Alors que la fin d’année approche et que les propositions de rectifications dites « interruptives de prescription » vont être acheminées aux contribuables, cet article a pour objet de revenir sur une garantie importante lors d’un contrôle fiscal : l’obligation pesant sur l’administration de tenir un débat oral, contradictoire et loyal avec le contribuable lors des opérations de contrôle.

 

1. Les sources et les justifications de cette garantie

Le contribuable qui fait l’objet d'une vérification de comptabilité doit avoir la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, sous peine d'irrégularité de la procédure.

Cette garantie procédurale est de source prétorienne (CE 21 mai 1976, n° 94052 et CE 2 mai 1990, n° 58215, 7e s.-s., Donati).

La justification de cette garantie relève de l’évidence, il s’agit de permettre au contribuable d’apporter ses explications sur des points que le vérificateur estime obscurs ou litigieux, et d’éviter que les rehaussements notifiés à l’issue du contrôle n’aient fait l’objet d'aucune discussion préalable entre le vérificateur et le contribuable.

 

2. La mise en œuvre effective de cette garantie par les services de contrôle

L’administration adresse des instructions à ses vérificateurs afin que ceux-ci expriment lors des entretiens avec le contribuable, leurs convictions sur les points qu’ils jugent problématiques et qu’ils envisagent de remettre en cause.

En pratique, le vérificateur rédige généralement un "rapport d'entretien" à l'issue de chaque entrevue avec le contribuable. Ce rapport, qui reprend les points abordés lors de l'entretien, est contresigné par le contribuable et une copie est conservée par ce dernier.

 

3. La charge de la preuve de la violation de cette garantie en cas de contrôle sur place

Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable, qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire, de démonter que l'administration aurait refusé un tel débat.

En pratique, il s’avère donc difficile pour le contribuable de prouver une violation du débat oral et contradictoire.

La jurisprudence a ainsi jugé, par exemple, que le simple fait qu’un vérificateur se soit rendu à trois reprises dans les locaux de l’entreprise vérifiée laissait présumer l’existence d’un débat oral et contradictoire (CE 10 août 2005, n° 269886, Chatelus).

 

4. L’irrégularité de la procédure d’imposition sanctionne l'absence d’un réel débat loyal, oral et contradictoire

Dans le cadre de recours contentieux, certaines juridictions ont toutefois pu sanctionner l’Administration et décharger les contribuables des impositions supplémentaires mises à leurs charges sur le fondement de l’absence de débat oral et contradictoire. Il a ainsi déjà été jugé qu’un contribuable a été privé du débat oral et contradictoire dès lors que la vérification de comptabilité sur place a duré deux heures et n'a été suivie d'aucune entrevue (CAA Nancy 4 juin 1992 n° 567, 2e ch., Corteville).

En outre, la Cour Administrative d’Appel de Nantes a jugé qu’un vérificateur qui effectue une seule intervention sur place pour examiner les documents comptables et notifie des rehaussements dès le lendemain prive le contribuable d'un débat oral et contradictoire. La Cour a ajouté dans cette affaire que l'irrégularité découlant de l’absence de débat oral et contradictoire ne peut être couverte par le débat qui s'est déroulé postérieurement à la proposition de rectification. (CAA Nantes 31 décembre 1992 n° 91-251, 1e ch., Bertho).

Il a été jugé par la Cour Administrative d'Appel de Paris, dans un cas plus « extrême » que le contribuable victime d’un chantage de la part du vérificateur est fondé à soutenir que l'administration a manqué à son devoir de loyauté.

Dans ces circonstances, le contribuable peut soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité et demander la décharge des impositions et des des pénalités auxquelles il a été assujetti à l'issue de cette procédure (CAA Paris 20-10-2016 n° 15PA02520).