La reconnaissance de responsabilité par le constructeur, intervenue après la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, n'interrompt pas le délai de forclusion décennale, même si celui-ci a commencé à courir avant cette date.
En l'espèce, a été confiée en 2005 au constructeur la réalisation d'une fosse à lisier en béton surmontée de caillebotis et logettes pour bovins dans un bâtiment à usage de stabulation.
Le constructeur est intervenu en 2012 pour reprendre partiellement ses travaux.
En 2018, le mur porteur de la fosse à lisier s'est effondré.
En 2020, le maître de l'ouvrage a assigné, après expertise, le constructeur et l'assureur multirisque exploitation en indemnisation de ses préjudices.
L'arrêt d'appel (CA Amiens 29 juin 2023, n°22/00927) juge l'action du maître de l'ouvrage prescrite et retient que le point de départ du délai pour agir (10 ans) est celui de la réception des travaux de construction de la fosse à lisier au mois de juin 2005 sans que ce délai puisse être interrompu.
La Cour de cassation approuve la cour d'appel (Cass. 3e civ., 9 oct. 2025, n° 23-20.446, FS-B) et :
– expose qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de garantie décennale pouvait être interrompu par la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait ;
– affirme que depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le délai prévu aux articles 1792-4-1 à 1792-4-3 du Code civil est désormais un délai de forclusion, et non de prescription ;
– souligne que le délai de forclusion n'étant pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription, il est désormais jugé que la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait n'interrompt pas le délai de forclusion décennale ;
– relève que les dispositions transitoires de l'article 26 de la loi de 2008 ne s'appliquent qu'aux changements de durée des délais de prescription, et non aux causes d'interruption ou de suspension ;
– insiste sur le principe de l'article 2 du Code civil, selon lequel les lois nouvelles s'appliquent immédiatement aux situations juridiques non définitivement réalisées, sans effet rétroactif ;
– en déduit que si la loi nouvelle n'est pas applicable aux causes d'interruption ou de suspension de la prescription ayant produit leurs effets avant la date de son entrée en vigueur, les causes d'interruption ou de suspension survenues après cette date sont régies par la loi nouvelle.
Ainsi, la reconnaissance de responsabilité par le constructeur intervenue après la date d'entrée en vigueur de la loi précitée n'interrompt pas le délai de forclusion décennale, même si celui-ci avait commencé à courir avant cette date.
En revanche, l'arrêt d'appel est cassé sur le second moyen.
Pour déclarer irrecevable l'action du maître de l'ouvrage, l'arrêt d'appel retient que l'action en garantie décennale de celui-ci contre le constructeur étant forclose, celle formée contre son assureur multirisque exploitation l'est également.
En statuant ainsi, après avoir constaté que l'effondrement du mur de la fosse à lisier était survenu le 7 mars 2018 et que l'action en paiement était formée par le maître de l'ouvrage contre son assureur multirisque exploitation, de sorte qu'elle était soumise au délai biennal de prescription, lequel peut être interrompu par une assignation en référé-expertise, la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 du Code des assurances et 2241 et 2242 du Code civil.
(Source : Lexis360 du 24/10/2025).


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