation alors même qu'à la date de notification de la lettre il bénéficie d'un congé de maladie.

Mme A..., administratrice civile, a été titularisée le 1er avril 2002 et affectée à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) ; que, par le décret attaqué du 9 mai 2017, le Président de la République a radié l'intéressée des cadres pour abandon de poste.

Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ;

Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.

Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

L’agent en position de congé de maladie n'a pas cessé d'exercer ses fonctions.

Par suite, une lettre adressée à un agent à une date où il est dans une telle position ne saurait, en tout état de cause, constituer une mise en demeure à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste.

Toutefois, si l'autorité compétente constate qu'un agent en congé de maladie s'est soustrait, sans justification, à une contre-visite qu'elle a demandée en application des dispositions de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure précisant en outre explicitement que, en raison de son refus de se soumettre, sans justification, à la contre-visite à laquelle il était convoqué, l'agent court le risque d'une radiation alors même qu'à la date de notification de la lettre il bénéficie d'un congé de maladie.

Si, dans le délai fixé par la mise en demeure, l'agent ne justifie pas son absence à la contre-visite à laquelle il était convoqué, n'informe l'administration d'aucune intention et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d'ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste, et si, par ailleurs, aucune circonstance particulière, liée notamment à la nature de la maladie pour laquelle il a obtenu un congé, ne peut expliquer son abstention, l'autorité compétente est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

Il ressort des pièces du dossier que le secrétaire général du ministère de l'économie et des finances a, par un courrier du 27 juillet 2016, mis en demeure Mme A ... de se présenter à la direction générale de l'administration et de la fonction publique le 5 septembre 2016 et de justifier de ses absences aux contre-visites organisées les 6 août, 16 et 27 octobre 2015 et à une visite effectuée le 19 février 2016 à son domicile.

Il a estimé que Mme A... ne pouvait être regardée comme ayant valablement justifié de son absence depuis janvier 2015 et que son lien avec le service avait été rompu de son fait.

Toutefois, s'agissant de la contre-visite organisée au cabinet d'un médecin le 6 août 2015, Mme A... n'a reçu la convocation que le 7 août 2015, soit le lendemain du jour fixé.

S'agissant de la contre-visite du 16 octobre 2015, Mme A... produit un constat d'huissier faisant état d'une convocation et d'une attestation de passage à une consultation à l'hôpital ayant eu lieu au même moment.

S'agissant de la contre-visite organisée le 27 octobre 2015, il n'est pas établi que l'intéressée aurait reçu une convocation.

S'agissant de la contre-visite inopinée par un médecin agréé par l'administration au domicile de Mme A... le 19 février 2016, l'absence de l'intéressée n'avait pas à être justifiée dès lors qu'elle était en congé maladie avec horaires de sorties libres.

Enfin, s'agissant de la convocation de Mme A... à la DGAFP pour un rendez-vous le 5 septembre 2016, l'intéressée a transmis à l'administration un nouvel arrêt de travail portant sur une période comprenant cette date.

Ainsi, en estimant que Mme A... ne pouvait être regardée comme ayant valablement justifié de son absence depuis janvier 2015 aux contre-visites et convocations citées ci-dessus et comme ayant dès lors rompu le lien avec le service de son fait, l'autorité compétente a entaché son appréciation d'une erreur matérielle.

Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation du décret du 9 mai 2017.

SOURCE : Conseil d'État, 7ème chambre, 26/07/2018, 412337, Inédit au recueil Lebon